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Une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU en août 2019 à New York. JOHANNES EISELE / AFP

Hongkong : les Etats-Unis changent de ton vis-à-vis de Pékin

Les diplomaties occidentales s’inquiètent de la perte d’autonomie de l’ancienne colonie britannique avec le vote d’une loi qui renforcera le pouvoir de Pékin à Hongkong.

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La tension monte entre Washington et Pékin. Lors d’une conférence de presse à la Maison Blanche, vendredi 29 mai, Donald Trump a annoncé que les Etats-Unis allaient mettre en œuvre le processus de suppression des exemptions commerciales dont bénéficie Hongkong. Selon le président des Etats-Unis :

« Hongkong n’est plus suffisamment autonome pour justifier le traitement spécial que nous réservions au territoire depuis la rétrocession. »

Par conséquent, « je demande à mon administration de lancer le processus de fin des exemptions qui permettaient à Hongkong d’avoir un traitement différent et spécial. Cela affectera la totalité des accords [avec Hongkong], de notre traité d’extradition au contrôle des exportations des technologies à double usage et plus, avec peu d’exceptions », a précisé Donald Trump. « L’action du gouvernement chinois contre Hongkong est la dernière d’une série de mesures qui diminuent le statut détenu depuis longtemps et fièrement par la ville. C’est une tragédie pour le peuple de Hongkong, de Chine, et bel et bien pour le peuple du monde », a-t-il ajouté. Il a enfin demandé à son administration d’« étudier les pratiques divergentes des entreprises chinoises cotées sur les marchés financiers des Etats-Unis afin de protéger les investisseurs américains ».

Un décret pour suspendre l’entrée des étudiants

Affichant sa volonté de mieux sécuriser la recherche universitaire « vitale pour le pays », M. Trump a également signé un décret suspendant l’entrée de « certains ressortissants » chinois, des étudiants, identifiés comme « potentiels risques » à la sécurité nationale des Etats-Unis. « Depuis des années, le gouvernement chinois se livre à l’espionnage pour voler nos secrets industriels », a-t-il dénoncé.

D’après l’Institut de l’éducation internationale (IIE), les Chinois sont les étudiants étrangers les plus nombreux aux Etats-Unis, avec près de 370 000 d’entre eux en 2018-2019, soit un tiers du total.

Le gouvernement local de Hongkong a laissé entendre qu’il y aurait une réaction. « Les sanctions ne sont pas toujours unilatérales et notre pays [la Chine] a dit que nous mettrions en oeuvre des contre-mesures », a indiqué samedi son chef de la sécurité intérieure, John Lee.

« Inquiétudes légitimes »

Plus tôt dans la journée, les diplomaties américaines et anglaises se sont opposées à celle de Pékin, vendredi 29 mai, lors d’une visioconférence informelle du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU) consacrée à Hongkong. Une nouvelle loi chinoise fait craindre aux chancelleries occidentales la perte de l’autonomie dont bénéficie l’ancienne colonie britannique.

Les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont exhorté la Chine à voir « les inquiétudes légitimes » liées à cette nouvelle loi, qui « risque de restreindre les libertés que la Chine s’est engagée à respecter en vertu du droit international », a rappelé dans ce communiqué l’ambassadeur britannique en exercice auprès de l’ONU, Jonathan Allen. « Si elle est appliquée, elle exacerbera les divisions profondes dans la société à Hongkong. »

« Toute tentative d’utiliser Hongkong pour interférer dans les affaires internes de la Chine est vouée à l’échec », a répondu l’ambassadeur chinois à l’ONU, Zhang Jun. Il a « exhorté les Etats-Unis et le Royaume-Uni à arrêter de porter des accusations sans fondement contre la Chine », a précisé un communiqué de la mission diplomatique chinoise. Celle-ci avait bloqué mercredi une demande américaine de réunion formelle du Conseil de sécurité à propos de la situation à Hongkong.

Quatre pays mènent la fronde contre Pékin

Les Etats-Unis, le Royaume-Uni, le Canada et l’Australie sont ouvertement opposés au projet, lequel prévoit de punir les activités séparatistes et « terroristes », la subversion, ou encore l’ingérence étrangère dans le territoire autonome chinois. Ils estiment qu’il s’agit d’une manière déguisée de museler l’opposition hongkongaise et de rogner les libertés. Ce que dément fermement la Chine.

La présentation de ce texte de loi a lieu après les manifestations monstres à Hongkong en 2019 contre l’influence de Pékin, au départ pacifiques, mais également marquées par des violences et du vandalisme. Elles ont renforcé un courant pro-indépendance jadis marginal.

En vertu du concept « Un pays, deux systèmes », l’ex-colonie britannique bénéficie depuis sa rétrocession à la Chine, en  1997, d’une large autonomie, de la liberté d’expression et d’une justice indépendante. Le projet de loi sur la sécurité nationale remet-il en cause l’autonomie hongkongaise ?

Oui, selon les Etats-Unis et le Royaume-Uni, le Canada et l’Australie. Ils ont exprimé leur « profonde inquiétude » quant à cette loi, qui « limiterait les libertés de la population » et « éroderait de manière dramatique l’autonomie et le système qui l’ont rendu si prospère ». La Chine conteste vigoureusement cette lecture.

L’Union européenne reste timide

Dans cette opposition diplomatique virulente, l’Union européenne (UE) ménage Pékin et s’oppose à des sanctions. A l’issue d’une réunion par visioconférence des ministres des affaires étrangères des 27 Etats membres de l’UE, le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a été très clair : les sanctions « ne sont pas la façon de résoudre nos problèmes avec la Chine », a-t-il rappelé. M. Borrell a toutefois fait part de « sa grave inquiétude » quant à la volonté de Pékin d’imposer la loi controversée sur la sécurité nationale à Hongkong.

Côté britannique, le chef de la diplomatie, Dominic Raab, a déclaré que si Pékin ne faisait pas marche arrière, Londres modifierait les conditions attachées au « passeport britannique d’outre-mer » délivré aux Hongkongais avant la rétrocession du territoire à la Chine en 1997, afin de les rendre plus favorables.

Actuellement, ce passeport ne permet qu’un séjour de six mois au Royaume-Uni, une limite qui serait supprimée pour permettre à son détenteur de venir chercher du travail ou étudier dans le pays pour « des périodes prolongeables de douze mois », a-t-il évoqué sur la BBC.