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Quand Princesse Mononoke a été sauvée de la "Disneyisation"

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En juillet 1997, au Japon, sortait Princesse Mononoké, une des réalisations les plus célèbres du Studio Ghibli. Un film d'animation qui a profité d'une diffusion sur le sol américain, sous le couvert de Disney. Une firme connue pour modifier les productions étrangères dans le but de satisfaire un large public. Mais un homme s'est interposé entre cette "Disneyisation" et le film de Hayao Miyazaki : Neil Gaiman. 

une "disneyisation" évitée de peu

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Son nom ne vous dit peut-être rien et pourtant, Neil Gaiman est un grand ponte de la littérature fantaisiste. Récompensé d'un Prix Hugo et d'un Prix Nebula, notamment, il est l'auteur de la série Sandman, une saga publiée chez DC Comics. Et si son nom refait surface aujourd'hui, c'est grâce aux mémoires de Steve Alpert, intitulés "Sharing a House with the Never-Ending Man: 15 Years at Studio Ghibli". 

A la fin des années 90, Alpert est alors à la tête de l'animation pour la branche internationale du Studio Ghibli. Il travaille main dans la main avec Hayao Miyazaki et a pour objectif de retranscrire le plus fidèlement possible les œuvres du génie japonais à l'étranger. Problème, les traductions japonais/anglais sont à l'époque potentiellement inexactes, la faute aux inexactitudes tolérées par les japonais. 

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Mais Alpert, qui dénonce son passé académique, souhaite retranscrire de manière fidèle toute la profondeur et la beauté des textes des réalisations du studio. Miramax, la société de production et distribution fondée par les frères Weinstein et rachetée par Disney en 1993, en charge de la diffusion du film sur le sol américain, s'est vu proposer Neil Gaiman par Quentin Tarentino en personne. Gaiman devient alors l'auteur du scénario anglais de Princesse Mononoké et doit donc participer aux tables rondes incluant Alpert et Miramax.

Les discussions se font en compagnie d'avocats et débutent à New-York. Miramax souhaite que le film soit intégralement doublé, méthode qui se popularise alors vis à vis des films étrangers diffusés sur le sol US. Problème, Disney utilise la traduction à des fins commerciales, pour satisfaire les spectateurs américains en changeant des noms ou encore en comblant des blancs. 

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Des ajouts qui ne sont pas issus du scénario original et qui servent à permettre aux spectateurs américains de mieux comprendre l'histoire dans sa globalité. Pour Princesse Mononoké, Miramax va tenter de faire pareil. Ainsi, lors de ladite réunion à New-York, une femme travaillant pour Miramax va tenter de savoir pourquoi Ashitaka est décrit comme un prince. 

La réponse est simple : parce qu'il est un prince. Seulement, la femme de chez Miramax estime que l'image qu'il renvoie, celle d'un homme vivant dans un village boueux au milieu de nul part et portant des loques, n'est pas celle d'un prince. Mais Gaiman ne va pas se démonter : 

"On sait qu'il est un prince parce que tout le monde le mentionne comme Prince Ashitaka. Il est un prince parce que son père était roi et il sera roi à son tour lorsque son père mourra. Les réalisateurs nous ont dit qu'il est un prince. Il est un prince, c'est comme ça."

La discussion ne s'est toutefois pas arrêtée là. La femme devait alors estimer qu'un prince ne pouvait pas vivre dans la misère. Or, son titre et ses conditions de vie sont deux choses totalement différentes.

Gaiman continue : "Regardez, le fait qu'il soit un prince est important pour l'intrigue. Ça fait partie de son personnage. C'est ce que Mr Miyazaki a décidé. Nous sommes supposés adapter ce film pour une audience américaine, pas le changer."
Miramax n'en démord pas : "Mais l'audience ne comprendra pas qu'il est un prince."
Gaiman : "Bien sûr qu'ils comprendront. L'audience n'est pas stupide. Et s'ils le sont, ils ne comprendraient pas le reste du film non plus."
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Le sujet a alors été clos et Gaiman a pu écrire son script. Un script décrit comme "incroyable" par Alpert, qui s'extasie également devant cette traduction, non littérale, à l'instar des expressions rajoutées, de manière à ce que le public ne se sente pas exclus par les scènes visibles à l'écran. Seulement, Gaiman a été forcé d'effectuer quelques changements pour satisfaire Harvey Weinstein, alors à la tête de Miramax. Plusieurs lignes inédites ont notamment été rajoutées, pour donner davantage d'informations aux spectateurs, sur le dieu-cerf et l'empereur, entre autres. 

Neil Gaiman a su faire face à Disney pour éviter que le film ne soit trop lourdement modifié. Néanmoins, des modifications ont tout de même été apportées au script afin de contenter le géant hollywoodien. Mais grâce à ses prises de parole, Gaiman a pu permettre à Hashitaka de conserver son titre de prince, que Miramax souhaitait voir disparaître, pour faciliter la compréhension du film.