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Boris Vallaud à l'Assemblée, le 24 février.
Photo Ludovic Marin. AFP

Les socialistes musclent leur proposition de «prime pour le climat»

Le groupe socialiste à l'Assemblée nationale propose, dans une note publiée ce vendredi, de de lancer un grand plan de rénovation des logements pour atteindre la neutralité carbone en 2050.

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Dans le monde d’après, c’est dit : rien ne sera plus jamais comme avant. Mais selon Boris Vallaud, député PS des Landes, il n’est pas interdit de «remettre sur le métier des bonnes idées», écartées dans le monde d’hier. A commencer par la «prime pour le climat», qui avait fait l’objet d’une proposition de loi déposée par le groupe socialiste en octobre avant d’être balayée par la majorité LREM-Modem deux mois plus tard. En compagnie de son collègue Jean-Louis Bricout, député de l’Aisne, Boris Vallaud publie donc ce vendredi une note, que Libération a pu consulter, remettant sur le tapis le dispositif destiné à «lutter contre la précarité énergétique». Les deux parlementaires ambitionnent de «changer d’échelle» dans la rénovation énergétique des logements. «Si nous continuons au rythme actuel, nous allons rater le coche des objectifs climatiques, s’alarme Boris Vallaud. On parle déjà de décennie perdue.»

Le député des Landes propose donc un plan de 510 milliards d’euros d’investissement sur trente ans pour aider les ménages à se décider aux travaux. Et couvrir le reste à charge qui, malgré les aides de l’Etat, demeure souvent trop élevé pour les foyers, selon les parlementaires socialistes. «C’est la grosse difficulté qui freine les gens, regrette Jean-Louis Bricout, mais avec notre système d’avance remboursable, nous évitons de buter là-dessus.» La prime pour le climat prendrait en compte l’intégralité du montant des travaux sans que les ménages aient besoin de débourser un centime de trésorerie. Quant au remboursement, il est renvoyé «au moment de la mutation» du bien, lors de la vente ou de la succession. De quoi rassurer ceux qui hésiteraient à se lancer dans l’aventure.

A en croire les deux parlementaires, un tel système d’incitation permettrait d’atteindre les objectifs de neutralité carbone en 2050. «Nous ne sommes pas dans le saupoudrage, prévient Boris Vallaud. Nous visons les rénovations globales et performantes.» Sans pour autant laisser de côté l’enjeu social. Les deux députés entendent éradiquer les passoires thermiques avant la fin de la décennie. «Elles sont souvent habitées par des personnes âgées, fait valoir Jean-Louis Bricout, qui sont restées au village ou au cœur des petites villes : imaginez les petits vieux qui se les caillent pendant le confinement !» Pour ne pas faire reculer ces derniers devant l’ampleur des travaux, la proposition des socialistes prévoit un accompagnement personnalisé par les mandataires habilités de l’Agence nationale de l’habitat qui pourraient s’occuper de la maîtrise d’ouvrage.

«On va faire exploser l’outil de production»

La prime pour le climat n’aurait donc que des vertus ? Pas sûr. «Le plus gros souci est de savoir si le secteur du bâtiment arrivera à suivre», s’inquiète le député de l’Aisne. C’est l’argument qu’avance Marjolaine Meynier-Millefert, députée de l’Isère, pour expliquer son opposition au projet des socialistes. Selon la coanimatrice du plan de rénovation énergétique pour le groupe LREM à l’Assemblée nationale, la question financière n’est pas centrale puisque des aides et des mécanismes de prêt à taux zéro existent déjà. «Massifier les travaux, on ne fait que ça depuis des années, s’agace-t-elle. C’est l’outil de production qui est à la traîne, il faut l’aider à monter en volume et en capacité de formation.» De fait, selon les chiffres de l’Agence pour la transition écologique avancés par la marcheuse, l’objectif gouvernemental de 500 000 logements rénovés par an est loin d’être atteint. «En 2017, on est à 350 000 rénovations partielles, dénombre-t-elle. Si on veut éradiquer les passoires thermiques en 2030, il faut passer à un rythme d’un million de logements rénovés par an. Si on fait ça du jour au lendemain, on va faire exploser l’outil de production !»

Pas de quoi effrayer Boris Vallaud, qui laisse au marché le soin d’organiser la réponse à la demande suscitée par sa prime pour le climat. «Avec le dispositif, on donne de la visibilité sur trente ans : si le marché a de la perspective alors l’orientation des entreprises se fera automatiquement», répond le socialiste à la marcheuse. Et devrait générer des centaines de milliers d’emplois, précieux en période de crise économique, promet la note des parlementaires PS.

«On dit "chiche, on y va !"»

Le sujet, qui allie relance économique et ambition écologique a l’avantage d’être dans l’air du temps : début avril, 50 propositions de sortie de crise venant de la Convention citoyenne pour le climat ont filtré dans la presse. En tête : la rénovation de 20 millions de logements, en multipliant par trois le rythme actuel. «C’est le moment de le faire, veut aussi croire Boris Vallaud. Tout le monde parle de rénovation thermique et de relance économique, nous on dit "chiche, on y va !"»

La note publiée vendredi ne pourra cependant faire l’objet d’un débat à l’Assemblée nationale tout de suite : la niche parlementaire du groupe PS, pendant laquelle les députés peuvent déposer des propositions de loi hors programme gouvernemental, n’est pas prévue avant plusieurs mois. Mais cela permettra aux socialistes d’exister dans le débat qui aura lieu lorsque la Convention citoyenne rendra ses propositions définitives, à la fin du mois de juin.