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Space Force : crash ou décollage réussi pour la série de Steve Carell sur Netflix ?

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Financée et distribuée par Netflix, co-produite et interprétée par Steve Carell, la série Space Force, showrunnée également par Greg Daniels, entend réaliser une mise en orbite réussie de l’humour américain. Mais la fusée peut-elle se crasher ? Premières pistes après 5 épisodes.

 

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Promotion ou punition ?

 

MISSILE POLITIQUE 

Mark R. Naird, général de carrière travailleur mais terne, se voit confier la mission dont personne ne veut : mettre sur pied la Space Force, une toute nouvelle branche de l’armée américaine. Entouré de spécialistes convaincus d’aller à la catastrophe sous les ordres d’un Président obsédé par les réseaux sociaux mais incapable de comprendre que ses amis Russes l’espionnent ouvertement (ça vous rappelle Donald Trump ?), Mark tente de mener sa tâche à bien, malgré sa totale inculture scientifique et une vie familiale déliquescente. 

Inutile de s’attarder sur la question, c’est bien l’administration Trump qui est dans le collimateur de la série, qui en profite pour allumer au passage une bonne partie de la classe politique américaine, démocrate et républicain peu importe (la jeune démocrate Alexandria Ocasio-Cortez et beaucoup d’autres en prennent pour leur grade). La charge, plus désenchantée que goguenarde, est à la fois précise et glaçante. Avec un sens de l’absurde efficace, le scénario sait développer les paradoxes, contradictions, qui mènent une administration condamnée à courir comme un canard sans tête, quand sa tâche pourrait être la plus glorieuse de son temps. 

Mais c’est au niveau macro-politique que le show propose une identité singulière, loin du tract anti-Trump. En effet, les attaques contre l’actuelle gouvernement américain sont à peine un vernis, et servent de porte d’entrée à un discours beaucoup plus vaste. Rarement on aura représenté les Etats-Unis aussi dépassés, déphasés, incapables de comprendre le monde dans lequel le pays se débat. De commissions d’investigations en humiliations assénées par les Chinois, Space Force dresse le portrait d’une grande puissance dont l’humour demeure la dernière cartouche. 

 

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Une belle brochette de vainqueurs

 

ARSENAL COMPLET 

Et en parlant de munitions, la série n’en manque pas, tant elle joue sur les ruptures de ton avec un véritable goût pour la nuance, tout en veillant à varier continuellement ses enjeux et situations. Après cinq épisodes (soit la moitié de cette saison 1), on a un peu le tournis devant la quantité de thématiques abordées, mais aussi la richesse des diverses situations dans lesquelles nos héros se retrouvent empêtrés. 

En quelques heures à peine, on aura assisté à un lancement schizophrénique, vu des aspirants astro-soldats se déchirer pour des questions de constipation, un général tenter de sauver la face avec un singe en orbite et une commission parlementaire partir en cacahuètes comme rarement. Tout cela, au rythme des altercations entre des personnages tous plus fins qu’ils n’en ont l’air. 

 

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Un aide de camp qui a le mérite d'exister

 

À commencer par celui qu’interprète Steve Carell. On pouvait redouter, à juste titre, qu’il nous livre une redite du Michael Scott de The Office, mais il n’en est rien. Son général Naird est un type compétent mais dépassé, volontaire mais dépressif, gaffeur mais investi. Un homme profondément triste, qui tente envers et contre tout de réprimer ses doutes pour mener à bien sa mission. Il en va de même pour le scientifique auquel John Malkovich prête ses traits, avec une malice bienvenue. Souvent navré des errements des militaires, il sait néanmoins quand se reposer sur eux ou faire des bourrins qui l’entourent des alliés. 

Difficile de dire si Space Force utilisera toutes ces munitions à bon escient, mais après cinq épisodes, il reste encore beaucoup de pistes empruntes de folie douce et d’émotion à explorer, comme les rapports de la curieuse famille Naird, où Lisa Kudrow, impeccable en épouse aussi enamourée que portée sur les activités illégales, pourrait jouer un très beau rôle. 

 

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Une mission de sauvetage... velue

 

HOUSTON, NOUS AVONS SOMMEIL 

Néanmoins, arrivé à mi-parcours de sa première saison, Space Force souffre d’un écueil majeur pour emporter le morceau : une mise en scène qui ne sait ce qu’elle veut raconter. Le désir d’afficher les moyens respectables dont bénéficie l’entreprise et celui de ne pas reconduire l’esthétique devenue trop identifiée de The Office ou Parks and Recreation amènent le show dans ce qui pourrait devenir une impasse

Car si le scénario ménage avec beaucoup d’efficacité d’excellents gags, des répliques idéalement acides, tout en caractérisant finement ses personnages, la caméra, elle, s’avère presque toujours indécise. Comédie distanciée ? Folie douce qui laisse affleurer le drame ? Ou authentique récit amer ? En l’état, impossible de trancher, tant le travail est soigné mais manque cruellement de personnalité, et paraît se poser des questions un peu vaines d’élégance, plutôt que d’accompagner le formidable matériau de base entre les mains de Netflix. 

 

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Lisa  Kudrow, un personnage qu'il nous tarde de mieux connaître

 

Le même constat s’applique au montage, lui aussi propre, voire classieux, mais presque toujours à contretemps, tant de l’humour que des percées émotionnelles. En témoigne le traitement d'Erin Naird (Diana Silvers), que la caméra scrute tantôt comme une demi-demeurée, pour mieux laisser sa sensibilité éclater quelques scènes plus loin. Et si une rupture de ton est à priori toujours bienvenue, on a souvent le sentiment d’assister ici à un vrai problème d’indécision. 

Les cinq premiers épisodes de Space Force sont riches de promesses et nous offrent des personnages détonnants. La série doit désormais ajuster son ton et son identité visuelle pour être à la hauteur de ses ambitions.

Space Force est disponible en intégralité sur Netflix depuis le 29 mai 2020

 

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En espérant que la série ne fasse pas tapisserie