Fin de Gérard Collomb à Lyon : les histoires d'amour finissent mal…
Le maire de la capitale des Gaules vient d'annoncer sa sortie après quatre décennies de vie politique, du PS à son alliance avec la droite.
by De notre correspondante à Lyon, Catherine Lagrange« J'ai consacré quarante ans de ma vie à Lyon. Vingt ans à la conquérir, vingt ans à la transformer. » C'est avec ces mots, et beaucoup d'émotion, que Gérard Collomb vient de tirer sa révérence. Quatre décennies de vie politique commencées à gauche au PS, poursuivies avec Emmanuel Macron, pour se terminer brutalement avec une alliance à droite et un effacement devant le candidat LR à la métropole de Lyon, le sénateur François-Noël Buffet.
La ténacité. Voilà sans doute l'un des traits de caractère de Gérard Collomb. Il en a fallu au jeune agrégé de lettres classiques promis à une belle carrière universitaire, engagé dès 1968 au Parti socialiste pour conquérir une ville historiquement ancrée au centre droit. Vingt ans d'opposition sous l'autorité d'une lignée de maires, de Louis Pradel à Raymond Barre, en passant par Francisque Collomb et Michel Noir. Et puis, en mars 2001, la victoire, inespérée, obtenue avec la bénédiction de Raymond Barre. Gérard Collomb offre Lyon à la gauche et invente la « gauche plurielle », un grand rassemblement des communistes jusqu'au centre, en passant par les écologistes. Un rassemblement qu'il élargira même progressivement à sa droite, en intégrant dans son équipe des sarkozystes notoires, comme l'avocat Richard Brumm, resté l'un de ses derniers fidèles.
Ce rassemblement préfigure déjà les fondations d'En marche ! et explique en partie son coup de foudre pour Emmanuel Macron, qu'il voit comme un fils spirituel. « Lyon a été le laboratoire du macronisme », rappelle-t-il régulièrement avec fierté. En repérant, le premier, « le potentiel » du jeune Macron, en l'accompagnant dans sa conquête du pouvoir, en lui ouvrant ses réseaux, en jetant avec lui les bases d'En marche !, Gérard Collomb a gagné aussi une stature nationale qui lui avait été refusée jusqu'alors. Snobé par François Mitterrand, ignoré par Lionel Jospin lors de la cohabitation, oublié par François Hollande, c'est finalement Emmanuel Macron qui lui offrira une revanche avec son premier portefeuille ministériel. Et pas n'importe lequel, celui de ministère de l'Intérieur. Une mission de courte durée, abandonnée moins de 18 mois plus tard pour rentrer précipitamment dans sa ville qu'il sentait lui échapper. L'épisode marque l'amorce de l'éloignement entre les deux hommes. Et aussi le début des ennuis. « À Lyon, ses amis politiques, les chefs d'entreprise, tout le monde dans cette ville l'a mis en garde contre ce quatrième mandat sollicité à 73 ans, le mandat de trop, mais il n'a pas voulu écouter », regrette l'un de ses fidèles, qui a vu depuis leur relation se dégrader. Il observe aujourd'hui avec tristesse « une fin de règne pitoyable ». « C'est ce qui restera de Collomb à Lyon, quel dommage après le chemin parcouru ! » pronostique-t-il.
Que restera-t-il de Gérard Collomb ?
« Emmanuel Macron à l'Élysée, c'est l'une de mes grandes fiertés », confie-t-il dès qu'il le peut, la larme à l'œil. Comme celle qu'il a versée en public lors de l'investiture du président de la République, le 14 mai 2017. Lui veut rester comme le faiseur de rois, comme celui qui a accompagné Emmanuel Macron jusqu'au sommet de l'État.
À Lyon, malgré ce dernier virage à droite, il restera malgré tout comme celui qui a amené la gauche au pouvoir. « Êtes-vous toujours un homme de gauche ? » lui demande-t-on régulièrement en observant l'orientation de sa trajectoire politique. La question a le don d'irriter Gérard Collomb : « Je n'ai de leçons à recevoir de personne en matière de gauche », assène-t-il alors, évoquant ses origines populaires, un père ouvrier métallurgiste, une mère femme de ménage, son parcours au PS, sa conception saint-simonienne de la gauche : « Il faut une économie forte, il faut soutenir les entreprises pour créer de la richesse et pouvoir la redistribuer. » Son investissement, depuis qu'il est au pouvoir en faveur de l'attractivité de son agglomération, des réseaux économiques, en même temps que du logement social. Voilà comment ce maire bâtisseur a mis en musique sa conception de la gauche depuis le sommet de la métropole de Lyon.
« La pire image politique qu'un homme politique puisse donner »
Imaginée et créée en 2015 avec la complicité du sénateur MoDem Michel Mercier, cette collectivité qui rassemble 39 communes et près de 1,5 million d'habitants, l'une des plus puissantes de France, voilà une autre de ses fiertés. « C'est la première métropole de France après l'Île-de-France », a-t-il rappelé avec fierté jeudi en dressant, au moment d'annoncer son retrait, son propre bilan. Une supercollectivité, pour un superpouvoir auquel il est aujourd'hui contraint de renoncer, poussé par les électeurs qui ne lui ont accordé que la quatrième place le 15 mars dernier. Poussé aussi par une vague verte qu'il n'a pas vue venir.
Son alliance avec la droite négociée en direct avec Laurent Wauquiez laisse en tout cas un goût très amer chez ses anciens compagnons de route.
« C'est le mariage de la carpe et du lapin », résume le député Jean-Louis Touraine, ancien socialiste qui l'a suivi à LREM. « Un jour bien sombre pour la politique lyonnaise », pour Georges Képénékian, homme de gauche et ami de trente ans. Celui qui a assuré l'intérim dans le fauteuil de maire de Lyon pendant le passage à Beauvau décrit « la pire image politique qu'un homme politique puisse donner ». « Une alliance contre nature » pour son ancien dauphin David Kimelfeld, qui l'a suivi lui aussi du PS à LREM avant de se voir confier la présidence de la métropole. « Une ligne est franchie », pour Stanislas Guerini, le patron de LREM, qui s'apprête à retirer aux équipes de Gérard Collomb leur investiture macroniste.