Renault va restructurer six usines en France et tailler dans ses effectifs
par Gilles Guillaume et Sarah White
PARIS (Reuters) - Renault a annoncé vendredi un plan drastique d'économies de plus de deux milliards d'euros sur trois ans pour restaurer sa compétitivité qui passera par la restructuration de six usines en France et une réduction de presque 10% de ses effectifs mondiaux.
Le constructeur automobile, soucieux de redresser sa situation financière après sa première perte nette annuelle en dix ans, avant même le coup de tonnerre du coronavirus, tourne ainsi le dos à une stratégie qui a laissé son outil industriel surdimensionné.
"L'état d'esprit a complètement changé", a déclaré la directrice générale par intérim Clotilde Delbos, au cours d'une téléconférence avec les analystes financiers. "La ligne précédente, c'était les volumes, les ventes et la première place du podium, sans trop se préoccuper de savoir si nos clients étaient prêts ou non à payer pour les innovations", a-t-elle ajouté, une allusion à peine voilée à la stratégie de croissance à marche forcée du PDG déchu Carlos Ghosn.
"Principe de réalité oblige, nous ne cherchons pas à être au sommet du monde, ce que nous voulons, c'est une entreprise durable et profitable."
Le projet de restructuration de Renault affecte près de 4.600 emplois en France, à quoi s'ajoute la réduction de plus de 10.000 autres postes dans le reste du monde.
Sous le regard vigilant de l'Etat, son principal actionnaire, Renault a pris soin de souligner qu'il ne procéderait à aucun licenciement sec, mais qu'il aurait recours aux départs volontaires et naturels, et son président Jean-Dominique Senard, a insisté sur le fait que les annonces du jour n'impliquaient qu'une seule fermeture de site, celui de Choisy-le-Roi (Val de Marne).
Si l'activité de recyclage mécanique de Choisy sera transférée à l'usine de Flins (Yvelines), cette dernière cessera d'assembler des voitures au-delà de la Zoé actuelle, après 2024. Le site héritera d'autres activités supplémentaires, mais la France n'avait pas perdu d'usine d'assemblage depuis la fermeture du site PSA d'Aulnay-sous-Bois en 2013.
EN ATTENTE DU PRET GARANTI DE L'ETAT
Alors que ses usines françaises ne tournent qu'à 60% de leurs capacités, Renault s'interroge également sur l'avenir de l'usine de Dieppe (Seine-Maritime), qui produit l'Alpine, et réfléchit à regrouper les sites de Douai et de Maubeuge au sein d'un seul et même pôle d'excellence dans l'électrique et l'utilitaire.
Ce scénario fait craindre à certains syndicats que Maubeuge perde à son tour l'assemblage de véhicules.
Selon une source proche du dossier, c'est en partie pour cette raison que l'Etat n'a pas encore publié l'arrêté validant le prêt garanti de cinq milliards d'euros à Renault, attendant une table ronde la semaine prochaine avec le ministre de l'Economie Bruno Le Maire sur les deux sites nordistes.
Enfin, le groupe a lancé une revue stratégique pour la Fonderie de Bretagne, à Caudan (Morbihan), qui emploie 385 personnes en CDI. Sur place, la CGT refuse l'idée d'une cession du site à un repreneur, mais dans le Monde daté de samedi, Jean-Dominique Senard a déclaré que "son avenir n'est pas dans le groupe Renault".
Ces mesures d'optimisation de l'appareil industriel doivent contribuer pour 650 millions d'euros à l'objectif de réductions de coûts, le solde provenant de l'ingénierie (800 millions) et des fonctions support (700 millions), soit un total d'environ 2,15 milliards pour un côut de mise en place estimé à 1,2 milliard d'euros.
La CFE-CGC, principal syndicat du groupe, a fait part de son "incompréhension" devant "un projet qui bouleverse 5 sites du manufacturing" et indiqué qu'elle demanderait une expertise lorsque les syndicats seront consultés.
De son côté, la CFDT a dénoncé "un projet de casse sociale et de dé-industrialisation" et appelé à une vraie co-construction.
A la Bourse de Paris, l'action du constructeur recule de plus de 6% vers 14h00, accusant la plus forte baisse du CAC 40.
"Le plan de réduction des coûts est relativement conventionnel et crédible mais les investisseurs préféreront attendre ses premières concrétisations avant de lui réserver l'accueil qu'il mérite", commente UBS dans une note.
(Gilles Guillaume, édité par Blandine Hénault)