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David Julien, Sepalumic (Crédits : DR)

"Le fait de miser sur la relation humaine, c'est ce qui fait la différence", David Julien (Sepalumic)

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L'ŒIL DES BOSONS. À l'heure où les entreprises naviguent à vue, où le monde économique se projette avec difficulté sur ce qui forgera la société de demain, nous sommes partis à la rencontre de ceux dont on parle beaucoup mais qu'on entend peu : les dirigeants des PME et ETI qui sont les poumons du tissu économique et social français. Comment ont-ils géré la crise ? Qu'est-ce que ce contexte si singulier a mis en exergue de positif au sein de leur organisation ? Comment ont-ils dirigé leurs équipes ? Qu'est-ce que l'art de diriger en eaux troubles ? Épisode 1 : "Les dirigeants de PME/ETI à la barre", avec David Julien, directeur général de Sepalumic.

Depuis maintenant quatre ans, nous avons la chance d'accompagner chez The Boson Project ce que l'on aime appeler 'une belle boîte' : Sepalumic, concepteur et distributeur de systèmes de menuiseries et de façades aluminium. Cette ETI de plus de 50 ans, fondée en 1967, est une pépite du genre, avec plus de 100 millions d'euros de CA, une belle rentabilité et 385 salariés répartis sur plusieurs sites - 3 sites de production, 7 sites de stockage implantés dans les provinces métropolitaines, dans les DOM et au Maroc, et le siège social basé à Mouans-Sartoux (06). Sepalumic adopte depuis vingt ans une stratégie double de réinvestissement du territoire national pour la production (avec par exemple la construction du site de Genlis en 2004 et la réintégration progressive des volumes sous-traités en Europe) et de présence au plus près des clients avec une implantation décentralisée de la logistique et du suivi clients.

Comme la majorité des entreprises du bâtiment, Sepalumic a été durement impacté par la crise de la Covid 19. Ainsi, en l'espace d'une journée, à la suite des annonces du président le 13 avril 2020, 80% de la filière cessait son activité. Nous avons échangé avec David Julien, Président de Sepalumic, sur sa gestion de la crise et les enseignements qu'il en a tiré. En quelques mots : une communication transparente, une écoute empathique, un leadership affirmé, un sens du collectif fort, le tout vecteur d'alignement à tous les échelons, de confiance mutuelle et de solidarité au sein du corps social.

« Parler vrai »

Dans ces temps de crise, la confiance est à la fois le bien le plus précieux mais aussi le plus fragile. La communication revêt donc un rôle central : « Face à l'angoisse, le fait de parler vrai, c'est le seul moyen de rassurer les équipes, de présenter la situation telle qu'elle est, avec le niveau de connaissances disponibles » nous raconte David Julien.
La lisibilité, chère à Pierre Rosanvallon lorsqu'il évoque « le bon gouvernement » fut ainsi un pilier essentiel de la gestion de crise de Sepalumic. David a ainsi fait le choix d'expliquer cartes sur table les enjeux et les décisions qu'avait prises l'entreprise tout en assumant les incertitudes et les zones de flou. « On a maintenu un rituel : à chaque fois qu'il y a eu une communication officielle du gouvernement, nous organisions une cellule de crise derrière pour expliquer en toute transparence comment on l'interprétait et comment on allait y répondre. »

Cette communication transparente a une double vertu :

« Écouter, décider et s'adapter »

Une situation exceptionnelle qui a nécessité plus que jamais de communiquer avec transparence et sincérité donc, mais qui a aussi requis d'écouter. Cette crise, comme toutes les autres, a rendu le cadre d'action imprévisible. Mais celle-ci a eu la particularité d'ancrer une situation de stress sur plusieurs pans : sanitaire, économique et social. Il a donc fallu tout aussi bien gérer la sécurité des employés qui étaient sur le terrain que l'adaptation économique de l'entreprise et l'instauration de nouveaux modes de management. Un besoin d'agilité multilatérale, auquel Sepalumic a répondu via la mise en place d'une gouvernance spécifique permettant d'allier :

Ce processus de décision a permis de « rassurer les équipes qui se sont senties vraiment écoutées » et d'adapter les décisions en fonction des retours terrains : « on a par exemple utilisé des masques chirurgicaux plutôt que des FFP2 qui étaient trop contraignants pour les métiers physiques. » « Les équipes se sont auto-organisées pour prendre elle-même en charge le ménage et l'entretien des locaux pour éviter que des personnes extérieures interviennent. »

Ce mode de fonctionnement n'a pas pourtant pas été évident à mettre en place. « On n'avait jamais fait de simulation de crise et tu t'aperçois que ça demande plusieurs semaines d'acculturation de s'adapter. Heureusement, nous avions travaillé sur de nouvelles formes de gouvernance qui nous ont permis de nous mettre en ordre de marche rapidement. »

 « Diriger avec assurance et exemplarité »

Cette gouvernance bien huilée a cependant nécessité plus qu'habituellement l'affirmation d'une figure tutélaire. Car si la transparence, la lisibilité des décisions et l'écoute du terrain jouent un rôle primordial, le dirigeant doit assumer son statut singulier dans ce type de situation. « On ne peut pas tomber dans un excès d'empathie », partage David.

Le leader, en période de crise, doit apprendre à naviguer à vue dans la complexité d'un contexte incertain. Il doit aussi apprendre à commander des Hommes dont les réactions en temps de crise sont souvent imprévisibles. Il doit ainsi jongler entre les paradoxes : prévoir sans visibilité, rassurer tout en responsabilisant, être emphatique tout en gardant de la hauteur, etc. C'est ainsi que David a perçu le rôle spécial qui lui était dévolu pendant la crise.

« Chaque annonce du gouvernement a créé beaucoup d'anxiété. Les équipes attendaient de nous qu'on soit capable de les rassurer. Dans ces moments-là, les gens ont besoin de se rattacher à une figure tutélaire. Les dirigeants et managers doivent montrer l'exemple et être sur le terrain avec les équipes. » Dans le tumulte et le flou, les dirigeants font figure d'ancrage et de guide pour leurs équipes. Il est donc indispensable qu'ils soient présents et visibles. David précise également que dans certaines équipes, « l'absence d'un leader identifié et présent sur site générait davantage d'anxiété. »

En cette période de crise, les attentes envers le leader ont été exacerbées. D'autant plus dans une crise globale et complexe, où il doit être un symbole de réassurance et trouver des solutions locales adaptées et concrètes à des problèmes de grande échelle, qui semblent souvent abstraits.

« Miser sur ce qui rassemble »

« Le fait de miser sur la relation humaine, dans des périodes très complexes et anxiogènes comme celle-là, c'est ce qui fait la différence. Il y a eu un vrai lien de solidarité au moment de fermer. » Sepalumic investit depuis longtemps sur la cohésion et l'alignement de son corps social pour maintenir un « bon état d'esprit » et entretenir des valeurs de solidarité et de convivialité, que ce soit dans ses relations en interne comme en externe. Ce travail sur la culture, les valeurs et les relations humaines semble avoir fait la différence pendant cette période.

« C'est dans ces moments-là que tu agis avec tes valeurs. Nous avons renforcé notre cohésion en interne mais aussi avec nos clients et avec nos fournisseurs. Nous avons fait le choix de tendre la main à nos fournisseurs, mis un point d'honneur à les payer et à trouver des solutions avec eux. »

Car il est très probable que les plus résistants face à la crise économique, qui ne prendra sans doute sa pleine ampleur que d'ici quelques mois, seront ceux qui auront su prendre soin de leur capital humain et de leur écosystème.

David et les équipes de Sepalumic semblent avoir trouvé, après plusieurs semaines, le bon fonctionnement pour traverser la tempête.

En résumé, leur modèle repose ainsi sur quelques principes clés :

Retrouvez la semaine prochaine un nouveau récit de navigation de dirigeant de PME/ETI à la barre dans la rubrique l'Œil des Bosons.

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(*) The Boson Project est une startup composée d'entrepreneurs engagés à faire bouger les lignes dans les entreprises en mettant les collaborateurs au cœur des processus de transformation, notamment les plus jeunes.

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