Un déconfinement trop rapide ? Les experts répondent
Brian Pierard
Publié le 29-05-2020 à 12h36 - Mis à jour le 29-05-2020 à 12h39
Ce vendredi, le centre national de crise et le SPF Santé publique ont dévoilé les chiffres du jour et ont également répondu aux questions chaudes liées à l'évolution de l'épidémie de coronavirus en Belgique.
Au cours de la conférence de presse de ce vendredi, les experts ont annoncé le décès de 42 personnes au cours des dernières 24 heures. Dans les hôpitaux, on dénombre 27 nouvelles admissions et 109 départs. Dorénavant, moins de mille personnes sont hospitalisées en Belgique dans le cadre du coronavirus. Steven Van Gucht et Yves Van Laethem ont également annoncé qu'il y avait 212 nouveaux cas de coronavirus, sur un total de 18.072 tests réalisés ces dernières 24 heures.
Les experts ont également évoqué les tendances de la semaine qui vient de s'écouler. L'absentéisme au travail est toujours en chute. Par ailleurs, les consultations pour syndrome grippal se stabilisent. Actuellement, on dénombre 78 consultations pour état grippal par 100.000 habitants.
Yves Van Laethem et Steven Van Gucht ont voulu attirer l'attention de la population sur trois sujets.
La séroprévalence
Tout d'abord, ils ont parlé de la séroprévalence (taux d'anticorps dans le sang). Depuis fin mars pour la partie néerlandophone ou mi-avril pour la partie francophone et bruxelloise, Sciensano regroupe 1500 échantillons de sang toutes les deux semaines provenant de la Croix Rouge. Il s'agit d'échantillons de donneurs de sang en bonne santé qui se situent dans la tranche de 18 à 75 ans. Les données relatives à ces échantillons ont été plusieurs fois étudiées pour analyser le taux d'anticorps dans le sang. Yves Van Laethem a analysé ces résultats encourageants lors du point presse, désormais hebdomadaire. "Les chiffres du 30 mars sont relatifs au comportement de l'épidémie 15 jours plus tôt, alors qu'on était en pleine ascension. Lors de cette période, on dénotait chez les donneurs de sang flamands un pourcentage d'anticorps de 1,3%. L'évaluation faite par la suite, à la mi-avril, se base sur les patients qui auraient fait l'infection vers la fin du mois de mars, au moment du pic. On obtient là un pourcentage de 4,7%. Il s'agit d'un taux bas d'anticorps", se réjouit l'épidémiologiste qui expliquait encore que ces anticorps n'avaient plus augmenté par la suite, lors des examens faits jusqu'à la mi-mai. Cette stabilité des chiffres est une conséquence positive d'une bonne application des mesures de confinement.
Fièvre, chaleur et canicule
Ensuite, les experts ont parlé de l'approche de l'été et de potentielles fortes températures. Comme le rappelait Yves Van Laethem, "ces dernières années, les étés sont particulièrement chauds, avec des températures élevées dépassant les 30° ou 35°. Au cours de cette période, nous avons une population à risque de présenter des déshydratations ou des insolations". Cette population, essentiellement située parmi les personnes âgées, est la même que celle qui est à risque, face à une infection au coronavirus. Les experts ont dès lors rappelé plusieurs conseils pour contrer cette période qui s'annonce compliquée pour une frange de la population. "Tout d'abord, il faut éviter la chaleur et privilégier les moments les plus frais de la journée pour sortir. Il faut également se protéger un maximum du soleil. En effet, s'exposer à de fortes températures ne va pas détruire le virus qui est en vous. Ce serait donc une mauvaise idée de courir ce risque. Il faut également garder son chez-soi bien frais. Aérer au matin et en soirée, lorsque les températures sont plus fraîches, est judicieux. S'hydrater avec de l'eau est fondamental. Ou en tout cas avec une boisson sans alcool ou sans caféine", explique l'expert.
Yves Van Laethem va un peu plus loin et apporte une précision fondamentale pour les personnes qui pourraient souffrir de fièvre durant les futures fortes chaleurs. "Si vous avez de la fièvre - il se peut qu'elle soit liée aux températures élevées de l'été - mettez vous au frais. Si cela dure plus d'une demi heure ou 45 minutes, appelez votre médecin traitant. Cela peut être un signe de gravité par rapport à l'insolation elle-même. Mais elle peut aussi être un signe d'infection par le Covid. Le fait de s'isoler, de tester et d'appeler son médecin sont des choses essentielles", avertit-il.
Enfin, les experts veulent aussi attirer l'attention de la population sur les rassemblements en lieux publics et privés lors des périodes de forte chaleur. "Il faudra éviter les rassemblements de personnes dans les lieux frais. Que ce soit à l'extérieur près d'une fontaine ou à l'intérieur près d'un ventilateur. Cela favoriserait une transmission plus facile du virus d'une personne à l'autre", précise le porte-parole interfédéral.
Les experts saluent "la responsabilité des Belges"
Ensuite, c'était au tour de Benoit Ramacker de prendre la parole afin de saluer le bon comportement des Belges et de les encourager à continuer de la sorte. "La réouverture des magasins et des écoles a pu se faire de façon rapide. Malgré nos réalités personnelles, nous avons tous pris nos responsabilités. C'est uniquement de cette manière là qu'on saura garder le contrôle de ce virus dans les prochaines semaines. Il est très positif de voir que nous avons tous adapté nos habitudes au cours des dernières semaines."
"Nous n'allons pas trop vite"
La conférence de presse s'est clôturée sur deux questions pour les experts. La première concernait la vitesse à laquelle le déconfinement s'accélérait. Est-ce trop rapide ?
"Je ne pense pas qu'on puisse dire qu'on soit trop rapide et qu'on ne procède pas à l'évaluation de l'impact", affirme Yves Van Laethem. "Actuellement, nous avons un recul de 17 jours sur le début de la phase 1B. Ce qui nous permet de dire que les Belges ont réussi cet examen-là. Nous sommes dix jours après le début de la phase 2 sans que les indicateurs n'aient bougé. Actuellement, rien ne nous permet de dire qu'on va spécialement trop vite. Par exemple, on s'est rendu compte à la télévision que les Belges ne se sont pas précipités à la Côte. Il n'y a pas d'afflux qui ferait penser qu'on court des risques particuliers. On a l'impression que la population reste prudente et qu'elle respecte la distanciation. Un suivi des données doit continuer pour évaluer au jour le jour ce qu'il se passe afin de rectifier les choses si c'est malheureusement nécessaire."
Enfin, les experts ont été questionnés sur l'évolution des chiffres. Sont ils meilleurs, moins bons, ou égaux à ceux attendus ?
"Différents scénarios étaient attendus. On s'attendait à des vaguelettes ou à une grosse vague. Nous sommes devant une évolution très calme et positive. Elle est donc un peu meilleure que ce qu'on avait attendu depuis que le confinement a commencé. La suite va dépendre du comportement des citoyens", a conclu le porte-parole.