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Aurélien Rougerie © BOILEAU FRANCK

Rougerie (ASM) : "Aller chercher cette victoire !"

Dix ans jour pour jour après ce glorieux 29 mai 2010, nous vous proposons de vous replonger dans les conditions réelles de ce jour de finale entre l'ASM et Perpignan. Interview d'avant match avec le capitaine Aurélien Rougerie.

Avant cette finale, il y eut ce match un peu fou face à Toulon. Quelle image vous a marqué ?

« Nos supporters. C’est toujours impressionnant de voir cette foule derrière nous. Moi, cela me fait chaud au cœur, comme à chaque fois. Déjà dans le stade, ils ont fait le show. Mais une fois dans le bus, sur l’autoroute, il y avait cette file de bagnoles sur des kilomètres… Là, tous les joueurs, on s’est tous dit : "Wahouh !" »

Sitôt qualifiés, avez-vous pensé au retour dans « ce ventre » qui a si souvent englouti vos rêves, le Stade de France ?

« Je n’ai pas d’images négatives de ce stade. Ni aucun ressentiment vis ­à ­vis du Stade de France si c’est le sens de votre question. Ce n’est pas un sarcophage ! Je vous rappelle qu’on y a aussi gagné (sourire). On espère recommencer contre Perpignan. »

Le groupe a semblé aborder cette nouvelle finale avec une nouvelle sérénité. On se trompe ?

« Non, c’est plutôt ça en effet. Après Toulon, on a eu beaucoup de plaisir à partager un bon moment ensemble. Un peu de musique, quelques bières, cela a suffi à notre bonheur. Il y avait dans le groupe le sentiment du devoir accompli. Personnellement, c’était la première fois que je jouais une prolongation et je ne suis pas prêt de l’oublier ! Mais on n’a rien volé. L’issue de cette demi-­finale a montré qu’on avait du caractère… Le passé nous sert aujourd’hui. On se le disait à chaud après les défaites. Voilà, on y arrive. On n’est jamais à l’abri, mais je crois sincèrement qu’il y au ne réelle évolution. »

Il y a quand même une dimension particulière dont il est difficile de faire abstraction ?

« Évidemment, mais c’est le lot commun de tous ceux qui s’approchent de cette finale. Et plus on en est près, plus on y pense. C’est humain. Mais il faut l’aborder sereinement. Moi, encore aujourd’hui, je me dis que je suis un privilégié. Ce sont peut-­être des moments qui se répètent en ce qui me concerne, et on est quelques­uns dans ce cas, mais c’est à chaque fois totalement différent. Oui, ce sont vraiment des moments uniques. »

Vous parliez de ces « quelques-uns » qui reviennent en finale…

« On est un noyau dur qui avance dans la continuité. Et qui veut vraiment rester dans les clous. Je crois qu’on a encore une marge de progression. Et dites­vous bien que, quoi qu’il arrive contre l’USAP, on continuera ! »

« Je ne me considère pas comme le chef de quoi que ce soit »

Toutes ces finales perdues, vous les aviez évoquées avec Eric Blondeau (le coach mental intervenu l’an passé auprès de l’ASM) ?

« Effectivement, cela faisait partie des sujets abordés (petit silence). Mais pour être clair, au moment de jouer, le passé ne pèse pas. Cela reste, et cela doit rester un match de rugby. C’est comme cela qu’il faut l’appréhender. Il ne faut pas vivre avec ça en tête. Il n’y a rien d’inéluctable. Pour preuve, sur la dizaine de matches couperets qu’on a joués ces dernières années, on en a remporté six pour quatre défaites. Bien sûr, on a perdu les finales, et c’est pour cela qu’on en parle davantage. Mais moi, je dis qu’on sait aborder ce type de matches. »

De toutes ces finales perdues, y en a-t-il eu une plus cruelle que les autres ? 

« (Catégorique) Non ! Elles l’ont toutes été. »

Travaillez-vous vos discours de capitaine ? Comment cela se passe-t-il ?

« Si je les travaille ? Oui et non. J’essaie d’en dire le moins possible. C’est un peu notre "sauce" interne ! Je me plais à croire que chacun a sa motivation personnelle. Pour moi, l’individualité doit se mettre au service du collectif. Alors oui bien sûr, je prépare quelques phrases que je sers avant le coup d’envoi. Dans la semaine, en revanche, je joue davantage les sondeurs. J’essaie de savoir comment sont les gars. Si un d’entre­-nous est moins bien ? Et pourquoi ? Si c’est le cas, on en parle. Voilà, ce n’est pas parce que je suis le capitaine que je me considère comme le chef de quoi que ce soit. Ce n’est pas ma conception du rôle. »

Qu’est-ce qui est le dur dans cette fonction ?

« Un, d’avoir à faire le relais avec le coach. Deux, d’avoir aussi à renouveler son discours pour ne pas lasser. Ce n’est pas si évident. Alors, je fais travailler mon petit cerveau ! (rire). Surtout qu’une saison, c’est long. Il y a aussi des compétitions qui s’entremêlent. C’est souvent différent selon les périodes. Je ne fais pas vraiment de recherches, mais comme il faut bien trouver l’inspiration, je suis un peu plus attentif à tout ce qui m’entoure. La presse peut être une source intéressante, et je lis ce que les autres peuvent dire. Mais le déclic peut aussi venir d’une conversation entendue, y compris avec des enfants ! L’important, c’est de trouver les mots justes. »

Propos recueillis par Valéry Lefort