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L’Etat et les banques, en pole position

RELANCE DE L’ECONOMIE POST-COVID

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Rudoyée par la pandémie de Covid-19, l’économie nationale cogite pour structurer les bases de sa relance d’après-crise. A ce niveau, les positions explosent d’un spécialiste à un autre. Pour l’économiste Meissa Babou qui est d’avis que ce sera forcément une relance par l’argent, la nécessaire subvention que l’Etat va allouer aux entreprises impactées par la crise est au centre de la stratégie de reprise de l’activité économique post Covid-19. A ce titre, il suggère à l’Etat la mise en place d’une cellule de veille qui va se charger dès maintenant de recenser les principaux bénéficiaires de cette subvention. S’inscrivant dans la dynamique, l’économiste et chercheur El Hadji Mansour Samb avance cependant que la seule relance qui est viable est celle qui va se faire à partir des banques. « Une entreprise ne peut pas fonctionner sans financement et les financements se trouvent au niveau des banques ».

La pandémie de Covid-19 a eu un impact considérable sur l’économie sénégalaise. En effet, depuis le début de la crise, tous les secteurs d’activités sont au ralenti. Du tourisme au transport en passant par l’hôtellerie et la restauration. En perspective de l’après-Covid,-le Chef de l’Etat a d’ailleurs appelé les Sénégalais à apprendre à vivre avec le virus,- il faut dorénavant réfléchir sur comment relancer notre économie. Interpellé sur la question, le professeur Meissa Babou, économiste à la Faseg de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar pense que cette relance passerait nécessairement par des subventions allouées aux entreprises les plus touchées par la crise.

REMBOURSER LES 300 MILLIARDS DUS AUX ENTREPRISES DEPUIS 2 ANS

«Pour relancer l’économie, il faut absolument qu’il y ait une subvention. Ce sera forcément une relance par l’argent. Tous les gouvernements du monde sont en train de mettre en place un budget colossal de plusieurs milliards de dollars. Le Sénégal, à l’image de tous ces pays-là, devrait mettre la main à la pâte. Donc, il faudra beaucoup d’argent. Je précise que dans cette subvention normalement, il ne faut pas prendre en compte les 300 milliards qui sont dus à entreprises depuis 2 ans et qui doivent être remboursés. Je parle de subventions non remboursables», soutient-il.

L’économiste soutient également que l’Etat doit faciliter l’accès au crédit bancaire. «L’Etat ne peut pas tout faire. Les entreprises qui ont perdu déjà pratiquement tout et qui ne disposent plus d’un fonds de roulement, doivent quand même avoir une troisième solution, à savoir le crédit bancaire», suggère-t-il. Pour que tout cela se déroule dans les règles de l’art, le Professeur Babou recommande toutefois au gouvernement la mise en place d’une cellule de veille. «Il faut une préparation. Il faut mettre des commissions de veille dans tous les secteurs d’activité pour qu’ils puissent faire des évaluations à mi-chemin. Par exemple tous les jours regarder les niveaux de perte des secteurs pour qu’au finish l’on puisse savoir les subventions à allouer à tel ou tel secteur d’activité. Bien avant même la fin du cycle de la pandémie du coronavirus, des entreprises peuvent avoir besoin d’une subvention pour payer les salaires ou la location», préconise-t-il. Selon lui, c’est tout un environnement économique qu’il faudra surveiller. Pour cela, il pense que chaque secteur d’activité devrait avoir une cellule de veille pilotée par le ministère de l’économie, du plan et de la coopération.

LE CULTE DU TRAVAIL

Selon toujours l’économiste Meissa Babou «un pays qui aspire à l’émergence se doit d’être rigoureux, travailler beaucoup et sérieusement, en ayant la culture de la sanction. Encourager les travailleurs et sanctionner les tricheurs. C’est de cette façon qu’on pourra se développer». L’enseignant à l’Université Cheikh Anta Diop (Ucad) relève toutefois un «paradoxe» dans la démarche de l’Etat pour relancer l’économie. «Nous continuons à demander l’annulation de la dette et au même moment nous nous prélassons et excellons dans des débats inutiles. Les gens font ce qu’ils veulent. C’est manque d’autorité qui mène à tout ça. Et c’est grand dommage!», fulmine-t-il. Et d’ajouter, «sincèrement, je crois que les 15 jours fériés peuvent être ramenés à 6, voire 7 jours

D’abord les fêtes essentielles pour les Chrétiens, c’est Noël et Pâques et pour les Musulmans, c’est Korité et Tabaski et pour le reste est normalement négociable». «Dans ce pays, on ne doit pas accepter que toute une entreprise ferme pendant deux ou trois jours au motif que nous sommes en fête. Normalement, on doit s’organiser de façon à ce que le travail dans les usines puisse continuer», a-t-il indiqué. Selon lui, «dans une entreprise lorsqu’il y a Magal qu’on permette aux Mourides d’y aller et le reste des Tidianes, Chrétiens et autres, vont assurer, voire au pire des cas autoriser seulement une partie des Mourides s’il y a plus de Mourides. Et le reste, pour la prochaine édition, on installe la rotation. Bref, je préfère que l’entreprise travaille à 70, 80% qu’elle ferme totalement».

Se voulant convainquant, il s’interroge : «Imaginez, les pertes en une journée dans les entreprises de ciment, de sucre… pour les besoins du Magal ou du Gamou, alors que la culture occupe 40% seulement. Donc, deux jours de Magal ou deux jours de Gamou ne nécessitent vraiment pas qu’on réduise l’activité économique à 60%, voire moins. Ce mal est donc, dans les méthodes et cultures de travail au Sénégal. Et ça, seuls les pouvoirs publics, opérateurs économiques, et culturels peuvent ensemble travailler à y mettre fin.». Parce qu’ «en définitive, seule l’économie fait bouger les chose!», dira-t-il.

RETOUR A L’ORTHODOXIE

Pour se défaire de ces mauvais comportements qui s’enlisent et compromettent notre développement, l’économiste préconise le retour à l’orthodoxie: «Nous courons derrière n’importe quoi. Nous sommes dans tout et rien à la fois. Et quand il y a fête, tout le monde est content! Ce qui montre notre degré de paresse. Donc, il faut revoir tout ça et revenir à une orthodoxie pour mieux travailler, encore mieux travailler». Rappelons que les jours fériés, chômés et payés sont au nombre de onze dont trois fixés d’autorité par la Loi n° 74-52 du 4 novembre 1974 modifiée. Il s’agit du 4 avril ou fête nationale, de la journée du 1er mai et de la   Tamkharit qui fut consacrée grâce au député Maire de Louga Mansour Ndiaye Bouna avec la Loi n° 83-54 du 18 février 1983