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Dans la mosquée Tahara, à Marseille, en mai.
Photo Clement Mahoudeau. AFP

Les mosquées se déconfinent avec prudence

Quelques lieux de culte musulmans vont commencer à accueillir des fidèles ce week-end. Des normes très strictes seront mises en place pour la tenue des prières du vendredi.

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Même si les indicateurs sanitaires repassent au vert, les lieux de culte musulmans demeurent très prudents quant à leur réouverture. Dans l’immédiat, aucun ne prévoit de mettre en place la prière du vendredi, celle qui draine le plus grand nombre de fidèles.

Cependant quelques mosquées devraient, d’après nos informations, accueillir à nouveau des fidèles dès ce samedi. C’est le cas à Bordeaux, dans la mosquée Al-Houda, dirigée par le théologien Tareq Oubrou. «Nous y allons très progressivement, explique celui-ci à Libération. Nous ouvrons seulement pour deux prières quotidiennes et nous verrons comment les fidèles intègrent les normes sanitaires strictes que nous devons mettre en place.»

Dans le Rhône, les dirigeants d’une quarantaine de mosquées se sont réunis, mercredi, et ont trouvé des modalités communes afin de reprendre les prières collectives. A partir du 2 juin, là aussi, il n’y aura qu’une ou deux prières quotidiennes. Les fidèles musulmans devront atteindre le 19 juin pour revenir à la prière du vendredi.

Masque et tapis de prière individuel

A la Grande Mosquée de Lyon, le nombre des croyants admis devra être divisé par cinq ou six pour respecter les gestes barrières. Selon les indications données par son recteur Kamel Kabtane, le lieu de culte qui accueille habituellement pour la prière du vendredi entre 2 500 et 3 000 personnes limitera sa jauge à 500 fidèles.

«A cause des gestes barrières, certaines petites mosquées ne pourront pas accueillir plus d’une quinzaine de personnes», précise Kabtane. Selon le leader musulman, des discussions sont en cours avec des municipalités pour la mise à disposition de lieux en plein air – comme des terrains de sport – afin d’organiser les prières du vendredi. Une autre option existe, celle qui consisterait à proposer deux prières l’une à la suite de l’autre, une solution déjà mise en place pour limiter les débordements dans les rues.

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Lors de la réouverture des mosquées, les fidèles devront obligatoirement porter un masque, sont invités à se munir de leur tapis de prière individuel et de faire leurs ablutions à la maison. Les locaux devront être régulièrement désinfectés et des sens de circulation seront mis en place. «Nous avons besoin de bénévoles pour assurer ce dispositif», souligne Tareq Oubrou à Bordeaux.

Quoi qu’il en soit, la situation est très contrastée selon les régions. En Alsace, un territoire fortement touché par l’épidémie de coronavirus, les dirigeants des lieux de culte musulmans, réunis mercredi, n’ont toujours pas pris de décision quant à une possible réouverture. Ils devraient se retrouver vendredi prochain pour en discuter à nouveau.

En Ille-et-Vilaine, le responsable musulman Mohamed Zaïdouni précise à Libération qu’aucune date n’a été encore fixée, là non plus, pour la reprise du culte. «C’est une préoccupation importante pour les dirigeants des lieux de culte sur qui repose la responsabilité», explique-t-il.

«La communauté musulmane a joué le jeu jusqu’au bout»

En mars, la plupart des mosquées de l’Hexagone avaient fermé leurs portes avant même l’ordre de confinement général de la population. Et sont allées au-delà des préconisations du gouvernement. L’exécutif avait, en effet, suspendu les cérémonies religieuses, hormis les funérailles limitées à 20 personnes, mais avait laissé ouvert les lieux de culte.

Les mosquées sont restées closes même pendant le mois de jeûne de ramadan qui s’est achevé dimanche. C’est un sacrifice économique important puisque, pour beaucoup de lieux de culte, les dons recueillis au cours de cette période représentent une part conséquente de leurs recettes.

Les dirigeants musulmans ont été très mobilisés sur ce dossier, notamment le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Mohammed Moussaoui qui a tenu fermement les rênes afin de privilégier les considérations sanitaires. «Il a fait preuve d’un grand loyalisme et d’un grand légalisme», analyse le sociologue spécialiste de l’islam de France Franck Frégosi.

«Nous avons toujours mis en avant la préservation de la vie», rappelle, de son côté, Zaïdouni. «La communauté musulmane a joué le jeu jusqu’au bout en se conformant aux décisions du gouvernement. Nous n’avons jamais fait de recours devant le Conseil d’Etat», souligne Kamel Kabtane. Un tacle en direction d’une partie des autorités catholiques qui, sous la pression des milieux traditionalistes, ont joué le bras de fer avec le gouvernement sur la question de la reprise des offices religieux publics.