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Bill Gates le 18 novembre 2019 à New Delhi lors de la huitième Conférence internationale sur les statistiques agricoles. MONEY SHARMA/AFP

Les thèses conspirationnistes anti-Bill Gates résonnent puissamment en Afrique

Le souvenir de scandales médicaux sur le continent et la force de frappe des réseaux sociaux jouent le rôle d’amplificateur de théories complotistes.

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Vaccins, profits, contrôle des populations… Foisonnantes sur les réseaux sociaux du monde entier, les théories complotistes présentant Bill Gates en grand orchestrateur du nouveau coronavirus trouvent un puissant écho en Afrique, parfois alimenté par des personnalités publiques.

Les accusations visant la Fondation Bill et Melinda Gates, très active dans la recherche sur les maladies et les vaccins sur le continent, ne sont pas nouvelles.

Mais la pandémie, qui a fait plus de 352 000 morts dans le monde au 27 mai, leur a offert une nouvelle caisse de résonance, comme le montre le cas singulier d’une publication au Kenya.

Le 15 mars, le gouverneur de Nairobi, Mike Sonko, diffusait une vidéo de Bill Gates accompagnée du commentaire : « Bill Gates nous avait parlé du corona virus 2015 » (sic). On y voyait le fondateur de Microsoft prévenant que le monde n’était pas préparé pour faire face à une épidémie mondiale. Dans cette séquence tirée d’une conférence des TED Talks il y a cinq ans, aucune mention du coronavirus, ni du Covid-19.

Cette publication a pourtant connu une viralité record : avec plus d’un million de partages et plus de 38 millions de vues, elle est devenue le post concernant Bill Gates le plus prolifique durant la pandémie, selon l’outil d’analyse des réseaux sociaux CrowdTangle.

Diffusion dans plusieurs langues

« Ce genre de publications dépasse (…) les cercles habituels quand un influenceur, comme une célébrité ou même un média grand public, les amplifie, explique Zarine Kharazian du Laboratoire de recherche numérique (DFRLab) du tcercle de réflexion Atlantic Council, basé à Washington. A ce niveau de diffusion, elle se répand dans différentes langues. »

Avec l’apparition du virus en décembre 2019 à Wuhan, en Chine, et sa propagation à l’ensemble de la planète, les rumeurs conspirationnistes liant Bill Gates à la pandémie ont essaimé. Depuis janvier, plus de 683 000 publications sur Facebook ont évoqué le fondateur de Microsoft, générant plus de 53 millions de « likes », partages et commentaires, selon CrowdTangle.

« Un point commun aux théories du complot qui transcende les frontières, les langues et les cultures est la défiance envers les institutions et les élites toutes-puissantes », souligne Zarine Kharazian. « La visibilité, le franc-parler et l’engagement de Gates sur les grands sujets de santé internationaux en ont fait une cible de choix », estime-t-elle.

Ces théories complotistes lui prêtent la volonté de contrôler les populations à travers l’implantation de puces sous-cutanées ou de tatouages numériques, et de tirer d’immenses profits financiers d’un éventuel vaccin, ou affirment que sa fondation a fait breveter un traitement il y a plusieurs années avant de répandre le nouveau coronavirus.

Pour d’autres, Bill Gates a créé le virus dans le but de réduire la population mondiale, affirmation très populaire sur les réseaux sociaux africains, où ont abondé les fausses publications relatives aux vaccins anti-Covid-19 et de tests menés secrètement sur la population.

Ces rumeurs se nourrissent du souvenir de scandales médicaux qui ont jalonné l’histoire du continent africain, des expériences de stérilisation forcée menées en Namibie au XIXe siècle durant la colonisation allemande jusqu’aux essais de médicaments controversés dans les années 1990. « Il y a eu de nombreux cas de recherches médicales menées en Afrique avec des violations des droits humains », souligne Sara Cooper, du centre de recherche médical Cochrane, situé en Afrique du Sud.

Fin mars, une publication affirmait que l’infectiologue Didier Raoult, promoteur d’un traitement à base d’hydroxychloroquine, avait appelé les Africains « à ne pas prendre le vaccin de Bill Gates » contre le coronavirus car il contiendrait « du poison ».

Malgré le fait qu’il n’existe aucun vaccin et que ces déclarations, démenties par l’IHU-Marseille dirigé par le professeur Raoult, étaient introuvables, la publication a été partagée plus de 47 000 fois avant d’être supprimée.

L’enjeu de la désinformation

Ces publications fausses ou trompeuses trouvent parfois, à l’instar du cas de Mike Sonko, de puissants relais parmi les personnalités publiques.

Au Nigeria, l’ancien ministre de l’aviation Femi Fani-Kayode, très écouté dans la communauté chrétienne du sud du pays, a ainsi partagé à plusieurs reprises des publications affirmant que BIll Gates était membre d’un petit cercle de pouvoir qui veut prendre le contrôle de la planète à travers le coronavirus, la technologie 5G…

Face au retentissement offert par les réseaux sociaux, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a fait de la lutte contre la désinformation en Afrique « l’une de (ses) priorités ».

L’agence onusienne mène des campagnes en ligne, aide les gouvernements à créer des portails d’information et sensibilise aussi les médias, dont l’audience est précieuse.

Au Nigeria, elle a ainsi organisé un atelier avec une cinquantaine de journalistes. « Les journalistes et les médias sont décisifs pour faire passer les bons messages », explique Dhamari Naidoo, chargé des questions d’urgence pour l’OMS au Nigeria.