Une équipe «SWAT» pour les zones chaudes
by Marc AllardEXCLUSIF / Une équipe «SWAT» dédiée aux zones chaudes dans les CHSLD et les résidences privées pour aînés verra bientôt le jour dans la région de la Capitale-Nationale, une première au Québec.
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Le Soleil a appris que le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) de la Capitale-Nationale recrute en ce moment du personnel de la santé pour cette brigade mobile et interdisciplinaire qui prêtera main-forte aux équipes déjà en place dans les milieux d’hébergement touchés par la COVID-19.
En sept jours, environ 70 travailleurs de la santé ont levé la main pour faire partie de la brigade. Le CIUSSS espère mettre sur pied cette équipe spécialisée d’ici deux semaines.
La création de la brigade pourrait marquer un tournant dans la lutte contre la COVID-19 dans la Capitale-Nationale, où la vaste majorité des décès de la COVID-19 (95 sur 101) ont été enregistrés dans les ressources d’hébergement pour aînés.
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Après deux mois de crise, plusieurs travailleurs de la santé ont développé une expertise dans les zones chaudes. Le CIUSSS veut regrouper et élargir ce savoir au sein d’un «SWAT team qui serait vraiment en mesure d’accompagner les milieux en éclosion», explique Manon Baril, directrice adjointe du programme de soutien à l’autonomie des personnes âgées du CIUSSS de la Capitale-Nationale.
Selon Mme Baril, qui a eu l’idée de cette brigade inspirée des équipes tactiques policières, il s’agit d’une première au Québec.
Pour composer cette brigade, le CIUSSS cherche notamment des infirmières, des préposés aux bénéficiaires, des préposés à l’entretien ménager, des ergothérapeutes, des physiothérapeutes, des travailleurs sociaux, des médecins, des pharmaciens et des gestionnaires.
Avant d’être assignés aux «zones chaudes» de la région, les membres de l’équipe spéciale recevront une formation en prévention et contrôle des infections qui s’attardera aussi aux spécificités de la COVID-19.
La brigade concrétise des leçons retenues au fil de la crise. Lors des premières éclosions de COVID-19 dans la Capitale-Nationale, le personnel de la santé apprenait à composer avec un nouveau virus tout en essayant de le freiner. «On disait tout le temps qu’on marchait sur le tapis et qu’on le déroulait en même temps», dit Manon Baril.
À force de voir «les mêmes enjeux, les mêmes besoins, les mêmes failles» lors d’éclosions, un constat s’est imposé : les employés sur place doivent être soutenus davantage, explique Mme Baril.
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Brigitte Giasson peut en témoigner. Cette cheffe de programme en milieu de vie au CIUSSS de la Capitale-Nationale, qui n’a pas hésité à travailler comme préposée aux bénéficiaires quand il manquait de personnel, en est à sa cinquième éclosion dans les milieux d’hébergement pour aînés.
Dans les zones chaudes, des détails peuvent faire la différence, a-t-elle constaté. Un faux pas avec le masque, la visière, la jaquette ou les gants peut aider le virus à se faufiler. Un mauvais découpage des zones chaudes, tièdes ou froides peut contribuer à contaminer le personnel et les résidents.
«Tous ces détails-là, on les apprend à force de le faire, dit Mme Giasson. Plus vite on peut l’inculquer, plus vite on peut enrayer la propagation».
L’expérience acquise dans les zones chaudes peut aussi permettre d’aider les collègues à passer à travers l’épreuve mentale qui les attend, comme les décès de résidents.
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Mme Giasson s’est portée volontaire pour faire partie de la brigade. «Comme j’ai toujours aimé l’action, je me suis dit, “pourquoi ne pas poursuivre”», dit-elle.
Malgré le stress, la chaleur et le risque d’être contaminé, d’autres travailleurs de la santé qui ont eu l’expérience des zones chaudes ont envie d’y retourner, remarque Brigitte Giasson. Ils «ont le goût d’être challengés encore», dit-elle.
Caroline Larochelle, du Syndicat des professionnelles en soins de la Capitale-Nationale (FIQ), voit d’un bon oeil la création de la brigade. Dans les zones chaudes, «c’est très éprouvant, autant physiquement que psychologiquement», dit-elle. La brigade pourra aider le personnel à être mieux soutenu, estime Mme Larochelle. «On pense que ça va être une plus-value».