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Joseph Oughourlian, le président du RC Lens, a préféré remplacer Philippe Montanier après 26 journées. PHOTO PIERRE ROUANET - VDNPQR

Philippe Montanier et le RC Lens : les dessous d’une rupture (2/2)

Le 25 février dernier, Philippe Montanier était remplacé par Franck Haise. Retour sur ces mois qui ont abouti à une situation atypique : celle de voir un entraîneur troisième de Ligue 2, à un point de son objectif, être démis de ses fonctions.

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Janvier 2020. Avec un calendrier chargé (Guingamp, Clermont, Le Havre, Troyes), le début d’année peut aussi permettre au club artésien d’appuyer sur la tête de ses adversaires directs. En raison des obsèques du Guingampais – et ex-Valenciennois - Nathaël Julan, la rencontre au Roudourou est repoussée d’une semaine. Philippe Montanier organise une opposition interne, en catimini, sur la pelouse de Billy-Montigny mais le Racing manque globalement de rythme à Guingamp, le 18 janvier, presqu’un mois après son dernier match officiel. Il y obtient un bon résultat (1-1). L’égalisation bretonne, entachée d’une position de hors-jeu, provoque une colère froide de Montanier, qui s’estime lésé depuis quelques semaines par certaines décisions arbitrales. Lens souffre ensuite face à Clermont (1-1) ou au Havre (0-0). En Normandie, un but valable du Havrais Badé est refusé pour un hors-jeu inexistant à vingt minutes de la fin. Même au ralenti, le Racing avance encore.

Vainqueur d’un Troyes réduit à dix pendant près d’une heure (1-0), grâce à une réalisation du néo-Sang et Or Corentin Jean, Lens dissimule pourtant mal les prémices de la crise à venir. Son schéma tactique préférentiel semble trop facilement lisible pour les équipes adverses. En privé, Guillaume Gillet ne cache par exemple pas son agacement et son interrogation sur ces longs ballons balancés par ses défenseurs centraux vers ses latéraux, sautant un milieu de terrain qui cherche alors son utilité. Le manque de variété inquiète et les adversaires se régalent en position défensive. Sentant le vent tourner, des cadres montent au créneau. Le 10 février, Yannick Cahuzac qualifie de « match de merde » la boullie offerte par les siens face à Grenoble (0-0).

Le brassard de la discorde

Le vestiaire est aussi fragilisé par un évènement d’apparence anodine : celui du changement de capitaine. Si, depuis quatre mois et la blessure de Steven Fortes au ménisque, c’est Gillet qui porte le brassard, le retour dans le groupe du défenseur provoque une secousse. « Quand le capitaine est blessé, il faut forcément que quelqu’un porte le brassard, appuie avec conviction Fortes à son retour. Guillaume l’a très bien fait pendant cette période, maintenant je n’en ai pas discuté avec le coach et Guillaume mais s’il m’a nommé en début de saison, je ne vois pas pourquoi je n’aurais pas le brassard quand je reviendrai en tant que titulaire. C’est forcément une chose à laquelle je tiens.» Problème : le Belge tient lui aussi à ce rôle. Si certains de leurs équipiers s’en moquent, d’autres choisissent un camp. Fortes ou Gillet. Philippe Montanier choisit de rendre le brassard à Steven Fortes.

Devant l’ampleur prise par le débat, Franck Haise, à son arrivée, conscient du malaise et désireux de réunifier le groupe, décidera de confier le capitanat à un troisième homme : Yannick Cahuzac. Guillaume Gillet prendra lui place sur le banc, masquant bien mal sa déception.

Dans cette période trouble, les attitudes sur le terrain ne sont pas toujours celles attendues de la part de joueurs professionnels. À Châteauroux, Lens coule (3-2, après avoir été mené 3-0). Clément Michelin, trop occupé à protester contre l’arbitre assistant, oublie par exemple de défendre au deuxième poteau sur le troisième but castelroussin. Le bateau tangue sérieusement et Philippe Montanier ne trouve pas la parade et semble dans l’impasse. « On a eu un bug, nos fils se sont touchés, on ne va pas chercher d’excuses », lâche sincèrement le coach après le match. Mais le calme globalement affiché par le technicien normand est vécu comme un manque de mordant par une partie du vestiaire, qui aimerait le voir plus saignant.

Gradit en tribune, l’incompréhension du board...

À Châteauroux, Steven Fortes s’est lui montré hésitant. Sa perte de balle en fin de première mi-temps a provoqué l’ouverture du score adverse et précipité la défaite artésienne. Prépondérant la saison précédente dans l’aventure des barrages, l’ex-Toulousain est dans le dur. Aussi, le retour à l’entraînement de Jonathan Gradit, qui sort d’une blessure à l’œil, laisse fortement présager un changement poste pour poste lors de la réception de Caen le 22 février. Le board lensois n’imagine pas un autre choix dans le onze de départ. Sauf que Gradit n’est finalement pas retenu dans le groupe par Montanier. Les dirigeants lensois sont pour le moins dubitatifs en lisant la feuille de match. Ils sont confortés dans leur circonspection lorsque les deux premiers buts caennais interviennent dans la zone de Steven Fortes. C’est Zakaria Diallo qui est remplacé à la pause, surprenant un peu plus encore les dirigeants lensois en tribune. Lens est à l’agonie, dans le jeu, et dans le comportement. Michelin est expulsé pour une nouvelle contestation.

En conférence de presse, après la déroute (1-4), Philippe Montanier ne convainc pas Joseph Oughourlian, qui écoute discrètement dans un coin de la zone mixte. L’actionnaire majoritaire a déjà pris sa décision. Il sait que le reste du board est unanime et va le suivre : il faut stopper l’hémorragie. En quittant Bollaert-Delelis, ce samedi-là, Philippe Montanier, qui a donné deux jours de repos aux joueurs « pour couper un peu et s’oxygéner les têtes », est persuadé de les retrouver à la Gaillette pour préparer la suite. Mais c’est pour apprendre son éviction qu’il débarque finalement à Avion le mardi 25 février dans la matinée. En deux saisons à la tête du RC Lens, et 77 rencontres toutes compétitions confondues, il laisse un bilan de 47 % de victoires (36 succès, 21 nuls, 20 défaites) et une équipe en course pour la montée. Un bonheur qu’elle arrachera finalement, deux mois plus tard, dans des conditions inédites.

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