Plus d’argent d’Ottawa, plus de soins aux aînés?

CHRONIQUE / Même si Québec et les autres provinces obtenaient plus d’argent d’Ottawa par le biais des transferts en santé, rien n’assure que les fonds supplémentaires serviraient à améliorer les soins de longue durée aux personnes âgées. Après la crise, lorsque nous ne compterons plus quotidiennement les victimes de la COVID-19 dans les CHSLD, les soins aux aînés vont-ils demeurer dans la liste des priorités? 

La santé est une compétence des provinces. De voir Justin Trudeau, en pleine période de pandémie, tenter d’accroître le rôle d’Ottawa en cette matière est sûrement agaçant, voire insupportable pour François Legault et d’autres premiers ministres ailleurs au pays. 

Il doit y avoir certaines tensions lors des échanges téléphoniques du jeudi soir entre M. Trudeau et les premiers ministres provinciaux. 

Le Québec et l’Ontario sont de plus dans une position inconfortable. Les deux provinces ont dû faire appel aux Forces armées canadiennes pour combler le manque de personnel et limiter les dégâts dans leurs centres d’hébergement et de soins de longue durée. M. Legault réclame même que l’armée y reste jusqu’au 15 septembre. 

«Le Québec paie sa part pour l’armée», a-t-il répondu jeudi au journaliste qu’il lui demandait s’il serait déçu d’un refus. « (…) il me semble que la priorité actuellement, je n’en vois pas de plus urgente que de s’occuper de notre monde dans nos CHSLD puis même chose dans les centres de soins de longue durée en Ontario».

À la lecture des rapports produits par les Forces armées canadiennes cette semaine, il est difficile pour Québec et l’Ontario de prétendre que les aînés et les centres de soins de longue durée étaient en tête de leur liste de priorités avant et aux premiers jours de la pandémie.

En Ontario, les coquerelles vues dans certains centres ne sont certainement pas apparues avec le coronavirus. 

Est-ce que la situation aurait été moins catastrophique si les CHSLD étaient sous l’égide de la Loi canadienne sur la santé? Justin Trudeau a évoqué cette idée en avril. 

Est-ce que le nombre de décès liés à la COVID-19 aurait été moindre dans les CHSLD du Québec si Ottawa n’avait pas réduit ses transferts en santé aux provinces au fil des décennies?

François Legault soutient que si Justin Trudeau veut aider au financement des soins de longue durée, il doit augmenter les transferts fédéraux en santé. « (…) quand on a commencé, c’était 50% du financement des coûts de la santé qui venait du fédéral. On est rendus à 23% seulement des coûts de la santé qui viennent du fédéral. Donc, c’est un fardeau très lourd sur les budgets des provinces parce que les budgets en santé ont augmenté plus rapidement que l’inflation, à peu près dans toutes les provinces, depuis les 10 dernières années», a répété mercredi le premier ministre.

Ces prédécesseurs libéraux et péquistes faisaient le même constat et exprimaient la même demande.

Ce qui n’a pas empêché le gouvernement Couillard et son ministre de la Santé, Gaétan Barrette, de consacrer une généreuse part du budget de la santé au rehaussement de la rémunération des médecins, alors qu’ils se plaignaient qu’Ottawa ne versait pas sa juste part. Un choix fort discutable qui ne contribuait pas à améliorer l’accessibilité et les soins aux malades québécois.

Un exemple qui illustre qu’une hausse des transferts en santé ne se traduirait pas automatiquement et forcément par une augmentation des investissements des provinces dans les soins à domicile ou les services aux personnes âgées malades et non autonomes. 

Un gouvernement pourrait notamment faire le choix de consacrer davantage de fonds aux soins ultra-spécialisés, à la fécondation in vitro, à la santé mentale. Le ministère de la Santé est grandement sollicité. 

Quant à la Loi canadienne sur la santé, Ottawa n’est pas toujours très prompt à la faire respecter. 

On l’a constaté avec le dossier des frais accessoires que des cliniques médicales ont exigés aux patients pendant des décennies sans qu’Ottawa et Québec interviennent pour y mettre fin.

Les principes d’accessibilité, d’universalité et d’intégralité contenus dans la loi canadienne sont bien théoriques s’il faut payer pour obtenir plus rapidement une vasectomie ou une colonoscopie.

Ce n’est qu’en 2018, face à des poursuites devant les tribunaux et la menace d’Ottawa de réduire ses transferts en santé, que la situation a été corrigée. 

Avant, tant à Ottawa qu’à Québec, les élus fermaient les yeux.

Les politiciens, de même que bon nombre de citoyens, ont aussi longtemps fermé les yeux sur les ajustements qu’exige le vieillissement de la population québécoise et canadienne. 

Le réveil est brutal et coûteux. Les citoyens veulent des solutions et non une chicane de compétences entre Ottawa et les provinces.