Agressions sexuelles en famille au Saguenay: la médiatisation de l’affaire convainc le neveu de témoigner

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La médiatisation d’une cause d’agressions sexuelles commises au tournant des années 2000 sur deux enfants, et qui a refait surface après la découverte de 244 photographies des abus, a poussé l’une des victimes à témoigner, ce qu’elle refusait de faire jusqu’à tout récemment. La Couronne a déposé une requête, jeudi, au Palais de justice de Chicoutimi, afin que cette victime soit entendue et que son témoignage soit ajouté à la preuve du ministère public. Le juge de la Cour du Québec, Michel Boudreault, a accueilli la demande, bien que la défense s’y opposait.

Cette histoire sordide remonte au début des années 2000 et s’est déroulée au Saguenay. Une femme avait abusé de sa fille et de son neveu en compagnie de son conjoint de l’époque. Les ébats sexuels avaient été photographiés et les 244 images avaient été conservées sur des CD. Une vingtaine d’années plus tard, soit en 2018, le conjoint avait rendu l’âme et son fils avait hérité de la maison. C’est en faisant du ménage qu’il était tombé sur une boîte avec l’inscription « Famille Porn ». Le fils, qui n’a pas de lien avec cette affaire, avait regardé les images avant de les remettre à la police. Les images montraient les enfants d’une dizaine d’années et les deux adultes dans plusieurs positions sexuelles, allant de la pénétration à la fellation.

C’est à partir de ces photographies que le ministère public avait porté des accusations contre une femme de Chicoutimi. Celle-ci, dont nous ne dévoilons pas l’identité pour protéger celle des deux victimes, puisqu’il s’agit de sa fille et de son neveu, avait plaidé coupable et les observations sur la peine avaient eu lieu en janvier dernier, au Palais de justice de Chicoutimi.

La femme figurait sur plusieurs photos, bien que le principal agresseur était l’individu aujourd’hui mort. L’homme n’avait pas de lien de parenté avec les victimes.

Médiatisation de l’affaire

Jusqu’ici, la fille et le neveu, qui sont aujourd’hui dans la vingtaine, n’avaient ni voulu porter plainte ni témoigner en cour.

Mais à la suite de la médiatisation des observations sur la peine, en janvier dernier, par Le Quotidien, le neveu s’est rendu au poste de police pour faire une déclaration. Selon ce que la procureure de la poursuite, Me Marie-Christine Savard, a expliqué au juge, le neveu a changé d’idée en lisant que la femme minimisait son implication morale dans cette histoire, affirmant qu’elle était sous le joug du principal agresseur et qu’elle obéissait à ses volontés.

Le neveu a aussi eu des choses à dire concernant la fréquence des agressions, alors qu’il était en visite chez sa tante.

« Au départ, monsieur ne voulait vraiment pas témoigner. Il affirmait que ce n’était pas lui, alors qu’il figurait sur les photographies. En matière d’agression sexuelle, c’est difficile de forcer des gens à témoigner, alors nous avons tout de même porté les accusations grâce à l’existence des images, mais sans témoignage des victimes. Toutefois, lorsque monsieur a eu connaissance du dossier via les médias, il a changé d’idée et son processus a évolué. Nous demandons donc à ce que l’enquête soit rouverte afin que nous puissions ajouter ce témoignage à notre preuve », a expliqué Me Savard au juge Michel Boudreault.

La défense s’y oppose, le juge l’ordonne

Le magistrat, qui avait pris la cause en délibéré, devait rendre sa sentence en mars dernier, mais la pandémie de COVID-19 a ralenti le processus. C’est jeudi que la sentence devait finalement être rendue.

La défense, représentée par Me Nicolas Gagnon, demandait une peine de deux ans en collectivité pour l’accusée, alors que la poursuite réclamait cinq ans de pénitencier. La défense de l’accusé reposait surtout sur le niveau d’implication de cette femme qui a un quotient intellectuel de 70, selon une évaluation psychologique.

La défense s’opposait, jeudi, à ce que le témoignage de la victime soit ajouté à la preuve du ministère public, puisque, selon Me Gagnon, la Couronne aurait pu pousser la victime à témoigner en cour, avec un subpoena, ce qui n’a pas été fait.

Me Savard a répliqué qu’il était bien difficile de forcer une personne à témoigner contre son gré, surtout en matière d’abus sexuel sur des enfants.

Le juge Michel Boudreault s’est rangé du côté de la poursuite, affirmant que l’accusée avait déjà reconnu ses torts en plaidant coupable et que le témoignage pouvait amener un éclairage sur les conséquences du crime et sur la fréquence des gestes posés.

La défense pourra contre-interroger la victime.

La date de l’audition n’a pas encore été fixée.