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Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé lors de l’audience du 15 janvier 2019 devant la Cour pénale internationale à La Haye, Pays-Bas. © ICC-CPI

Côte d'Ivoire : Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé presque libres

La Cour pénale internationale autorise sous conditions les deux hommes à voyager et à s'installer où ils le souhaitent.

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La décision était attendue depuis plusieurs mois. La Cour pénale internationale (CPI) a annoncé, jeudi 28 mai, autoriser sous conditions l'ancien président ivoirien Laurent Gbagbo et son coaccusé Charles Blé Goudé à quitter leurs villes de résidence. Les avocats de l'ex-chef d'État avaient réclamé début février que la CPI lui accorde une liberté sans condition, arguant qu'« il ne peut être imposé de restrictions à la liberté d'une personne acquittée ». Les juges ont rejeté cette demande, notant « que la défense de M. Gbagbo n'avait pas démontré d'erreur manifeste de raisonnement, ni que des circonstances particulières justifiaient le réexamen de l'arrêt », a précisé, jeudi, la Cour dans un communiqué.

Ils ont cependant décidé de mettre fin à certaines conditions imposées à la mise en liberté de MM. Gbagbo et Blé Goudé, notamment celles de « ne pas se déplacer en dehors des limites de la municipalité dans laquelle ils résident dans l'État d'accueil » et de remettre à la CPI « toutes les pièces d'identité dont ils disposent, en particulier leur passeport ».

Des mois d'hésitation

Âgé de 74 ans, l'ancien chef de l'État réside à Bruxelles en Belgique, où il est assigné à résidence depuis son acquittement en 2019 d'accusations de crimes contre l'humanité. Et son ancien ministre de la Jeunesse, Charles Blé Goudé, 48 ans, est, quant à lui, resté à La Haye. Ils peuvent donc désormais voyager, voire déménager, où ils le souhaitent. Mais non pas sans conditions. Ils ne pourront se rendre que dans l'un des 123 États membres de la Cour parmi lesquels la Côte d'Ivoire. De cette manière, la CPI garde le contrôle, car les pays membres sont tenus de collaborer et d'exécuter toute ordonnance que pourrait prendre la Cour dans ce dossier loin d'être clos.

Autre condition : tout pays dans lequel Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé souhaiteront se rendre doit notamment accepter au préalable de les recevoir, a indiqué un porte-parole de la Cour de La Haye. Il faut souligner que c'est le greffe de la Cour qui doit remettre aux deux Ivoiriens leurs papiers de voyage, notamment leurs passeports saisis fin 2011 pour Gbagbo et en 2014 pour Blé Goudé.

Pour rappel, en janvier 2019, après plus de sept ans passés en détention à La Haye, Laurent Gbagbo a été reconnu non coupable en janvier 2019 de crimes commis entre 2010 et 2011 au cours des violences postélectorales en Côte d'Ivoire, qui avaient fait quelque 3 000 morts en cinq mois. Il avait été acquitté au même moment que Charles Blé Goudé, ex-chef des Jeunes Patriotes ivoiriens.

Mais Fatou Bensouda, la procureure de la CPI, avait fait appel de cet acquittement.

Les deux alliés avaient été libérés en février de la même année sous conditions, dont l'obligation de résider dans un État membre de la CPI disposé à les accueillir en attendant le procès en appel.

Un procès en appel très attendu

L'organisation de la procédure d'appel a pris du retard en raison de la pandémie de coronavirus et plusieurs audiences qui devaient se tenir encore cette semaine ont dû être reportées. Ce qui explique pourquoi les deux hommes sont encore soumis à des restrictions, telles que l'interdiction de s'exprimer publiquement au sujet de l'affaire toujours en cours. Et ils ont aussi l'obligation de se présenter à toutes convocations des juges et aux audiences de la procédure d'appel.

Interrogé par l'AFP dans la nuit de jeudi à vendredi, Charles Blé Goudé s'est dit « content de retrouver sa liberté de mouvement », ajoutant que « le chemin de la justice et de la vérité est long et lent ».

« Nous sommes contents, c'était important que ces restrictions soient levées », a réagi auprès de l'AFP Franck Anderson Kouassi, le porte-parole du Front populaire ivoirien (FPI), le parti fondé par Laurent Gbagbo. « On attend maintenant la date de son retour au pays. On va l'accueillir. »

L'ex-président ivoirien Henri Konan Bédié, chef du parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), principal mouvement d'opposition, a fait part de sa « joie », estimant que cette décision de justice est « un moment de bonheur pour la majorité des Ivoiriens ». Le PDCI et le FPI ont conclu un accord politique en vue des prochaines élections présidentielle et législatives.

Un dossier loin d'être clos

Mais le retour en Côte d'Ivoire de Laurent Gbagbo est plus qu'hypothétique. En effet, le procès en appel pourrait durer encore de longs mois, et Fatou Bensouda compte bien aller jusqu'au bout. L'ancienne ministre gambienne pourrait proposer aux juges soit d'annuler l'acquittement, et donc de refaire le procès, soit que les juges prononcent un non-lieu dans l'affaire. Deux stratégies lourdes de conséquences pour la Cour et pour les deux Ivoiriens. Dans le premier cas, le dossier sera définitivement clos, dans le second, cela signifierait que les deux hommes pourraient être poursuivis pour les mêmes faits dans n'importe quel pays dans le monde. Pour sa part, Charle Blé Goudé a été condamné en décembre 2019 par contumace à 20 ans de prison par la justice ivoirienne pour des crimes commis dans le cadre de la crise postélectorale de 2010-2011.