Comment allons-nous vivre avec le coronavirus ?

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 1) En ce début de mois de juin 2020, le virus semble disparaître, sans que l’on ne sache pourquoi. Les mesures de confinement on aplati la vague des admissions et limité grandement les contagions. Le déconfinement aurait pu faire remonter les chiffres. Il faut croire alors que si le déconfinement avec masques et distances sociales a été efficace, le virus est devenu pour on ne sait quelles raisons moins agressif en terme de contagiosité. Un effet saisonnier, lié aux températures élevées ou autre chose échappant à la science contemporaine ? Constater l’effacement du virus est une affaire d’observation, envisager le retour du virus est une affaire d’anticipation. Nul ne sait quand ni comment, avec quel impact, le SARS-CoV-2 pourrait causer une nouvelle épidémie. Tout en sachant qu’en ce printemps 2020, une épidémie de Covid-19 a bien eu lieu mais seulement dans les régions du nord, de l’est et l’Ile de France. Les autres régions n’ont pas connu d’épidémie. Le nombre d’infectés ayant été bien en deçà des seuils épidémiques fixés pour une grippe ou une gastro, quelque 180 cas pour 100 000 habitants sur une semaine.

 2) Si le Covid-19 réapparaît, nous sommes sans doute mieux préparer pour l’affronter sauf qu’il n’y a aucun traitement connu pour soigner cette maladie, excepté les molécules employées en médecine lourde pour les patients parvenus au stade sévère. Anticoagulant, anti-inflammatoires (mais pas n’importe lesquels). Le seul espoir étant de repositionner une molécule qui n’a pas encore été testée et de trouver un effet plus tangible que la chloroquine ou l’azithromycine. Pour le reste, ne comptez pas sur les antiviraux. La recherche piétine depuis des décennies et n’a jamais trouvé d’antiviral efficace contre les infections virales respiratoires, pas plus le tamiflu que le remdésivir. Par ailleurs, le Covid-19 présente un phénotype avancé interprétable comme une maladie immune, ce qui laisse peu de chance pour trouver un vaccin dans les prochaines années, un vaccin qui protège et ne fait pas que produire des anticorps. Le délai le plus court avancé par les spécialistes est de 18 mois. Si un vaccin était possible, mieux vaudrait miser sur 24 mois. Ce qui signifie deux étés et deux hiver à se « coltiner » ce virus plus que facétieux.

 3) Il faudra donc apprendre à vivre avec ce virus, avec les habitudes et les réflexes pris depuis le confinement du 17 mars, ce jour d’après devenu une sorte de 11 septembre de la vie sociale, un jour qui trace une irréversibilité dans nos consciences. Les choses ne seront plus comme avant. Certes, quelques événements ont marqué l’histoire récente et ont changé la « vision » du monde que se font les élites de l’Etat, les dirigeants dans le (et du) monde, de l’entreprise, et les gens de peu, qu’on désigne comme peuple. La France a connu trois attentats de grande intensité, le plus terrifiant ayant été celui des attaques coordonnées de novembre 2015. La vie a repris. Les terroristes ne nous ont pas empêché de revenir dans les cafés et les concerts, sauf que des mesures de sécurité drastiques furent mises en place, et par la suite les innombrables blocs-stop en béton disposés dans les villes pour sécuriser les événements rassemblant la foule, après le camion fou du 14 juillet à Nice. Les quais de Bordeaux furent sécurisés pour les fêtes du fleuve, puis les bloc sont restés, et font maintenant partie du paysage urbain. Depuis, nous sommes aussi habitués à voir des militaires se déplacer dans les centres-villes. Ils font partie du paysage urbain. C’est l’Etat qui en a décidé ainsi. L’Etat fait aussi de belles choses pour la société, rendons-lui justice, même s’il déraille. Nous sommes tous responsables de ce qu’est l’Etat

 Comme les blocs bétons, les masques sont amenés à faire partie du paysage urbain, étant entendu que le masque dans les campagnes risque de se faire rare, excepté dans de rares boutiques ou chez le dentiste. La ministre Borne aurait suggéré un port du masque obligatoire dans les transports en commun tant qu’un vaccin ne serait pas trouvé, ou bien un traitement miracle. Autrement dit, nous serions obligés, pour ne pas dire condamnés, de mettre le masque pendant une durée indéterminée, au minimum deux ans, et pourquoi pas cinq ou dix. Le corona 229E circule depuis soixante ans. Même si la plupart vont s’acclimater à la menace virale et s’habituer au contraintes légales, la peur du virus ne va pas disparaître de sitôt, non pas une peur comme on la connaît depuis trois mois mais une peur devenue surmontée ou oubliée, faite de prudence et de crainte diffuse. La disparition progressive du virus se fera aussi dans les médias et donc, la peur va s’effacer, mais comme les médias ont besoin d’événements impactant pour faire de l’audience, ils sauront nous rappeler que le virus est parmi nous dès qu’une personnalité sera affectée ou plutôt, un cas, un cluster repéré. Après le décompte des morts, le traçage des infectés, dans un abattoir, une agence postale, une entreprise, une école… Le traçage médiatique, qui ne sert pas le peuple mais les journalistes.

 Les faits cliniques et sociaux liés au virus ont un impact non seulement dans la société, non seulement dans les médias, mais aussi au sein même de l’administration sanitaire et du gouvernement qui conserve ses prérogatives sur cette pathologie devenue une maladie d’Etat et une question régalienne, au même titre qu’un conflit durable au Sahel. Apprendre à vivre avec ce virus impose aussi d’apprendre à gouverner le pays et ce, différemment de ce qui a été orchestré avec le confinement. Un second épisode de ce type aurait des effets désastreux sur une société déjà en état de catastrophe économique induite par une catastrophe naturelle doublée d’une catastrophe collatérale décidée par le régime. Une fois les plis administratifs pris, il est difficile de s’en défaire et l’Etat n’est pas prêt à abandonner les contraintes de distance sociale qui seront assouplies mais prêtes à être durcies en cas de retour des malades. La vie ne sera plus comme avant, plus de contacts rapprochés, bises, mains serrées… Sauf que les jeunes vont résister. Des fondamentaux de la vie sociale s’effacent. La société intégrée a pris un sacré coup, un chômage record et rien de bien réjouissant pour la suite. S’il est rapide de détruire les emplois par centaines de mille, en recréer autant est une affaire sur le très long terme et n’a rien de garanti. Il nous faudra aussi vivre dans une société fracturée comme jamais auparavant. Avec en plus des règles qui ont changé puisqu’un agent microbien affectant en peu de temps un nombre important de patients peut déclencher une séries de mesures autoritaires. C’est la première fois dans l’histoire que nous avons dû remplir un papier pour sortir avec des contraintes importantes. Cet épisode est inscrit dans nos consciences. Nous n’avons plus le sentiment d’être libre de nos allées et venues mais simplement autorisés à sortir puisque le gouvernement ne l’interdit pas. Ce 28 mai, Edouard Philippe a déclaré que la liberté allait devenir la règle. Terrible aveu. La liberté n’était pas la règle. Et ce ne fut pas une décision du virus mais du gouvernement. Allons-nous accepter que la liberté soit décrétée en fonction d’une situation sanitaire et limitée en d’autres circonstances à la discrétion d’un pouvoir renseigné par les experts ? C’est la question la plus essentielle de l’après confinement, une question philosophique qui n’a pas été posée.

 Apprendre à vivre avec le coronavirus, c’est surtout apprendre à vivre avec un régime politique qui au fond, n’a rien d’inédit. Le virus n’a fait que confirmer tous les régimes politiques de la planète, dévoilant leurs traits, leurs valeurs, leurs fondamentaux. Nous acceptons ces règles et ces régimes et si par miracle nous refusions cette vie, alors nous sommes capables de faire une révolution.

 4) La philosophie ne permet pas d’alléger nos craintes, peurs et souffrances et ce n’est pas sa vocation en plus. Elle ne peut qu’éclairer, mettre des mots sur les choses de la vie, tracer des raisonnements, élaborer des visions, du sens, dire que rien n’est obligatoire, ni imposé, mais que tout repose sur des choix pouvant être débattus dans les médias, entre observateurs, ou dans les cafés, entre gens de bonne composition prêts à accepter l’opinion contraire d’autrui. Le virus nous place face à un triplet, courage, prudence, peur. Le virus nous incline à la peur, pour soi, pour les autres. Le courage permet d’avancer en affrontant la peur, la prudence permet d’éviter la contamination des plus fragiles. Les sentiments sont contrastés mais pour une majorité de Français, la crainte d’attraper le virus l’emporte sur la crainte de le transmettre. Et puis si le virus devient endémique et peu contagieux, la peur finira par disparaître et tout rentrera dans l’ordre, comme avant mais pas tout à fait, avec une société fracturée, les vieux réflexes égoïstes, les carnassiers de la finance, les opportunistes de l’idéologie, tous ces écolos prenant prétexte du virus pour lancer la grande transition, sorte de grand bond en avant lancé par les Timoniers de la croissance verte. Un monde sans carbone et imagination. Aussi terne que le fut le bloc de l’Est à l’ère soviétique.

 Je n’ai pas encore commencé les grandes manœuvres philosophiques sur ce monde qui arrive. Je mets en place mes pensées pour dire les choses qui semblent échapper aux professionnels de la philosophie.