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Tribune libre de Paul de Senneville, propriétaire-éleveur

Les gens du Galop

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Le seul mot de Galop évoque l'élégance, la beauté, la vitesse et la fragilité. C'est Longchamp, son pesage où se croisaient les célébrités du monde entier, et aussi la somptueuse réunion du Prix de Diane où toutes les générations rivalisaient de beauté et d'originalité. C'était la Belle Époque des années 50, 60 et 70. Les plus grands peintres du monde, Dufy et autres, ont immortalisé ces moments inoubliables. C'est aujourd'hui notre mémoire.

Pour les Français, le Galop est un luxe, une marque extérieure de richesse, le Trot un métier. Pour les Anglais et Irlandais, les courses et le cheval en général sont une passion.

Cette image est restée. Elle continue à séduire les médias, mais les acteurs ont changé. Ces grandes épreuves de plat, qui étaient une chasse-gardée française, anglaise et irlandaise sont devenues des événements internationaux follement dotés, sur les pistes des hippodromes du monde entier, où, plus encore que les chevaux, ce sont les plus gros capitaux qui viennent s'affronter.

Une nouvelle donne.

Depuis plus de vingt ans, il n'y a presque plus de propriétaires français gagnants de groupes I, si l'on excepte les frères Wertheimer, Gérard Augustin-Normand et Son Altesse le prince Aga Khan qui, plus encore qu'un propriétaire presque français, est le véritable bienfaiteur de nos sports et de notre magnifique hippodrome de Chantilly.

Quant à nos éleveurs de galop, avec des sujets ayant moins de 50 % de sang étranger, ils ont totalement disparu du palmarès des grandes épreuves mondiales. Pourtant, ce n'est pas le talent ni les fabuleux pâturages qui leur manquent, mais le très grave manque de clairvoyance des dirigeants du Galop des années 50, 60, 70 et 80. Ces dirigeants n'ont jamais été alarmés par la lente disparition de notre élevage au palmarès des grandes courses internationales. Ils ont laissé le sang des étalons stationnés aux États-Unis, Green Dancer, Riverman, Lyphard, Blushing Groom et autres, envahir nos champs de courses et, petit à petit, marginaliser les produits de notre élevage. À l'inverse du Trot qui a tout de suite senti le danger et ne s'est pas laissé griser par les origines des précoces avions américains de l'Hambletonian, le Galop n'a rien vu venir et n'a pas protégé ses éleveurs en interdisant nos groupes aux pur-sang ayant plus de 50 % de sang étranger ! Pire, ils les ont accueillis à bras ouverts ces prédateurs étrangers, sans en comprendre le danger, modifiant même les distances de certains de nos groupes pour qu'ils soient plus favorables à leurs aptitudes, et tout cela assorti de primes à l'élevage délirantes comparées à celles accordées aux éleveurs du Trot... Et cela pour aider à financer des courses à cinq ou six partants !

Le résultat ne s'est pas fait attendre. Depuis l'année 2000, pas un seul cheval issu d'un élevage français n'a réussi à gagner le Prix de l'Arc de Triomphe ! Après Jean-Luc Lagardère en 1998, plus de propriétaires français à l'honneur, en dehors des puissants frères Wertheimer qui sauvent l'honneur. Il y a, dieu merci, parmi ces gagnants un homme providentiel, amoureux de la France et de notre sport, Son Altesse le prince Aga Khan. Où sont, aujourd'hui, les héritiers des grandes familles françaises qui ont fait la gloire du galop, les Boussac, les Dupré, les Dubosc, les Aubert, les Ternynck et Madame Cochery et son Petit Poucet, Sica Boy ? La grande valse des millions les a jetés, à quelques exceptions près, hors des pistes des grandes compétitions, les seules qui permettraient de financer les acteurs du Galop.

• Que reste-t-il des glorieuses courses françaises ?

D'abord, le merveilleux centre d'entraînement de Chantilly, ses pistes et son gazon exceptionnel qui continuent d'attirer les champions des plus grands propriétaires étrangers, en particulier ceux des émirats. Il n'y a pas que nos pistes qui les attirent, il y a le très grand talent de nos metteurs au point, de nos entraîneurs, qui, à travers le monde, continuent à gagner les courses les plus prestigieuses pour leurs propriétaires hélas toujours étrangers. Nos éleveurs et la plupart de nos propriétaires se contentent de les regarder courir...

Il y a encore et surtout nos cracks jockeys, très recherchés, que se disputent les plus grandes casaques du monde pour leur talent, leur vista en course, qualités qui font souvent la différence ! Ils maintiennent très haut le prestige de la France sur ces immenses hippodromes, ces courses supérieurement dotées. Ils sont très populaires à l'étranger et souvent ovationnés par les foules, témoins de leur talent.

Aujourd'hui, que dire de l'avenir de l'Obstacle ? Il semble relativement assuré. Sur tous les hippodromes de province, il fait généralement recette, car c'est un spectacle très convivial qui tient le spectateur en haleine. Les sauteurs de nos éleveurs trustent les victoires à l'étranger, où nos origines sont très recherchées. Malheureusement pour l'Obstacle, il y a une exception très dommageable à la survie de cette magnifique discipline : ce sont les parcours du champ de courses d'Auteuil, si peu adaptés aux spectaculaires courses d'obstacles.

Les courses de haies, dont les obstacles sont très éloignés les uns des autres, ressemblent souvent à des courses de plat sans grand suspense. À l'exception de quelques rares grands champions ou championnes qui nous éblouissent le temps d'une rare réunion.

Mais toujours avec beaucoup de risques, dus à la vitesse, pour les chevaux et pour les jockeys qui sont des cavaliers héroïques. Car au départ de chaque compétition, aucun d'eux ne sait si le soir ils coucheront à l'hôpital ou dans leur lit, pas plus qu'ils ne savent si le cheval qu'ils aiment rentrera dormir dans son box...

Pour les steeples d'Auteuil, richement dotés , même constat : seules quelques grandes épreuves de longues distances où l'on saute, comme un événement exceptionnel , le rail ditch and fence, rompent avec la monotonie. Les courses sont dangereuses pour ses acteurs dont les accidents laissent un souvenir catastrophique aux trop rares spectateurs.

Le public de l'Obstacle, un peu comme au cirque, aime le danger, mais pas les accidents. Alors mettez-nous des cross ! Ils attirent du monde sur tous les hippodromes, sont moins rapides, mais très spectaculaires. Leurs obstacles sont nombreux et variés. Et les dangers encourus par les chevaux et cavaliers beaucoup moins graves. C'est un vrai spectacle sur de longues distances qui enchante un public cible.

Que dire de l'avenir des courses plates en France ? Peu de partants, peu de recettes... Alors que les chevaux sortaient d'un très long repos forcé dû à l'épidémie, nous avons vu le week-end dernier sur la côte normande des courses à cinq et six partants avec un tiercé famélique.

Le seul espoir de relance, nos chevaux n'ayant plus le potentiel suffisant pour affronter la concurrence étrangère, serait d'en faire une activité ludique liée à des jeux vidéo ou autres formules à soumettre aux grandes compagnies françaises de jeux vidéo, comme j'ai eu récemment l'occasion de l'expliquer dans ces colonnes. L'avenir de courses passe par la conquête d'un nouveau public, jeune.