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Les surveillants en charge des parloirs doivent s'assurer du bon respect des gestes-barrière. — Lewis JOLY/SIPA

À la prison de Fleury-Mérogis, retour progressif à la « vie d’avant »

Suspendus pour limiter la propagation de l’épidémie de coronavirus en détention, les parloirs familiaux ont repris dans des conditions particulières depuis le 13 mai 

Au petit matin ce jeudi, le bâtiment réservé à l’accueil des familles est presque désert. Mia* est l’une des rares proches de détenus à avoir fait le déplacement jusqu’à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis (Essonne). Après deux mois de séparation forcée pour limiter la propagation de l’épidémie de coronavirus, les 2.655 détenus de la plus grande prison d’Europe renouent petit à petit avec le monde extérieur.

Mais la reprise des parloirs familiaux et le redémarrage des ateliers de travail ont nécessité de nombreux aménagements pour respecter toutes les consignes sanitaires. Un dispositif jugé parfois contraignant par les proches rencontrés ce jour-là mais globalement accepté par les détenus qui craignent à la fois pour leur santé et celle de leurs familles.

Éviter au maximum la contagion

Depuis la fin du confinement et la reprise des parloirs le 13 mai dernier, c’est la deuxième fois que Mia retrouve son compagnon. Un soulagement après deux mois de séparation totale, mais aussi une source de « frustration ». « C’est dur de se voir mais de ne pas pouvoir se serrer dans les bras ou même se toucher la main. Le fait de cumuler le port du masque, d’être séparés derrière une vitre en plexiglas et de devoir se tenir à un mètre de cette vitre, je trouve que ça fait beaucoup », confie la jeune femme à la fin de sa visite.

Ces mesures, élaborées en collaboration avec les médecins de l’unité médicale de la prison, visent à « protéger les détenus » jusqu’ici épargnés par l’épidémie, insiste la directrice de l’établissement Nadine Picquet. Au total, moins de cinq cas positifs ont été détectés au sein de la prison.

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Avant chaque parloir, les proches des détenus doivent signer une décharge dans laquelle ils s'engagent à respecter les consignes sanitaires. - Lewis JOLY/SIPA

« On le sait, le virus vient de l’extérieur. Si on a mis en place toute une série de mesures, c’est pour éviter au maximum d’exposer les détenus, pas pour les embêter », précise-t-elle. « On a installé des vitres en plexiglas au-dessus des tables mais on a estimé qu’il n’était pas nécessaire de séparer totalement le box par une cloison entière. On tenait à responsabiliser tout le monde. En revanche les contacts physiques sont interdits, le port du masque – fourni par l’établissement - est obligatoire pour les détenus mais aussi pour leur proche. Et des marques au sol ont été disposées pour respecter la distanciation sociale », poursuit la directrice.

Malgré ces conditions strictes imposées aux visiteurs et aux détenus, aucun incident majeur n’a été signalé depuis la reprise, indique l’un des surveillants chargé des parloirs : « On avait quelques inquiétudes au départ mais globalement, toutes les mesures sont respectées. Les détenus ont été compréhensifs et ça se passe bien ».

Des détenus inquiets pour leurs proches

Dans ce contexte de crise sanitaire, les détenus ne peuvent bénéficier que d’un seul parloir familial d’une durée de 45 minutes par semaine et réservé à une seule personne. Les enfants, eux, ne peuvent pas encore rendre visite à un parent incarcéré. Comme Mia, tous les visiteurs s’engagent, en signant une décharge, à respecter ces consignes sous peine de voir leur permis de visite suspendu. Pour les détenus, en cas de non-respect des mesures sanitaires, le placement en quatorzaine dans l’aile dédiée aux cas Covid-19 est obligatoire.

Pour Tessa*, elle aussi venue rendre visite à son compagnon ce jeudi, certaines de ces mesures pourraient dissuader la visite des familles : « Dans le cas de mon conjoint, je sais par exemple que ses parents n’oseront pas se rendre seuls en détention. Ils ne viendront pas s’ils ne peuvent pas être accompagnés. »

« Au début, il ne voulait pas que je vienne le voir ! Maintenant ça va mieux, il est rassuré »

Mais l’inquiétude se fait surtout sentir au sein des cellules. Si la demande de parloirs a été importante du côté des familles dès l’annonce de la reprise des visites, les détenus semblent plus frileux. « Lors de mes consultations, j’ai vu essentiellement des personnes qui me disaient avoir peur pour leurs familles, peur pour leurs proches plus que pour eux-mêmes », précise le docteur Forissier, chef du service médico-psychologique de la prison. Un sentiment exprimé par le compagnon de Mia : « Au début, il ne voulait pas que je vienne le voir ! Maintenant ça va mieux, il est rassuré ».

De nombreux chantiers à venir

Comme à l’extérieur, la vie au sein de la prison reprend peu à peu son rythme passé. Avec un nouveau paramètre majeur. Comme d’autres établissements pendant le confinement, Fleury-Mérogis a vu son effectif réduit de près de 1.000 détenus depuis le 17 mars. Des conditions exceptionnelles qui ont permis de mieux adapter et préparer la reprise concède la directrice : « C’est un plus, c’est indéniable et ça nous permet de faire plus de suivi individuel des détenus ».

Comme les parloirs, après deux mois d’arrêt, les ateliers de travail ont pu reprendre depuis le début de la semaine. Au total, 400 détenus évoluent dans une vingtaine d’ateliers répartis tout au long de l’enceinte de l’immense bâtiment. Et là encore, les mesures sanitaires ont été renforcées. Ce jeudi matin, une dizaine de détenus sont installés derrière leur poste de travail. « Ils sont seuls à leur table, doivent porter un masque et les roulements pour les pauses sont plus fréquents et se font en plus petit nombre », explique la directrice adjointe de l’établissement.

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Les ateliers de travail ont repris le 25 mai après deux mois d'arrêt à la prison de Fleury-Mérogis. - Lewis JOLY/SIPA

Si le calme frappe au sein de la détention, la direction sait que l’établissement va très probablement faire face à une recrudescence de nouvelles arrivées. Depuis le déconfinement, une quinzaine de nouveaux détenus arrivent chaque semaine à la maison d’arrêt, un chiffre qui augmente au fil du temps. Et de nombreux chantiers restent à mettre en œuvre.

Comment assurer la reprise des offices religieux ou la pratique d’un sport dans des salles exiguës et non-aérées ? Comment maintenir le bon respect des mesures sanitaires avec des effectifs de plus en plus importants ? « La reprise de toutes les activités collectives et en salle s’annonce compliquée, reconnaît Nadine Picquet, il faut que l’on s’adapte, quitte à ce que ça prenne un peu plus de temps. La clé c’est que tout se fasse de façon progressive mais on ne veut pas prendre de risque ».

*Tous les prénoms ont été modifiés

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