Plutôt qu’un nouvel impôt (PS), pourquoi pas la participation et l’intéressement de Darmanin ?

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 Un prélèvement et une (re)distribution (la participation et l’intéressement) rien à voir à priori, sauf quant à la finalité envisagée ; renflouer les caisses de l’Etat.

Si pour l’impôt le mécanisme est simple et direct, la (re)distribution est un prélèvement sur les résultats des entreprises qui génére une épargne supplémentaire versée sur les comptes des Plans d’Epargne Entreprise (PEE) des salariés. C’est cette épargne qui in fine profitera aux caisses de l’Etat par la dépense des salariés. 

Concernant le nouvel impôt proposé par le PS, si faire payer les plus aisés relève d’une nécessaire justice sociale, il n’est pas inutile de rappeler que la France est toujours championne d’Europe pour sa fiscalité supérieure de 18% à celle du second la Belgique. Considérant la période récente, est-ce le bon moment pour ponctionner les entreprises ?

Concernant la participation et l’intéressement, G. Darmanin a fait référence au Général de Gaulle. C’est une vieille excellente idée qui fait toujours de l’effet sans être toujours suivie d’effet. Ces actions charitables pourraient devenir une plus juste répartition des bénéfices et une augmentation des revenus.

Pour ce faire, M. Darmanin serait instruit à se rappeler les dire de N. Sarkozy sur le sujet, et les reculades qui ont suivi.

Retour en arrière de quelques années.

Un soir d’avril 2008 lors d’un entretien à l'Elysée, le président interrogé sur le pouvoir d’achat des français, faisait une proposition ; « …Il y a des entreprises qui font des profits considérables et c’est tant mieux… dans mon esprit il faudrait qu’un tiers des profits aillent aux salariés, un tiers des profits aillent aux investissements et un tiers des profits aillent aux actionnaires. C’est l’intérêt des actionnaires de comprendre que les salariés contribuent à la richesse de leur entreprise ».

Comment cette proposition de N. Sarkozy allait-elle se transformer ?

La première opposition arrivait du PS suivant le principe stérilisant des oppositions systématiques, Vincent Peillon alors député européen à pilonner l’idée avec son commentaire du lendemain ; « Quand j'entends le Président de la République nous expliquer qu'il veut le système un tiers/un tiers/un tiers dans l'investissement, tout ça me parait être quelque chose de totalement décalé des réalités, ça ne se fait pas comme ça, et c'est ce qui me gêne... ». On aurait préféré qu’il contribue à la mise en œuvre de l’initiative présidentielle ; plus compliqué que de faciles rodomontades.

Que sont devenus les trois tiers de N. Sarkozy ?

Le 26 mai 2008 à Verberie, de passage chez Poclain, il modifiait substantiellement son message du mois précédent ; « L'objectif est que les sommes distribuées aux salariés au titre de l'intéressement augmentent de 20% par an. Cela veut dire un doublement en quatre ans. J'ai déjà dit que ce doublement était mon objectif. »

Le 30 juin 2008 Interview Sarkozy Elysées, pour inciter les entreprises à distribuer de la participation et de l’intéressement « … je vous l'annonce : à la rentrée parlementaire, un projet de loi … je voudrais qu'on triple (les montants distribués) parce qu'après tout, quand les entreprises font des bénéfices, c'est les salariés qui ont travaillé pour cela et il est normal qu'ils en aient une partie. »

En avril 2011 lors d’undéplacement dans les Ardennes,

N. Sarkozy parlait encore d’intéressement et de participation :

« Quand on peut donner aux actionnaires, on peut donner aux salariés ». Mais les trois tiers d’avril 2008 étaient renvoyés à la négociation avec les syndicats et devenaient « …une rallonge de participation ou d'intéressement pour les entreprises qui en distribuent. »

A sa décharge, la crise des « subprimes » de 2007/2008 nécessitait de rebattre quelques cartes.

Sur la période 2009-2016, à propos des actionnaires, « … ils en ont capté 67.4%. Ne laissant que 27.3% pour le réinvestissement, et 5.3% pour les salariés » (Franceculture-OXFAM). « L’ennemi de la finance » François Hollande, n’a pas fait mieux que son prédécesseur.

Aujourd’hui, l’idée de G. Darmanin s’inscrit dans un créneau qui pourrait être opportun malgré l’avis de certains techniciens de l’économie qui trop souvent s’immiscent dans le domaine régalien de la politique.

La conjoncture difficile qui s’annonce ne permettra pas d’augmenter substantiellement les salaires sans craindre une perte de compétitivité qui risquerait d’affecter davantage encore nos indicateurs économiques.

Pourtant la consommation est un outil essentiel de cette future reprise ; augmenter les revenus sans augmenter les salaires semble impossible sauf à reconsidérer la répartition des fruits du travail ; les bénéfices.

Ces dernières années la part des bénéfices distribuée aux actionnaires n’a cessé d’augmenter sous la pression des conseils d’administration financiarisés des entreprises au point que la France est devenue le meilleur distributeur de dividendes ; « …alors que la conjoncture mondiale cumule les déboires, les dividendes versés aux actionnaires au deuxième trimestre 2019 affichent un nouveau record, selon une étude d'une société de gestion de fonds américaine. Ils ont atteint la somme folle de 514 milliards de dollars. Avec 51 milliards de dollars de dividendes, la France conforte sa place de meilleur rémunérateur d'actionnaires en Europe… ».

Il y aurait donc là une poire pour la soif. Le moyen plus juste de leur répartition apporterait également de l’eau au moulin de la relance.

Des techniciens de l’économie nous expliquent qu'en l'occurence, l’intéressement n’est pas le bon outil au motif que cette redistribution a vocation à être épargnée. Ils oublient que dans le même temps, les français sont champions d’Europe des placements sans risques, avec une énorme cagnotte de placements qui ne participe que peu à l’économie ; la Banque de France chiffrait« …à fin 2019, le flux annuel de placement des ménages s'établissait à 143 milliards… orientée très majoritairement vers les actifs sous forme de produits de taux (128,8 milliards en 2019), se répartissant à parts égales entre les dépôts bancaires rémunérés l'assurance-vie en euros et les sommes laissées en dépôts à vue. »

Si donc l’intéressement et la participation venaient à constituer une nouvelle part de leur épargne, ils seraient enclins à libérer celle sur les placements sans risque au profit de la consommation. Les clauses actuelles de sortie anticipée de cette épargne sont généralement profitables à l’investissement ou aux travaux immobiliers, elles pourraient être aménagées conjoncturellement pour des déblocages ciblés (automobile...).

Reste à convaincre les entreprises. 

On peut deviner l’opposition de certains financiers quand d’autres verront un avantage à l’intéressement et la participation conditionnés par les résultats de l’entreprise plutôt que des augmentations de salaires avec leur cliquet antiretour.

 Avec l’intéressement et la participation, l’occasion est donnée à G. Darmanin de transformer la métaphore présidentielle des premiers de cordées qui trouveraient là une canalisation pour le ruissellement attendu. Nul doute qu’il faudra leur tordre un peu le bras.

Vous êtes attendu Monsieur le Ministre Darmanin.

PS : la France est aussi championne d’Europe pour l’actionnariat des salariés (FCPE…). Ce filon, favorablement partagé pour une fois par les entreprises et les salariés, mériterait d’être exploité également. Dès 3%, les actionnaires-salariés ont des représentants au conseil d’administration et au conseil de surveillance.