Sur les ondes
Coronavirus: en direct depuis son mazot, Manuella Maury a porté chaque jour la voix intime des Suisses
by Agathe SeppeyLa journaliste de la RTS achève ce vendredi son émission de radio «Porte-plume». Durant deux mois, elle a lu chaque jour, en direct depuis sa cuisine de Mase, des lettres à l’intimité universelle.
Elle enfile une veste en jeans. Le petit coup de froid du trac. Il est 10 h 56. Assise dans la cuisine de son charmant mazot, elle relit tout bas son intro. Les sommets du val d’Hérens la regardent depuis la fenêtre. Elle prend une grande inspiration. C’est parti jusqu’à 11 h 30. Les mots, les pages qu’elle froisse, les émotions. Les liens pour adoucir l’isolement dans la pandémie.
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Une aventure irréelle
Ce matin-là comme ceux de toutes les semaines depuis le 25 mars, Manuella Maury anime «Porte-plume» sur les ondes de la RTS. En direct. Depuis son cocon de bois à Mase. Elle y lit des lettres adressées aux aînés, aux amoureux, aux parents, aux enfants, à ceux qui sont là et à ceux qui sont partis. Des textes écrits par tous qu’elle rend vivants pour tous.
«C’est très irréel, je ne réalise toujours pas que je me suis introduite dans des voitures et des foyers, alors que j’étais chez moi avec du matériel qui se compte sur les doigts d’une main», raconte la journaliste valaisanne.
Au début, j’avais peur de ce que les gens allaient dire. Ma maman m’appelait chaque jour pour me rassurer.Manuella Maury, journaliste à la RTS
Après vingt ans sans animation à la radio, la professionnelle de la télévision a renoué avec l’antenne dans la crise, dans l’urgence. Et, forcément, dans le stress. «Les premières fois, j’étais paniquée que la technique ne marche pas. Et j’avais peur de ce que les gens allaient dire, ma maman m’appelait chaque jour pour me rassurer».
Près de 800 lettres reçues
Le bateau a pris le large. A grande vitesse. Manuella Maury a reçu un tsunami de lettres. Près de 800 missives envoyées chez elle, à la RTS à Genève, à Lausanne, dans sa boîte mail et aux journaux partenaires de l’opération («Le Nouvelliste», «La Liberté», «Le Quotidien Jurassien», «Arc Info», «Le Journal du Jura», «Générations», «Vigousse»). Elle confie: «J’ai travaillé sept jours sur sept. Il me fallait lire les lettres, y répondre, les éditer, ajouter de l’oralité, raccourcir des passages pour respecter le temps d’antenne.»
Ce vendredi, elle enregistre «Porte-plume» pour la dernière fois. Crevée, mais tellement nourrie. De ces mots par milliers. De ce singulier qui touche au pluriel. De ces correspondances qui construisent des ponts entre les cœurs. «La lettre, c’est l’intimité universelle par excellence, c’est la manière la plus simple de comprendre une réalité.» Celle qui a fondé son propre festival de la correspondance, Lettres de soie, ne lâchera ni la plume, ni l’encre.