Untersee-Boote ; la meute de l’amiral Dönitz
by Desmaretz GérardLe 3 septembre 1939, un U-Boot (Unterseeboot) coule l'Athena, un paquebot britannique à 250 milles nautiques au large de l'Irlande quelques heures seulement après la déclaration de la Seconde Guerre mondiale. Au mois de mars 1943, une centaine de U-Boote ratisse l'Océan Atlantique à la recherche de navires alliés. En cinq années de guerre 863 sous-marins allemands seront responsables du torpillage de 148 bâtiments de guerre, 2.779 navires de commerce et responsables de la mort de 45.000 marins alliés.
A l'entrée en guerre tous les submersibles se ressemblent peu ou prou, il n’y a eu que très peu d’évolution depuis la Première Guerre mondiale. La tactique d’emploi de l’arme sous-marine est toujours celle de Laubeuf : « Éviter le combat d’escadre, restaurer la guerre de course avec le sous-marin, affamer l’Angleterre en détruisant son commerce, réduire à la misère ses industries ». Karl Dönitz a convaincu Adolphe Hitler dès 1938 de l'importance de l'arme sous-marine en lui communiquant les chiffres des navires marchands possédés par la Grande-Bretagne et la France, 22 millions de tonnes ! L'année précédente, Dönitz a écrit U-Bootewaffe dans lequel il y décrit l'attaque en « meute » ; une annexe au plan « Z » va être ajoutée, celle-ci prévoit la construction de deux cent trente-trois U-Boote sur cinq ans. Dix-neuf chantiers navals allemands vont être impliqués dans leur construction : dix-huit seront livrés en 1939 – cinquante en 1940 – cent en 1941 – deux cent trente-huit en 1942 – deux cent-quatre vingt-six en 1943 – deux cent vingt-neuf en 1944 et quatre vingt-onze en 1945.
Les premiers U-Boot en service lors du conflit, des types « 1 océaniques », furent suivis du type VII modifié.Le plus représentatif de l'époque emporte une soixantaine de sous-mariniers, mesure 66 m x 6,2 x 4,75 m (coque extérieure) pour un déplacement en plongée de 817 tonnes, sa propulsion est assurée par deux moteurs diesels et deux moteurs électriques, il est capable de filer 17 nœuds en surface, 7,6 en plongée, et de parcourir 6.500 MN en surface et 80 MN en immersion à la vitesse de 4 nœuds. Les premiers U-Boote livrés ne peuvent plonger qu'à 70 mètres, les suivants à 100 m (coefficient de 2), leur armement comprenait : 4 tubes lance-torpilles avant et 1 tube arrière, un canon de 37 mm, un de 20 mm, et ses soutes transportent 14 torpilles. Le plus perfectionné, le « XXI », peut rester deux jours en plongée à la vitesse de 6 nœuds ou quatre jours à vitesse réduite avant de faire surface pour renouveler l'air et recharger ses batteries.
Le trafic transatlantique est vital pour la Grande-Bretagne et plus tard pour l'Armée rouge ravitaillées par les USA. Un convoi peut se composer d'une quarantaine navires naviguant sur dix files de quatre rangs, chaque file maintenant une distance de mille mètres avec les files voisines, et les rangs sont espacés de 500 mètres. Le convoi navigue en ligne droite pour lui éviter de se rompre ou de naviguer en " accordéon " (un convoi qui zigzague rallonge de 30 % la distance parcourue), un bâtiment ferme le convoi pour recueillir les survivants en cas de torpillage. Lorsqu'un cargo atteint coule, le suivant force sa vitesse pour combler l'espace vide afin de toujours maintenir l'espace de 500 m.
Le périmètre du convoi est défendu par des destroyers, contre-torpilleurs ou autres bâtiments de guerre rapides afin delimiter les dommages occasionnés par une attaque de flanc. Un convoi filant 7 nœuds (environ 13 km/h) met deux semaines pour accomplir la traversée entre les États-Unis et l'Angleterre. Les cargos capables de filer plus de 15 nœuds ne sont pas escortés, ils encourent peu de probabilité d'être détectés et rattrapés par un U-Boot qui file à 16 nœuds maximum en surface.
L'amiral Karl Dönitz dispose de 57 U-Boote alors qu'il lui en faudrait 90 à la mer en permanence et placés sur les trois grandes lignes maritimes empruntées par les convois transatlantiques pour appliquer la tactique de la « meute ». En 41, Dönizt demande une douzaine d'avions de reconnaissance aérienne pour repérer et guider les U-Boote sur leurs cibles. L'avion qui a découvert un convoi émet sur Ondes courtes un groupe codique signifiant « communiquez mon relèvement » information aussitôt retransmise aux U-Boote sur Ondes longues. Imposer le silence radio réduirait la capacité du dispositif et la kriegmarine a confiance dans le cryptage de la machine Enigma. Pour optimiser les patrouilles, les commandants des U-Boote doivent choisir entre emporter beaucoup de fuel (autonomie) ou de torpilles.Des transferts se déroulent entre les U-Boote en patrouille et ceux de retour à leur base (la mission repose sur un tiers à la mer, un tiers sur le retour, un tiers en entretien.), transfert de carburant et de torpilles pour accroître l'autonomie et alléger le revenant, opération difficile par mer houleuse et dangereuse si une attaque surgit à ce moment.
L'occupation de la façade maritime française mieux située pour naviguer en Atlantique que la mer du Nord, va permettre aux U-boote d'étendre leur rayon d'action. Dönizt ordonne l'appropriation des ports : Lorient, Brest, Bordeaux, La Pallice et Saint-Nazaire pour leur réaffectation en bases sous-marines (U-Bunkers). Ces ports reliés au chemin de fer permettent l'acheminement du matériel et de l'armement indispensable aux U-Boote. La réalisation des travaux est confiée à l'organisation Todt renforcée de travailleurs désireux d'échapper au Service du Travail Obligatoire en Allemagne. Le U-Boot de retour à « sa » base hisse une série de fanions sur le pavois pour informer de ses attaques : rouge pour les escorteurs - jaune pour les pétroliers - blanc pour les cargos coulés. Des ouvriers renseignent la résistance sur les mouvements des U-Boote, leur état, leur équipage, etc., informations transmises à Londres (réseau Alliance).
Le centre de l’Atlantique reste hors de portée de l’aviation alliée. Les U-boote se prépositionnent sur les routes empruntées par les convois alliés, le premier U-Boot (l'« Ombre ») qui repère un convoi en averti le quartier général (BdU) et renseigne : taille - type - cap - vitesse - position, renseignements renouvelés ensuite chaque heure. Le QG retransmet ses informations à destination des U-Boote situés sur la route du convoi, l'attaque peut impliquer toute la meute ou être individuelle sur ordre du commandant. La meute se regroupe par dix ou vingt avant d’attaquer en surface. Pour conserver le secret de leur position, l’océan Atlantique a été divisé en carrés (carroyage) numérotés verticalement (latitude) et horizontalement (longitude). Chaque carré de 1.000 km x 1.000 est divisé en 9 carreaux plus petits de 333 km de côté, et chaque carré lui-même divisé en 9 carreaux de 111 km, etc. La numérotation change régulièrement. Un drapeau bleu signale un U-Boot, un rouge un convoi, le tout sur fond de carte météorologique marine et d'une fiche mentionnant le nombre torpilles et le carburant disponibles, informations précieuses qui permettent de diriger les U-boote les mieux situés. Les Allemands disposent d'un réseau destations météorologiques automatiques flottantes, les bouées Wetterbojen. Un cylindre d’une quinzaine de mètres de longueur abrite plusieurs capteurs (température, hygrométrie, direction et force du vent, pression atmosphérique, courant) et en transmet les valeurs plusieurs fois par jour.
La tactique de la kriegmarine préconise de ne pas approcher la cible à moins de 3.000 mètres, distance que Dönist entend réduire à 300 mètres (toucher un navire rapide à plusieurs km reste incertain), d'expliquer qu'il est plus facile à une sentinelle de repérer la silhouette d'un sous-marin qui se découpe sur l’horizon à plusieurs milliers de mètres qu'à quelques centaines de mètres où il se confond avec la houle d'autant plus que s'il fait face à sa cible, seul son massif dépasse, cela laissant plus de temps aux observateurs pour apercevoir le sillage d'une torpille filant vers le convoi. Une nouvelle tactique va apparaître. L'U-Boot va se placer sur l'arrière du convoi, le remonter pour en atteindre les premières lignes, lancer une torpille et plonger immédiatement pour s'abriter et se laisser rattraper par le rang suivant et de renouveler l'attaque !
Le 8 mai 1941, le destroyer HMS Bulldog qui assure la protection d'un convoi au sud de l'Islande, grenade l'U-110 le contraignant à faire surface. Les marins britanniques se ruent à l'intérieur du submersible et en rapportent la machine Enigma et sa documentation afférente ! Au cours de l'année suivante, la marine allemande ajoute une quatrième roue à la machine Enigma privant ainsi les alliés de cette découverte. Les Allemands sont parvenus à percer le code utilisé entre les navires d'un même convoi allié. Le 13 novembre 41, le porte-avions Ark Royal est torpillé dans les parages de Gibraltar privant les convois en Méditerranée de toute protection aérienne (Gibraltar et Malte sont deux places fortes britanniques essentielles à la route des Indes).
Les pertes alliées entre 42-43 sont catastrophiques, la guerre sous-marine va toutefois devenir de moins en moins efficace avec l'amélioration des moyens de détection (ASDIC/SONAR, hydrophone et radar). Les pertes allemandes vont s'accumuler, après un maximum en juillet 42 avec 800.000 tonnes, les pertes vont être de 100.000 tonnes / mois en 1943 et 50.000 t en 44. La Seconde Guerre mondiale terminée, l'Allemagne a perdu 753 U-Boote. Les 6.368 bâtiments coulés au cours de la Seconde Guerre mondiale représentent une « bombe écologique ». Leur coque s'oxyde et les réservoirs corrodés menacent d'en libérer le fuel lourd !
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