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Dominique Delhalle et Maxime Berger: deux témoignages forts sur le drame du Heysel.
© Eby Brouzakis

35e anniversaire du drame du Heysel : "Les chambres des maternités essentiellement occupées par des hommes, des supporters…"

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Ce vendredi 29 mai, c’est le 35e anniversaire du drame du Heysel. 39 morts et 400 blessés lors de cette finale de la Coupe des Clubs champions qui opposait Liverpool à la Juventus de Turin. La cause de ce drame est à trouver dans la charge des supporters de Liverpool en direction du bloc Z qui devait être occupé, a priori, par des supporters belges neutres. En fait ce bloc était surtout composé de supporters de la Juve (en raison de failles dans le système de contrôle).

Eby Brouzakis a rencontré Maxime Berger, journaliste sportif à la RTBF, qui est né ce jour-là dans un hôpital proche du Stade. Il fait part des échos qu’il tient de ses parents. Et Dominique Delhalle, qui a commenté la rencontre pour la RTBF radio. 35 ans plus tard, les souvenirs tenaces se joignent à l'émotion.

"Les mots sont souvent utilisés à mauvais escient. Catastrophe, drame, tragédie… Ici, les trois sont justifiés, nous confie, ému, Dominique Delhalle. Il y avait eu des tensions dans la ville. Alors qu’à midi, j’ai vu des supporters des deux camps jouer au football devant les grilles du Stade. Et puis la tension est montée en ville. Elle est arrivée jusqu’au Stade. Il y avait des mouvements de foule… Jusqu’au déchaînement. Michel Platini et les joueurs ont toujours affirmé, qu’à l’intérieur du vestiaire, on ne les avait pas informés de l’ampleur de la catastrophe et qu’il y avait déjà des supporters décédés."

Maxime Berger, vous êtes nés le matin même du match. Vous n’en avez donc pas le moindre souvenir. Quels sont les échos que vous en avez eus ?

"Mes parents m’ont raconté qu’il y avait des blessés masculins dans la maternité. Les infirmières devaient se dépêcher pour aider les femmes qui accouchaient pour ensuite aller soigner les supporters qui arrivaient blessés. Le lendemain matin, une infirmière a ouvert la porte et elle s’est étonnée de trouver une femme dans ma chambre. Cela pouvait paraître normal dans une maternité. Or ça ne l’était pas tant les autres chambres étaient occupées par des supporters."

Dominique Delhalle, le match a eu lieu. Dans quelle disposition mentale l’avez-vous commenté ?

"J’ai encore la chair de poule en vous le disant 35 ans plus tard. Fallait-il le jouer ? Fallait-il le commenter ? Dès l’instant où on décidait de le jouer, nous devions le commenter. Je me rappelle avoir commenté le penalty transformé par Michel Platini. On était surpris de l’engouement que cette transformation avait suscité. Et puis des collègues sont venus en renfort. Nous avions l’interdiction de quitter la tribune de presse. Les informations nous parvenaient notamment de Roland Bruneel qui couvrait les à-côtés du match. Nous avions aussi des informations qui provenaient des différents hôpitaux. Ce commentaire est vite devenu une émission générale dédiée à la catastrophe."

Dominique, le match s’est joué pour éviter une catastrophe plus grave encore à l’extérieur du Stade ?

"Oui. C’est la version que nous avions entendue des forces de police."

Maxime Berger, on imagine que ce devait être un peu particulier pour vos parents. Donner la vie d’un côté et côtoyer la mort de l’autre.

"Dès les premières visites, mes parents se sont rendus compte que le drame était important. La famille parlait pratiquement plus du match de football que de ma naissance..."

Dominique, 35 ans plus tard, qu’est-ce qui vous vient à l’esprit ?

"J’étais tout jeune journaliste. Je ne dis pas que j’y ai pensé à l’occasion des centaines de matches que j’ai commentés ensuite. Mais ce drame réside toujours dans un coin de la tête. Quand je vois la Juventus jouer, j’y pense. Je n’ai jamais pu assister à un festival de rock ou de jazz par la suite. Et quand j’assiste à un concert, j’évite le parterre. J’ai encore peur des mouvements de foule. Consciemment ou inconsciemment, je sais que c’est lié au drame du Heysel."