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Le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A a bondi de 22,6 % le mois dernier, soit 843 000 personnes supplémentaires.
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Pourquoi le chômage explose... et pas les licenciements

La hausse historique du nombre de demandeurs d’emploi en avril est due aux trois quarts à la fin de contrats de personnes qui étaient précédemment en activité réduite

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Selon les données publiées jeudi par le ministère du Travail, le nombre de chômeurs inscrits à Pôle emploi en catégorie A (sans aucune activité) en France (hors Mayotte) a bondi de 22,6 % le mois dernier, ce qui représente 843 000 personnes supplémentaires.

« Le pays va devoir se battre contre un nouveau front », a déclaré le Premier ministre Edouard Philippe jeudi, en référence aux « très mauvais chiffres du chômage du mois d’avril » publiés par la Dares (ministère du Travail) et Pôle Emploi. En réalité, ces chiffres révèlent la rigueur du confinement passé plutôt que le futur, non moins difficile, qui nous attend.

Le nombre de demandeurs d’emploi sans activité (catégorie A) a bondi de 22,6 % (+843 000) en avril pour atteindre son plus haut niveau historique. Mais les trois quarts de cette hausse « sont liés à des demandeurs d’emploi en activité réduite (catégories B et C) le mois précédent et qui ont cessé toute activité », explique la Dares. Le nombre de demandeurs d’emploi en activité réduite a ainsi baissé de 633 000 (-30 %), ces personnes basculant dans la catégorie A. « Cela reflète bien une récession énorme, souligne Bruno Ducoudré, économiste à l’OFCE : des emplois ont très rapidement disparu pour ces personnes, qui ont été empêchées de travailler. »

Il s’agit de salariés employés à temps partiel, souvent en contrats courts (intérims, CDD) qui étaient déjà inscrits à Pôle Emploi, et qui n’ont plus du tout travaillé en avril. Les entreprises, qu’elles soient fermées administrativement ou aient subi une baisse d’activité, n’ont pas renouvelé ces contrats. Le phénomène s’était déjà produit durant les deux dernières semaines de mars et a encore plus joué en avril.

« Pour l’instant, l’augmentation du nombre de demandeurs d’emploi porte les stigmates de la crise sanitaire plutôt que de la crise économique »

Diminution des sorties. D’ailleurs, les secteurs dans lesquels ces nouveaux demandeurs d’emploi cherchent un poste ont été les plus touchés par le confinement : commerce, services à la personne, hôtellerie et tourisme, transport et logistique, construction, bâtiment, travaux publics, spectacle. Ils ont aussi l’habitude de recourir à des embauches à temps partiel ou de courte durée.

« Pour l’instant, l’augmentation du nombre de demandeurs d’emploi porte les stigmates de la crise sanitaire plutôt que de la crise économique », analyse Denis Ferrand, directeur général de Rexecode. Les inscriptions au chômage pour motif de licenciement n’augmentent pas, et les entrées au chômage toutes catégories confondues sont en recul (-19 %) — également parce que moins de personnes essayent de rentrer sur le marché du travail. Ce sont les sorties de Pôle Emploi qui diminuent (de 34 %) à cause de l’arrêt des embauches.

Dans les prochains mois, la récession changera de forme, faisant évoluer les statistiques du chômage. Côté positif, les activités qui reprennent devraient recréer des emplois, au moins à temps partiel : commerce, construction, transports… Donc certaines personnes en catégorie A vont basculer de nouveau en catégorie B ou C. En outre, souligne Bruno Ducoudré, tous les nouveaux chômeurs de catégorie A n’ont pas perdu leur emploi, certains vont le retrouver. « Des personnes qui étaient en CDD de trois ou quatre mois à temps partiel avant le confinement (et inscrites à Pôle Emploi) ont pu être placées en activité partielle, et cumuler leurs indemnités. Avec le déconfinement progressif elles retrouveront leur emploi. »

En revanche, une partie des personnes n’en retrouvera pas, car les entreprises qui reprennent ne tournent pas à 100 %, et certaines restent encore fermées.

Enfin, dans les prochains mois, les entreprises qui auront cumulé trop de pertes durant le confinement se retrouveront en cessation de paiements, en faillite ou subiront des restructurations. Il y aura, à ce moment, des destructions d’emploi définitives. « On verra alors des entrées à Pôle emploi pour motif de licenciement ou de difficulté économique, et de moins en moins de sorties de Pôle emploi pour reprises d’emploi », explique Denis Ferrand.