Ecole: un emploi du temps encore très allégé
Oral de français annulé, accueil très progressif des élèves : l’Education nationale ne prend aucun risque
by Marie-Amélie Lombard-LatuneEn zone verte, les lycées rouvrent leurs portes « au moins sur un niveau ». Selon les établissements, secondes, premières ou terminales seront prioritaires. En zone désormais « orange » (Ile-de-France, Guyane et Mayotte), priorité est donnée aux lycées professionnels (jusqu’à 40 % de décrocheurs en CAP...). Pour les autres (voies générales et technologiques), le programme est très allégé avec la promesse d’« un entretien individuel pédagogique » et, peut-être de « travaux en tout petits groupes ». Pour le bac de français, les notes obtenues aux premier et deuxième trimestres remplaceront l’oral annulé.
L’annulation de l’oral du bac de français — une pointe de chagrin dans la voix de Jean-Michel Blanquer qui a pris quelques secondes jeudi pour souligner « l’importance de la littérature » — restera sans doute dans les mémoires, comme Mai 68 avec ses épreuves passées intégralement à l’oral. « Inégalités dans la préparation », « inquiétudes » manifestées par les parents d’élèves et les représentants des lycéens ont servi à justifier ce trait de plume sur un rite scolaire.
« Accélération » pour Edouard Philippe, « amplification » pour Jean-Michel Blanquer : quel que soit le vocabulaire, l’idée est de montrer que l’Education nationale est au rendez-vous du déconfinement. Mais les objectifs restent modestes. Car, si le ministre de l’Education se félicite des « 80 % d’écoles primaires ouvertes », ce ne sont que 22 % des élèves en zone verte, et même 14 % en zone rouge, qui y sont accueillis. En phase 2, « toutes les écoles seront ouvertes et toutes les familles doivent pouvoir scolariser leurs enfants », promet-il, ajoutant un ton plus bas : « Au moins une partie de la semaine ». En réalité, quand les enfants retournent à l’école, ce n’est souvent qu’avec un emploi du temps très allégé (un jour sur deux, voire moins, en demi-journée, etc.). Pas de quoi permettre aux parents de reprendre leur travail à plein temps.
La même ligne vaut pour les collèges, à « 95,5 % » ouverts dans les départements verts mais ne recevant, depuis le 11 mai, que « 28 % » des 6e et 5e… Pour la phase 2, Jean-Michel Blanquer se garde de faire des projections chiffrées, sachant que, pour beaucoup d’élèves, le retour à l’école ne sera que très épisodique. A cet égard, le ministre avait annoncé la couleur tôt, dès début mai — même si son message n’avait pas toujours été retenu : les jeunes Français auront, avant de partir en vacances d’été, renoué un contact avec leur établissement. Rien de plus pour la plupart.
« Nous n’avons pas les moyens de vérifier toutes les autorisations spéciales d’absence des enseignants. Et tous, présents ou pas, recevront le même salaire à la fin du mois »
« Fiesta ». Le même principe est adopté aujourd’hui pour les lycéens. Une étape, le ministère le sait, plus difficile à franchir que celle du primaire ou des collèges. « Beaucoup, élèves comme profs, espéraient que ce serait la fiesta jusqu’aux vacances », résume un ancien conseiller ministériel. Parmi les proviseurs, certains sont très allants, d’autres ne veulent prendre aucun risque. Les syndicats ont envie de se payer Blanquer et la gauche radicale a déjà dit que le déconfinement était « suicidaire ». Et, pour faire bonne mesure, dans ces sombres pronostics, certains redoutent que l’agitation lycéenne reprenne sous forme de « blocages »…
Protocole sanitaire strict et mobilisation mitigée des enseignants sont les deux principaux obstacles auxquels est confrontée l’Education nationale pour monter en puissance. Côté enseignants, si les bonnes volontés sont nombreuses, les hostilités de principe sont aussi immenses. A commencer par les vétos syndicaux qui ont, en même temps, dénoncé « la mise en danger des enseignants » et des prescriptions sanitaires « inapplicables ».
A Paris, à peine un instituteur sur deux a répondu à l’appel. Environ 15 % des élèves sont accueillis dans les écoles maternelles et élémentaires alors que la moitié des familles parisiennes souhaiteraient au moins un mi-temps. « Certains enseignants ont sans doute de très bonnes raisons de rester dans l’enseignement à distance. Nous n’avons pas les moyens de vérifier toutes les autorisations spéciales d’absence. Et tous, présents ou pas, recevront le même salaire à la fin du mois », grince un bon connaisseur du système de la région parisienne.