Marie Cau, première femme transgenre à devenir maire en France
Depuis samedi dernier, Marie Cau reçoit des demandes d'interview de médias du monde entier. Elle a 55 ans et vit à Tilloy-lez-Marchiennes dans le Nord. Une commune rurale de 530 habitants, dont elle vient d'être élue maire. Sa singularité : c'est une femme transgenre. Pour la presse, son élection est donc un événement.
by Frédéric PommierMarie Cau a 55 ans. Elle est consultante en informatique, spécialisée dans le "service management". Depuis une vingtaine d’années, elle habite Tilloy-lez-Marchiennes dans le Nord, à équidistance de Lille, Valencienne et Douai. Le village compte 530 habitants. Il y a des forêts tout autour et un bon nombre d’exploitations agricoles.
Durant deux décennies, c’est le même homme qui dirigeait la commune. Cette fois, il ne s’est pas représenté, et lors du premier tour du scrutin le 15 mars, les candidats de la liste de Marie Cau sont arrivés très largement en tête. Sans surprise, c’est donc elle qui a été élue maire par le conseil municipal samedi dernier.
Il s’agit de son tout premier mandat politique, et elle n’a jamais milité dans aucun parti
L’idée de se lancer lui est venue l’an dernier, en discutant avec les gens dans les rues de Tilloy. Elle a ressenti une forte envie de changement et, avec d’autres, elle a rédigé un programme pour "réveiller le village" qui, à ses yeux, s’était franchement endormi. Sa liste, "Décider ensemble", proposait notamment de développer plus encore l’économie locale, de réconcilier l’agriculture et l’environnement, de faire davantage pour les personnes isolées.
Une pointe de social, une bonne dose d'écologie, de la concertation : voilà ce qui a convaincu les électeurs, qu’elle est allée rencontrer avec son équipe en faisant du porte-à-porte pendant la campagne.
Pour le reste, elle mène une vie tranquille. Elle est profondément croyante, mais plus catholique. Elle a trois grands enfants qui, tous les trois, travaillent dans le médico-social. Elle ne boit pas d’alcool, ne fume pas, mais est très bavarde - nous avons longuement conversé au téléphone.
Marie Cau s'intéresse à tout
Elle adore l’histoire de France et le cinéma de Petro Almodovar. Elle aime se plonger dans les revues scientifiques et les "Chroniques martiennes" de Ray Bradbury. Les tubes de Blondie lui rappellent sa jeunesse, mais dans la voiture, c’est plutôt Luz Cazal.
Cela étant, ce n’est pas pour les chanteuses qu’elle écoute, ni même pour son programme que les médias nous ont parlé de son élection cette semaine. Si Marie Cau s’est retrouvée dans les journaux, c’est parce qu’on ne l’a pas toujours appelé "madame" : elle est la première femme transgenre élue maire en France.
Depuis son élection, elle a reçu un nombre incroyable de félicitations venues du monde entier. Et les demandes d’interviews affluent : d’Angleterre, de Grèce, du Canada, de Russie, d’Ukraine, d’Argentine...
Marie Cau n’en revient pas. Elle s’attendait, dit-elle, uniquement à deux ou trois articles dans la presse locale, et peut-être un entrefilet dans les magazines spécialisés, mais elle n'imaginait pas que son élection à la tête de Tilloy-lez-Marchiennes susciterait un tel engouement. D’autant qu’elle est plutôt de nature discrète. Elle n’est pas militante de la cause LGBT.
Elle a toujours su qu'elle n'était pas née dans le bon corps
Elle le savait sans le comprendre et elle l’a refoulé longtemps. Elle n’a pu l’assumer que vers la quarantaine. S’en est suivi un divorce, puis une transition progressive.
Elle n’a pas encore effectué les démarches pour modifier son genre à l’état civil. C’est dans ses projets. Ne serait-ce que pour éviter les tracasseries administratives à la mairie.
Première maire transgenre en France : la voilà devenue symbole. On l’applaudit sur les réseaux, on lui envoie des cartes postales, certains et certaines lui écrivent qu'elle le redonne du courage et des associations saluent "un scrutin qui marquera l’histoire des personnes trans et de la politique française".
Marie Cau rend visible la transidentité et, ce faisant, elle aide finalement à "banaliser les choses", en montrant à ceux qui en douteraient que les personnes transgenres peuvent mener une vie sociale tout à fait normale, et même occuper des responsabilités publiques
Alors, à quand une députée transgenre comme en Allemagne ? A quand une ministre transgenre comme à Taiwan ? La maire de Tilloy-Lez-Marchiennes n’a pas ses ambitions-là. Pour l'heure, elle doit surtout organiser la réouverture de l'école.
Elle aurait préféré que son élection ne fasse pas le buzz et assure que dans le village, c'est "un non-événement". Malgré tout, elle accepte toutes les interviews. Elle sait que c'est important et que son histoire est porteuse d'espoir, les droits des personnes LGBT ne cessant de régresser dans certains pays.
Marie Cau explique qu'aujourd'hui, "la joie est revenue dans le village"… Les habitants discutent davantage qu'avant, et ils sont fiers qu’on parle autant de leur commune et de leur maire en des termes aussi élogieux.
Les enfants de Marie sont aussi très fiers d’elle. Eux, à qui elle répète souvent cette phrase de Mark Twain :