INFO FRANCEINFO. Affaire Adama Traoré : les proches de la victime dénoncent un faux témoignage

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Près de quatre ans après la mort d’Adama Traoré, ses proches redoutent les conclusions d’une nouvelle expertise médicale, attendue très prochainement. Pour eux, cette expertise serait tronquée à cause d’un faux témoignage, révèle franceinfo vendredi 29 mai.

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Assa Traore (au centre), la soeur d'Adama Traore, participe à une marche le 2 février 2019 à Paris (photo d'illustration). (ZAKARIA ABDELKAFI / AFP)

Un nouveau rapport d'expertise médicale dans l'affaire Adama Traoré doit être dévoilé prochainement. Il doit faire la lumière sur les causes du décès du jeune homme de 24 ans, mort le 19 juillet 2016 à la caserne de Persan (Val-d’Oise), deux heures après son interpellation mouvementée par des gendarmes à Beaumont-sur-Oise. 

Les proches d'Adama Traoré soutiennent que c'est la technique d'intervention des gendarmes, le "plaquage ventral", qui a provoqué la mort du jeune homme. La défense des gendarmes explique que "la cause du décès est une hyperthermie maligne due à un effort violent consenti lors d’une journée caniculaire".

Des versions contradictoires

Après une longue bataille judiciaire d’expertises et de contre-expertises, les proches d’Adama Traoré craignent que ce nouveau rapport médical attendu se base en partie sur les déclarations du témoin chez qui Adama Traoré s’est réfugié lorsqu’il était poursuivi par les gendarmes. Ce témoin, âgé de 38 ans, a affirmé au moment des faits qu’Adama était arrivé à son domicile déjà essoufflé, qu’il respirait bruyamment et qu’il ne parvenait presque pas à parler.

Pour la partie civile, c’est en s’appuyant notamment sur ce témoignage, que les experts ont estimé qu’Adama Traoré était en état de détresse respiratoire, avant son interpellation. Or, souligne Yassine Bouzrou, l’avocat de la famille Traoré, les gendarmes ont expliqué à l’inverse que le jeune homme s’était "débattu violemment, qu’il n’avait aucun trouble physique apparent et que ce n’est qu’une fois relevé et menotté qu’il s’est plaint d’avoir des difficultés à respirer".

Pour Assa Traoré, la sœur de la victime jointe par franceinfo, face à ces deux versions contradictoires, il faut que les juges d’instruction entendent ce témoin, bientôt quatre ans après les faits. "Le problème, c’est qu’il ne s’est pas rendu à sa convocation en septembre dernier et refuse de témoigner à nouveau. Une preuve de plus qu’il n’a pas dit la vérité aux gendarmes", estime la porte-parole du comité Vérité et justice pour Adama. Elle rappelle aussi que ce témoin a assuré ne connaître Adama Traoré que de vue, alors que plusieurs personnes affirment qu’ils ont travaillé ensemble.

Une nouvelle audition réclamée

"Ce témoin clef refuse de témoigner devant la juge d’instruction, en ma présence, insiste Yassine Bouzrou, sachant que nous souhaitions mettre en avant ses nombreuses contradictions." L’avocat ajoute que "les expertises médicales qui ont été réalisées sur la base de ce témoignage n’ont donc aucune valeur juridique car ce témoin est un menteur". Il pose aussi la question de savoir si ce témoin n’a pas été influencé par les gendarmes avant d’être interrogé. Et réclame son audition. "Nos demandes d’actes sont soit refusées (comme la reconstitution) soit acceptées mais pas exécutées. Tout est mis en œuvre pour exonérer les gendarmes du meurtre d’Adama", déplore Yassine Bouzrou.

"Je comprends que la partie civile soit gênée par ce témoignage", rétorque Rodolphe Bosselut, l’avocat de deux des gendarmes placés sous le statut de témoins assistés dans cette affaire, "mais c’est le monde à l’envers que d’entendre qu’il y aurait eu pression des enquêteurs. Il y a au contraire dans le dossier de nombreux éléments qui établissent la crainte de représailles de la famille Traoré à l’encontre de ce témoin." Si ce témoin devait être entendu par la juge, les avocats des gendarmes demandent eux aussi à être présents, comme la partie civile, en raison justement des craintes et de la peur manifestée par ce témoin au cours de l’enquête, explique maître Bosselut.

Au mois de février dernier, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a rejeté la demande des parties civiles d’organiser une reconstitution de l’interpellation. Assa Traoré annonce à franceinfo que les parties civiles sont en train d’organiser seules cette reconstitution, qui aura lieu, selon elle, dans les deux prochains mois.