Les Indestructibles 2 : critique masquée
by Simon RiauxLes Indestructibles 2, ce soir à 21h05 sur Canal+ !
Les Indestructibles ont envahi les écrans et la mémoire des cinéphiles il y a presque quinze ans de cela, pour ne plus les quitter. Entre temps, Hollywood et les blockbusters américains se sont convertis avec dévotion au culte du super-héros, saturant multiplexes, imaginaires et actualité culturelle. Il était logique et attendu que Brad Bird remette son ouvrage sur le métier et notamment avec Les Indestructibles 2.
LES QUATRE TRÈS FANTASTIQUES
Après le succès de Mission : Impossible - Protocole Fantôme (qui lui aura curieusement été souvent moins attribué qu'à Tom cruise) et l’échec terriblement injuste d'A la poursuite de demain, on pouvait redouter que l’auteur soit plus ou moins contraint de s’atteler à cette suite, que les fans réclamaient à corps et à cri, afin de satisfaire à certaines exigences stratégiques. Si on pourra sans fin interroger la motivation de l’artiste, Les Indestructibles 2 demeure un épatant écrin de sa créativité.
S’il était possible, sa caméra et son découpage apparaissent encore plus libres et merveilleusement ludique que dans le chapitre précédent. Pour à l’aise qu’il soit dans les scènes chroniquant la vie quotidienne du clan Parr, c’est une nouvelle fois dans les très nombreuses scènes d’action que Bird étale son mélange de savoir-faire et de maestria.
Le réalisateur est à l’heure actuelle le seul capable de dupliquer la frénésie de mouvement couplée à la débauche de textures et couleurs d’un Jack Kirby, géant parmi les géant de l'histoire des comics, aux compositions graphiques jamais égalées. Si Brad Bird n'essaie pas de dupliquer son style, on retrouve ce goût prononcé pour un débordement d'images continuelles, et un empilement de concepts, dont chacun justifierait à lui-seul un long-métrage dédié
Le cinéaste se fait aussi habile architecte, organisant sans cesse la confrontation entre les lignes acérées, dures, de l'urbanisme qui entoure ses personnages, avec les formes de ces derniers, plus amples plus souples. Dès que l'action s'emballe, nous assistons ainsi à un ballet de formes et de matières aussi riche qu'inépuisable d'inventivité.. Visuellement, c’est donc à un véritable festin que nous convie le metteur en scène, qui ringardise presque instantanément tous les blockbusters super-héroïques de ces dix dernières années.
YESTERDAY LAND
On appréciera la belle sincérité et la finesse de l’intention motivant la partie « domestique » du récit, le scénario refusant de faire de l’opposition entre son père au foyer et sa mère héroïque un moteur de conflit. Le film aborde ainsi la question des rapports hommes/femmes via un biais essentiellement positiviste, engagé mais apaisé, particulièrement délectable. Malheureusement, pour humaniste et plaisant que soit cette orientation, du côté de l’écriture, le film pêche en maints endroits.
Penseur malin du libertarisme (dont le questionnement était déjà le coeur de son précédent Tomorrowland), Brad Bird se garde bien d’arbitrer les élégances et préfère soulever de nombreuses problématiques, plutôt que de nous donner une réponse clef en main. Qui mène le bon combat ? Les super-héros désireux de reprendre du service ? Notre patriarche prêt à tout sacrifier pour soutenir son épouse ? Le grand méchant, convaincu que l'adoration pour les héros en général transforme les masses en autant d'esclaves dociles ? Ne pas trancher et laisser le spectateur choisir, voilà qui est aussi stimulant que noble, à condition d’offrir à chaque intrigue un temps d’existence à l’écran qui lui permette de se déployer.
Non seulement ce n’est pas le cas, mais la résolution de certains arcs scénaristiques, la partie « papa débordé » notamment, pêchent par leur simplicité. Ils frisent d'ailleurs par endroit avec un déroulé un tantinet vieillot. Evidemment ces menues scories ne menacent jamais la vitalité de l’ensemble et n’empêchent aucunement Les Indestructibles 2 de faire le ménage au sein de la production estivale, mais consacrent le film comme une suite vouée à rester sagement dans ses charentaises, plus qu’une réinvention héroïque destinée à nous chambouler.