A l'heure du Covid-19, l'avortement toujours en ligne de mire, le Sénat refuse d'étendre les délais
Alors que les mesures prises autour de la crise sanitaire sont en passe d’être, peu ou prou, levées, le Sénat débattait hier soir de l’avortement.
Les amendements déposés par Laurence Rossignol (Groupe socialiste et républicain) et de Laurence Cohen (Groupe communiste républicain citoyen et écologiste) visaient à modifier les dispositions légales relatives à l’interruption médicale de grossesse (IMG) et à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) (cf. Délai pour avorter : nouvelle salve des féministes ).
Extension des conditions de l’IMG ? C’est non
Concernant l’IMG, le ministre chargé des relations avec le Parlement, Marc Fesneau, a expliqué que l’amendement visait à « simplifier » la procédure d’un acte qui met fin à la vie d’un enfant en gestation jusqu’à la veille de l’accouchement. Dans le contexte de la crise sanitaire, le ministre de la santé et le CNGOF ont convenu que les femmes enceintes pouvaient invoquer la détresse psycho sociale pour pouvoir avorter au-delà du délai légal de 12 semaines (cf. IVG : vers l’utilisation de la détresse pyschosociale pour des avortements hors délai ? ). Dans ce cadre, il a été proposé de modifier par amendement la composition du collège chargé d’examiner les demandes d’IMG pour faciliter l’acceptation de ces demandes aux conséquences lourdes. Par cette modification, les sénatrices suggèrent de remplacer le médecin spécialisé en médecine fœtale et membre du CPDPN (Centres Pluridisciplinaires de Diagnostic Prénatal) par un gynécologue obstétricien extérieur prétextant que le processus de décision s’en trouvait alourdi.
Le rapporteur de la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable au motif qu’il n’y avait pas lieu d’exclure les médecins membres des CPDPN de la prise de décision puisqu’ils « ont l’habitude de traiter des demandes de détresses psycho sociales ». Il constate également que ce changement législatif serait inévitablement permanent puisque l’amendement vise à modifier l’article du code de la santé publique relatif à l’IMG.
Suivant l’avis du rapporteur, le Sénat a rejeté cet amendement à une large majorité (87 voix pour/225 contre).
Pas d’extension du délai pour avorter
Le second amendement débattu visait à étendre le délai pour faire une IVG de 12 à 14 semaines pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire, et jusqu’à trois mois après sa cessation.
Prétextant que l’on ne pouvait pas obliger les médecins à se mettre hors la loi, Laurence Rossignol a commencé par regretter la baisse des avortements pendant la crise sanitaire (cf. La santé d’un pays se mesure-t-elle à son taux d’avortement ?). La sénatrice en a profité pour rappeler que chaque année entre 2000 et 5000 femmes partent à l’étranger pour interrompre illégalement leur grossesse après le délai de 12 semaines.
Soulignant la « constance » de Laurence Rossignol sur ce sujet (cf. Coronavirus et IVG : Laurence Rossignol demande l'extension des délais d'avortement), Murielle Jourda (LR) a rappelé à juste titre que la sénatrice avait déjà déposé il y a un an un amendement visant à élargir le délai pour avorter (cf. IVG : le Sénat revient au délai de 12 semaines). Elle reconnait ainsi que l’élargissement du délai aurait vocation à se pérenniser. Si l’amendement devait être adopté, « nous ne pourrions jamais revenir en arrière », a-t-elle précisé. Pour cette raison et parce que « c’est un débat qui ne fait pas consensus ni dans l’hémicycle ni dans la société », Murielle Jourda s’est opposé à cet amendement.
Pour Sophie Primas (LR), cet amendement pose un « problème de fond, de principe. On n’est pas en train de proroger un dispositif fiscal, on est en train de parler d’un être de 12 semaines ou de 14 semaines. 12 semaines, c’est 1/3 de la vie d’un embryon. Là on est sur cet être de 14 semaines. On peut parler de conscience. Pour moi, 14 semaines, ça commence à m’interroger profondément sur la détresse de cet enfant en devenir ». Aux antipodes de Sophie Primas, Françoise Laborde a montré un opportunisme déconcertant, expliquant qu’il fallait faire « perdurer les 14 semaines quelques temps, le temps que les médecins se reposent ». La vie humaine se joue désormais à peu de choses…
Le Sénat s’est finalement opposé à cette extension du délai pour avorter à 156 voix contre 143.
Pour aller plus loin :
Projet de loi de bioéthique au Sénat : prise de bec sur l'IMG