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«Il faudra remettre la personne au cœur du système de santé et de services sociaux», insiste l’auteur.Photo: iStock

Le modèle des CHSLD ne convient pas

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C’est dans un contexte difficile comme celui créé par la pandémie que se révèle la valeur d’un chef. On l’a vu à souhait dans le leadership remarquable exercé par le premier ministre du Québec, monsieur François Legault, et qui lui est maintenant reconnu au-delà de toute attente. Par sa simplicité, sa sensibilité aux besoins des gens, sa sincérité évidente, son courage et sa prudence, et même par ses hésitations, le chef de l’État québécois a su gagner la confiance de ses concitoyens et de ses concitoyennes et, disons-le, a su se faire aimer par eux dans une mesure que, personnellement, je n’aurais jamais imaginée possible. En outre, il n’a pas eu de mal à associer certains membres de son cabinet, comme la ministre McCann, à cette relation de confiance.

Ce leadership reconnu comporte une grande responsabilité pour l’avenir, notamment dans le domaine de la santé et des services sociaux.

Sur ce plan, deux tâches s’imposeront de façon pressante au gouvernement dans la suite de son mandat.

1. Revoir les politiques et les pratiques du Québec en matière de vieillissement de la population. Malgré ses investissements importants pour la santé et le bien-être des personnes âgées, le Québec a eu les pires résultats du Canada en matière de décès dans cette partie de la population : une véritable hécatombe dans les CHSLD. Quand on cherche la cause de ce phénomène, on la trouve rapidement dans le recours abusif du Québec à cette forme particulière d’hébergement comparativement aux autres provinces.

Cela dit, le fait de vouloir éviter une autre manifestation de pandémie ne constitue sans doute pas la raison principale pour se détourner du modèle des CHSLD.

S’il faut le faire, c’est surtout parce que ce modèle ne convient ni aux besoins de la population visée ni à ses préférences, et qu’il privilégie l’institutionnalisation au détriment des soins à domicile, qui sont moins coûteux et plus efficaces.

C’est un virage à 180 degrés qui s’impose ici, et la voie de l’avenir ne réside certainement pas dans des « maisons dorées » pour les aînés ni dans les places à 500 000 dollars.

En misant sur l’hébergement en établissement par opposition au maintien à domicile, on a fait une erreur de principe. On s’est trompé de route. Or, en pareille circonstance, plus on croit avancer, plus on s’éloigne du but.

2. Corriger les pires excès de la « réforme Barrette ». Sans vouloir personnaliser la discussion sur ce point, il reste que Gaétan Barrette a procédé à un changement structurel majeur marqué aux coins d’une centralisation à outrance, d’un autoritarisme de mauvais aloi, d’un recul majeur en matière de représentation citoyenne et de responsabilité populationnelle, de la disparition des réseaux locaux de services, notion qui était pourtant au cœur de la réforme Couillard de 2005, et de l’absence de prise en compte de la diversité des réalités locales et régionales.

Comme il fallait s’y attendre, la « réforme Barrette » a engendré de gros machins très bureaucratiques, manquant totalement de souplesse et d’efficacité. On l’a vu, par exemple, dans la difficulté à mettre en place de manière efficace le projet « Je contribue ! ».

Le gouvernement actuel n’a sans doute aucun appétit pour les changements de structures dont le réseau de la santé et des services sociaux a soupé. Il n’aura cependant pas le choix de corriger la « réforme Barrette » dans ses excès les plus graves.

Il faudra d’abord mettre en place un processus rigoureux d’évaluation du système de santé et de services sociaux selon des critères objectifs établis à l’avance en matière de qualité, d’accessibilité, d’efficacité et d’efficience. Nous avons au Québec toutes les compétences pour mettre en place un tel processus d’évaluation. L’AQESSS du temps disposait d’ailleurs de toutes ces compétences. Dans la mesure du possible, pareille évaluation devrait se faire par des experts externes. La pire erreur de la « réforme Barrette » est d’avoir fait des changements aussi graves et importants en supprimant toutes les formes d’évaluation externe de la performance du système : AQESSS, Commissaire à la santé, etc. Quand on prétend tout savoir, on peut se satisfaire de l’auto-évaluation.

En second lieu, il faudra que les gestionnaires à qui l’on confie des responsabilités soient vraiment responsables, qu’ils aient un certain pouvoir d’initiative et que leur rôle ne se limite pas à appliquer bêtement les décisions du ministre et les règles imposées par les fonctionnaires du ministère.

Surtout, il faudra remettre la personne au cœur du système de santé et de services sociaux : la personne du patient, d’abord, puis celle des milliers de personnes qui œuvrent avec compétence et dévouement au sein d’un réseau qui a beaucoup souffert au cours des dernières années. Cela s’est traduit, entre autres, par d’immenses problèmes de recrutement de personnel, problèmes mis au jour par la pandémie.

Le gouvernement actuel doit profiter du lien de confiance qu’il a su établir avec la population pour réformer le « réseau » dans le sens indiqué ici et pour corriger les pires excès de la réforme mise en place par le précédent gouvernement. Le premier ministre et la ministre de la Santé et des Services sociaux en sont manifestement capables. S’ils ont le courage de le faire et la prudence de le faire sagement en visant l’essentiel, ils pourront compter sur l’appui de la majeure partie de la population et sur le soutien des acteurs et des actrices du réseau, qui ne demandent qu’à mieux servir la population du Québec.