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Un «pet’ nat» qui se respecte est tout ce qu’il y a de brouillon et de mal léché, avec ce côté gavroche, intempestif et mal dégrossi.Photo: Courtoisie

Le «pet’ nat», la fin du prosecco à gogo?

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À l’image du vin rosé encore et toujours curieusement cantonné dans sa plage horaire s’étirant du 1er juin à midi pile au 31 août à 23 h 59 inclusivement, la bulle, elle, aime bien rebondir pour mieux se dégourdir et étourdir les esprits dans le temps des Fêtes avec du « vrai » champagne. Je n’invente rien. L’humain est ainsi fait, et ses rituels sont sacrés.

Vaste est cependant le monde des effervescents. S’ils constituent, grosso modo, 7 % des volumes produits sur la planète vin, ces turbulents pas tranquilles du tout sont légion, que ce soit par leur origine, leur style ou leur mode d’élaboration. Après tout, qu’est-ce qu’un effervescent, sinon le résultat d’une levure qui bouffe du sucre pour libérer de l’alcool, mais surtout cette occasion en or qui lui est fournie de gonfler ou non son ego sous la pression de gaz carbonique dans l’intimité d’un vase clos ?

La montée des pétillants naturels

Il relève désormais de la plus criante lapalissade d’avancer que le prosecco, qu’il soit de Conegliano ou de Valdobbiadene, est aujourd’hui plus populaire que jamais. Mais ce prosecco à gogo, trop souvent standardisé et d’une banalité à vous faire bailler un goéland d’ennui (hormis certaines versions Cartizze et Col Fondo), serait-il en voie d’être détrôné par ce pétillant naturel — le fameux « pet’ nat » pour les intimes — lors de cocktails-bobos-branchés-Zoom ou autres événements aussi éphémères que les bulles du pétillant en question ? Je n’ai pas les chiffres, désolé. Mais la tendance est bel et bien là.

La popularité du « pet’ nat » tient sans doute au fait qu’il soit une mousse démocratique, accessible à tous. Par son prix déjà, et par son style qui ne s’embarrasse pas de s’inscrire dans une quelconque rectitude politique du goût. Un « pet’ nat » qui se respecte est tout ce qu’il y a de brouillon et de mal léché, avec ce côté gavroche, intempestif et mal dégrossi. Mais ses apparents défauts sont ici perçus par ses fans comme une ode à la liberté revendiquée à la barbe de la bienséance œnologique.

En ce sens, il est l’antithèse même du champagne (320 millions de cols annuellement). Rien, mais rien à voir, par exemple, avec cette 167e édition de la Grande Cuvée de la maison Krug dont je vous entretenais ici même la semaine dernière de l’ultime raffinement. Rien à voir non plus avec le prosecco vénitien (660 millions de cols annuellement) avec qui il partage cependant la même atmosphère de pression en bouteille. En quoi réside alors son véritable attrait ?

Le pétillant naturel est élaboré selon la méthode dite « ancestrale » et est, comme son nom l’indique, « pétillant » et « naturel ». Il cadre parfaitement avec la tendance bio en ce sens qu’il n’est ni levuré, ni filtré, ni dosé, ni sulfité, ni transformé par la malolactique. Son élaboration est d’une simplicité à faire pleurer. Démarrage de fermentation dans un logement vinaire puis, hop ! transfert du jus déjà frémissant sous son gaz carbonique en bouteille scellée d’une capsule où il achèvera ses sucres.

Aucun cépage n’est exclu, ce qui ajoute à la singularité sinon à la bizarrerie ou à l’excentricité du produit, selon la perception que vous en avez. Bref, c’est sec, vivace, léger en alcool, festif, tout ce qu’il y a de digeste. À boire, même sans soif ! Quelques candidats récemment dégustés :

Tète Nat 2018, les Parcelles, Vin de France, France (22,35 $ – 13863770 – ★★★)

HB Spontané 2018, Domaine des Hauts Baigneux, Vin de France, France (24,45 $ – 13879801 – ★★★)

Parenthèse 2019, Domaine de Bergeville, Québec (25 $ plus taxes – ★★★)

What’s Up, Hervé Villemade, Vin de France, France (I.P. – 31,80 $ – ★★★ 1 / 2 — phamel@rezin.com)

Domaine de la Taille aux Loups Triple Zéro, Jacky Blot, Montlouis, Loire, France (33,25 $ – 12025301 – ★★★★)

À grapiller pendant qu’il en reste!

Les Malines 2018, Château Thieuley, Bordeaux, France (18 $ – 14369466). On les appelait à l’époque selon l’intensité de leur robe. Pas vermillon, pas rouge cerise ni rouge tout court : clairet. Peu de polyphénols mais de délicieux envols fruités et floraux sur une bouche fluide, légère et réjouissante. Du bonbon, surtout servi frais. (5) ★★ 1 / 2

Château Yvonne « La Folie » 2018, Saumur Champigny, Loire, France (29,30 $ – 11665534). Dégusté pour la 3e fois et toujours d’une suprême gourmandise ! Surtout, une expression glorieuse du grand cabernet franc au fruité frais et mûr, au velouté de texture dynamisé avec éclat, richesse et profondeur. Tout le talent de Mathieu Vallée embouteillé avec la générosité qui est la sienne. Top ! (5+) © ★★★★

Légende

(5) à boire d’ici cinq ans
(5+) se conserve plus de cinq ans
(10+) se conserve dix ans ou plus
© devrait séjourner en carafe
★ appréciation en cinq étoiles