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«Chaque dictionnaire a son propre rythme et son propre comité», dit Benoît Melançon pour expliquer les disparités entre Le Robert et Le Larousse par exemple.Photo: Olivier Zuida Le Devoir

Covid est un mot à double genre

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Covid est-il un nom masculin ou féminin ? L’un ou l’autre, nous dit la nouvelle mouture du dictionnaire Robert, qui fait son entrée en librairie.

Cette nouvelle édition reconnaît également le mot déconfinement qui nous rend une certaine liberté en temps de pandémie. Le terme est cependant tellement nouveau qu’il ne fera pas partie cette année de l’édition papier du Robert, mais apparaîtra uniquement en ligne.

On y découvre aussi la collapsologie, soit le courant de pensée annonçant une catastrophe écologique imminente et l’effondrement de la civilisation industrielle.

Le dictionnaire Larousse 2021, qui doit paraître au cours des prochaines semaines accueille entre autres quant à lui, dans la section des noms propres, celui de la danseuse et chorégraphe Louise Lecavalier et du chef d’orchestre Yannick Nézet-Séguin.

En matière de régionalismes québécois, Le Larousse a retenu nanane, qui s’écrit aussi nananne, qu’il définit ainsi : « Bonbon, (dans le langage enfantin, particulièrement) ». Mais aussi : « ensemble de choses destinées à séduire qqn, à le flatter ». Il décrit l’expression en enfant de nanane, comme voulant dire « extrêmement », alors qu’un enfant de nanane est un petit chenapan. Rose nanane veut par ailleurs dire « insignifiant et creux », selon le Larousse.

Chaque dictionnaire a son propre rythme et son propre comité— Benoît Melançon

Au sujet des deux genres, masculin et féminin, attribués au mot covid, Benoît Melançon, professeur de littérature à l’Université de Montréal, explique que le phénomène est attribuable notamment à une directive émise au début de la pandémie par l’Office québécois de la langue française de l’utiliser au féminin.

« Cela a été repris par bon nombre de médias, notamment à Radio-Canada, qui est tout de suite passée au féminin, alors que dans le reste de la francophonie, tout le monde disait le covid », dit-il.

Ça n’est que plusieurs semaines plus tard que l’Académie française a à son tour recommandé l’utilisation du féminin pour la covid (comme dans « la » maladie plutôt que « le » virus). Faisant preuve d’ouverture aux variations régionales et à l’usage, le Robert aurait finalement retenu les deux formes.

Dans le Robert, Benoît Melançon s’étonne aussi de la reconnaissance du mot baloune ou balloune, autre québécisme qui passe au dictionnaire cette année. Le Robert le désigne comme un anglicisme familier et critiqué, dans le sens de « ballon ». Partir sur une balloune est une expression très familière pour dire s’enivrer, alors qu’être en balloune signifie être enceinte.

« Pas une invasion »

Dans un texte qui accompagne la liste d’emprunts faits à différentes langues dans l’édition 2021 du Larousse, le linguiste français Bernard Cerquiglini mentionne que « 500 mots d’origine étrangère ont été introduits dans l’ouvrage en 20 ans ; environ 15 % de la néologie : ce n’est pas une invasion ». Parmi les emprunts à l’anglais, il mentionne flashmob, hipster, ou making of. Et il les distingue des mots anglais qui ont fait l’objet d’un travail d’assimilation par le français, comme coacher, gameur, ou geekette.

« Chaque dictionnaire a son propre rythme et son propre comité », dit Benoît Melançon pour expliquer les disparités entre Le Robert et Le Larousse par exemple.

Ainsi, Le Larousse reconnaît cette année le féminicide, alors que le mot est déjà dans Le Robert depuis deux ans, mentionne-t-il.

Parmi les régionalismes issus d’autres zones de la francophonie, Le Larousse a retenu le tirlibibi comme on appelle une fête foraine dans le nord de la France, et un brouteur comme on désigne un arnaqueur sur Internet en Afrique. Le Robert mentionne le mot belge douf, et mentionne qu’on dit en Belgique il fait douf comme on dit « il fait lourd ». En Suisse, un bobet est un idiot.

Parlant d’idiots, Benoît Melançon mentionne que le terme covidiot, dérivé de l’anglais covidiot, qui désigne les personnes niant l’existence de la pandémie ou refusant de se soumettre à ses consignes, n’est pas passé aux dictionnaires cette année. Il estime que les linguistes ont sans doute jugé que le phénomène ne passerait pas à l’histoire, à l’inverse du télétravail et de la distanciation sociale, en tant que mesure sanitaire.

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