CHSLD: le rôle de la CNESST et du Protecteur du citoyen
by François LeducPOINT DE VUE / Les Forces armées canadiennes ont constaté des manquements impardonnables relativement à la gestion des risques à la santé et à la sécurité aussi bien des travailleurs et des travailleuses que celle des personnes âgées en CHSLD durant la pandémie.
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Une responsabilité que Mme Marie Rinfret, présidente du Protecteur du Citoyen, devra impérativement analyser, au-delà des décisions politiques passées, est celle de la CNESST alors que la prévention et la surveillance des milieux de travail se situe au cœur de sa mission publique… depuis 1977.
De plus, depuis la fusion en 2016 de la CSST et de la Commission des normes du travail sous l’instigation de Sam Hamad, la CNESST a pour mandat contradictoire de prévenir et d’indemniser les maladies professionnelles à même les cotisations des employeurs, au même titre qu’une compagnie d’assurance, avec un budget annuel de 3 milliards $, tout en représentant l’employé injustement congédié devant le Tribunal administratif du travail.
Il est en effet surprenant de constater que, malgré les moyens financiers herculéens à sa disposition, la CNESST ait attendu au 20 avril 2020 pour lancer une campagne médiatique de grande envergure pour protéger et la santé et la sécurité des milieux de travail dans le contexte de la COVID-19 alors que la situation dans les CHSLD périclitait bien avant le 13 mars 2020.
Pourtant la CNESST dispose de moyens puissants d’enquête et de contrainte au point de pouvoir fermer en vertu de l’article 186 de la Loi sur la santé et la sécurité au travail une entreprise ou un service gravement déficient et y apposer des scellés. Une intervention systématique et régulière de la CNESST aurait alerté le gouvernement dès les premiers signaux de contagion chez le personnel soignant et les résidents devant la pénurie évidente d’équipements de protection. La demande urgente de faire intervenir l’armée serait survenue beaucoup plus tôt devant le niveau élevé de désorganisation constatée dans des CHSLD publics et privés.
Le ministre Boulet, responsable de la CNESST, est même intervenu sur les ondes de TVA le 28 avril dernier pour inviter les employés à y penser par deux fois avant de refuser de travailler ou de faire intervenir les inspecteurs de la CNESST, laissant entendre que la peur ne pouvait être un motif raisonnable aux yeux de la CNESST et que cela pouvait entraîner leur «démission».
Pourtant, pour éviter les conflits d’intérêts et pour demeurer en apparence au-dessus de la mêlée dans cette position délicate au centre des conflits sociaux, le ministre du Travail devrait respecter la règle sanitaire de la «distanciation sociale» notamment en matière d’exercice du droit de refus de travailler et ne pas dicter à la CNESST son interprétation du droit de refus.
Dépêchés en catastrophe le 25 mai 2020, deux mois après le confinement, 1 000 agents de prévention de la CNESST chez les employeurs, souvent par contact téléphonique et non par contact visuel alors qu’elle ne dispose normalement que de 300 inspecteurs, traduit bien la fragilité du colosse aux pieds d’argile qu’est la CNESST. Sa responsabilité n’en sera que plus grande si le Protecteur du Citoyen veut bien s’attarder un tant soit peu à ce volet sous-estimé de la pandémie. Nous n’étions pas en pénurie de moyens pour intervenir en amont.