COVID-19: les États-Unis franchissent le seuil tragique des 100 000 morts
by Marine Laouchez, Elodie CuzinWASHINGTON — Les États-Unis ont franchi mercredi le seuil des 100 000 décès liés au coronavirus, un chiffre attestant de l'ampleur de la tragédie dans la pays, tandis que l'Europe dévoilait un plan exceptionnel de relance de son économie qui, comme celles du monde entier, s'est effondrée sous l'impact de la pandémie.
À l'heure où l'Asie semble en bonne voie vers une sortie de crise, mais que l'Amérique du Sud s'enlise, le coût social et économique de l'épidémie, qui s'ajoute au terrible bilan humain, apparaît chaque jour davantage.
Le premier mort de la COVID-19 aux États-Unis avait été annoncé fin février. Le pays en enregistre désormais plus de 100 000 et près de 1,7 million de cas.
Le nombre de décès sur 24 heures y est reparti à la hausse, avec 1 401 décès supplémentaires enregistrés entre mardi et mercredi, après trois jours d'affilée à moins de 700 morts.
Rapporté à ses près de 330 millions d'habitants, le bilan américain, nettement en-deçà de la réalité selon des experts, est toutefois inférieur à celui de plusieurs pays européens.
À travers le monde, la barre des 350 000 morts a été franchie mercredi, dont plus des trois quarts en Europe et aux États-Unis.
«Vieux préjugés»
Dans ce sombre contexte, la Commission européenne a dévoilé mercredi un plan de relance exceptionnel de 750 milliards d'euros.
Des négociations ardues attendent désormais les 27, que la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a appelés à «mettre de côté les vieux préjugés».
Alimenté par des emprunts à grande échelle au nom de l'UE, il sera redistribué pour deux tiers en subventions et pour un tiers sous forme de prêts.
Parmi les plus touchées par la crise sanitaire, Italie et Espagne pourraient recevoir plus de 172 et 140 milliards d'euros respectivement via cet instrument.
La France serait le quatrième principal bénéficiaire, après la Pologne, avec 38,7 milliards de subventions. Paris espère un accord des 27 sur ce plan d'ici à juillet, mais prévoit des négociations «difficiles» avec les pays dits «frugaux» (Pays-Bas, Danemark, Autriche et Suède), qui y sont hostiles.
Tout en se félicitant de points positifs, le chancelier autrichien Sebastian Kurz a ainsi qualifié le plan de «base de négociations», estimant que devait être discutée la part entre subventions et prêts.
Nouvel épicentre latino-américain
En Amérique latine, le nombre quotidien de nouvelles contaminations a dépassé celui de l'Europe et des États-Unis, faisant «sans aucun doute» du continent latino-américain le nouvel épicentre de la pandémie, selon l'Organisation panaméricaine de la santé, basée à Washington.
La propagation du coronavirus «s'accélère» au Brésil, au Pérou et au Chili, souligne cette antenne régionale de l'Organisation mondiale de la santé, qui se dit «particulièrement inquiète» et appelle ces pays à ne pas relâcher les mesures destinées à ralentir les contaminations.
Le Brésil, pays de loin le plus endeuillé de la région, a franchi mercredi le seuil des 25 000 morts, dont plus d'un millier supplémentaires au cours des dernières 24 heures. Le pays compte maintenant plus de 400 000 cas confirmés.
Au-delà de son système de santé précaire et des inégalités qui rendent les populations noires et pauvres plus vulnérables face au virus, le Brésil est également miné par une véritable cacophonie politique.
Les gouverneurs des États ont pris des mesures de confinement plus ou moins strictes, souvent peu respectées par la population, tandis que le président Jair Bolsonaro ne cesse de minimiser la pandémie et d'appeler à la reprise des activités économiques pour préserver l'emploi.
Et le Pérou, deuxième pays le plus touché par la contagion en Amérique latine, a encore battu mercredi ses records de décès et contaminations, avec 6 154 nouveaux cas de contaminations à la COVID-19 en 24 heures, ce qui porte le bilan total à 135 905, soit une augmentation de 36% en une semaine. Le nombre de décès en 24 heures (195) représente aussi un nouveau record, avec un bilan total de 3 983 morts, selon le ministère de la Santé.
«J'ai vraiment honte»
Les indicateurs économiques et sociaux sont au rouge dans le monde entier.
Selon l'ONG Oxfam, la crise sanitaire pourrait précipiter 500 millions de personnes dans la pauvreté.
«Je me couvre le visage parce que j'ai vraiment honte, je n'avais jamais demandé de la nourriture», confie Jacqueline Alvarez, 42 ans, qui fait la queue avec près de 700 autres devant une association du quartier populaire d'Aluche, à Madrid, transformée en banque alimentaire.
Au Brésil, les experts s'attendent à une chute de 6 à 10% du PIB cette année et à un bond du taux de chômage jusqu'à plus de 18%.
En France, après s'être effondré d'environ 20% au deuxième trimestre, le PIB devrait se contracter de plus de 8% sur l'année, «la plus importante récession depuis la création des comptes nationaux en 1948», selon l'Institut national de la statistique.
Aux États-Unis, dont le système est ultra-décentralisé, la pandémie assèche les finances publiques de nombreux États, qui réclament l'aide du gouvernement fédéral, faute de quoi la reprise sera poussive et les conséquences sur la vie quotidienne durables.
Après l'Argentine et le Liban, qui se sont déclarés en défaut de paiement, les experts du G20 craignent que la pandémie ne provoque une contagion de défaillances chez les pays émergents, incapables d'honorer les remboursements de leurs dettes.
En Afrique du Sud, considérée par la Banque mondiale comme le pays le plus inégalitaire au monde, la pandémie a accru la misère et plongé dans le dénuement nombre des quelque 4 millions d'étrangers, la plupart en situation illégale.
Migrants et réfugiés, employés de boutiques ou vendeurs de rue ne peuvent plus travailler en raison du confinement, explique l'avocat Alfred Djanga, porte-parole de familles réfugiées à Johannesburg: «Sans papiers, ils n'ont pas d'autre choix que de faire la manche».
Les soignants éprouvés
Autre victime indirecte du coronavirus, l'état mental des soignants, soumis à une surcharge de travail et à un stress exceptionnels.
«On a tous les ingrédients d'un risque majeur de stress post-traumatique», estime Xavier Noël, expert des questions de santé mentale à l'Université libre de Bruxelles.
Ceux qui interviennent en soins intensifs «ont fait face à un taux de décès et à une manière de mourir totalement inhabituels, dans un contexte plus déshumanisé, sans la présence des familles pour les soulager sur la prise de décision», dit-il à l'AFP.
Dans une Europe où les chiffres s'améliorent chaque jour, la pression monte pour une réouverture coordonnée des frontières.
L'Italie pousse à une reprise concertée des déplacements en Europe le 15 juin, qui pourrait devenir le «D-Day» du tourisme.
En Pologne, la population ne sera plus obligée à partir du weekend de porter des masques, à condition de laisser une distance de deux mètres entre chaque personne.
Principal foyer de coronavirus en Russie, Moscou, où un confinement strict a été instauré, lèvera le 1er juin plusieurs restrictions, autorisant notamment la réouverture de certains commerces et les promenades, sous conditions.