Faut-il s’inquiéter du bilan très positif du contact tracing dans les Hauts-de-France?
Près de quinze jours après la mise en place, au sein des CPAM, des brigades de « contact tracing », chargées de pister « patients zéro » et « personnes contact », le bilan apparaît extrêmement favorable. Mais il fait craindre aussi une circulation invisible du virus.
by Publié leDepuis le 13 mai, date effective du début des enquêtes, 560 patients confirmés Covid et un peu plus de 1 500 personnes contacts (tous ceux qui ont côtoyé les patients zéro) ont été traités par les services de l’Assurance maladie dans le Nord. Dans le Pas-de-Calais, on recense près de 200 patients confirmés et environ 500 personnes contact.
Entre 2,5 et 3 personnes contact par patient zéro
Ces chiffres sont en accord avec les tendances observées à l’échelle régionale et nationale. « Depuis le lancement des plateformes, les enquêteurs sanitaires de la région Hauts-de-France ont contacté un peu plus de 1 000 personnes nouvellement contaminées et un peu plus de 2 600 personnes contacts soit près de 3 700 personnes », indique la communication de l’Assurance maladie Hauts-de-France.
Sur la même période, la CNAM a recensé environ 8 000 patients positifs, et un peu plus de 22 000 personnes contact sur la France entière.
Quel que soit l’échelon, ces données permettent d’estimer le nombre de personnes contact entre 2,5 et 3 par patient zéro. Là aussi, une très bonne nouvelle.
Des statistiques très en dessous des prévisions
Mais qui interroge aussi ? Car ces statistiques sont très en deçà des prévisions des épidémiologistes. Peu avant le déconfinement, Édouard Philippe lui-même évoquait 2 à 3 000 nouvelles contaminations par jour sur le territoire et 20 à 25 personnes contact par malade. C’est d’ailleurs ce qui a engagé l’Assurance maladie à mobiliser dans les grandes largeurs. Rien que dans les Hauts-de-France, plus de 500 agents ont été recrutés (3 000 en France) pour affronter la vague prévue de 300 patients zéro par jour.
Vague ? Vaguelette plutôt. Que sait-il passé ? « Même s’il est trop tôt pour interpréter les chiffres, rappelle l’Assurance maladie Hauts-de-France, plusieurs hypothèses pourraient expliquer le différentiel : soit l’épidémie ralentit vraiment, soit les personnes qui présentent des symptômes évocateurs du Covid ne vont pas chez leur médecin et ne se font pas dépister. » L’Assurance maladie martèle à ce titre ce message plus que décisif pour la réussite du déconfinement : « toute personne qui constate un symptôme doit aller consulter son médecin le plus vite possible ».
Des critères revus
« Nous étions plusieurs à considérer le nombre de 20 à 25 personnes contact comme surestimé. Mais pas au point de l’estimer à trois ! », réagit Pascal Crépey, épidémiologiste. Car si la généralisation du port du masque a pu réduire le nombre de personnes à risque (ce qui n’était pas prévu dans les modélisations), d’autres critères auraient dû l’augmenter, estime-t-il : comme être présent dans la même pièce qu’une personne symptomatique, ou avoir côtoyé un malade non pas un mais deux jours avant l’apparition des symptômes.
Un sous-diagnostic ?
L’interrogation n’a rien d’anodine, car aussi positive que soit la nouvelle, elle peut en cacher une très mauvaise : celle d’une circulation du virus sous les radars. L’Agence régionale de santé Hauts-de-France, qui a fait le même constat, veut s’assurer qu’il n’est pas consécutif à un sous-diagnostic. Elle a élargi depuis plusieurs jours la pratique des tests avec la mise en place d’opérations de terrain. Au commissariat de Lille, près de 1 500 policiers ont été dépistés. « À date, 646 prélèvements ont été analysés. 5 sont positifs. »
En parallèle, l’ARS a mené des consultations dans deux quartiers de Pecquencourt (près de Douai), avec des résultats « plutôt rassurants ».
L’objectif affiché est de réduire les inégalités de santé. Mais l’ARS l’avoue sans peine : ces opérations visent à « s’assurer dans les endroits où le recours au système de santé est moindre qu’il n’existe pas de circulations du virus qui auraient échappé à nos indicateurs ».
Des signaux au vert dans les Hauts-de-France, selon l’ARS
Au plus fort de la crise, le 7 avril, l’Agence régionale de santé Hauts-de-France enregistrait 583 patients Covid en réanimation et soins intensifs. La baisse est continue depuis : 538 patients le 14 avril ; 448 patients le 21 ; 390 le 28 ; 300 le 5 mai…
Le déconfinement n’a pas entamé cette tendance. De 224 patients le 11 mai, on est passé à 144 ce mardi. « Nous n’enregistrons donc pas de rebond à date », assure l’ARS.
Les résultats des tests viennent en soutien de ce constat, alors que la stratégie post-confinement a consisté à en élargir la pratique. Depuis le 11 mai, note l’ARS, 3 000 tests par jour ont été réalisés (pour une capacité d’analyse régionale de 10 000 tests par jour).
« Le taux de positivité est stable depuis le 11 mai, entre 2 et 3 %. À titre de comparaison, le taux de positivité était mi-avril de l’ordre de 20 %. »
Cela suffira-t-il pour voir les Hauts-de-France passer du rouge au vert sur la carte du déconfinement ce jeudi ?