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Photo d'illustration. / DR

Maroc : Les médecins du public dénoncent leurs conditions de travail

Mobilisés en première ligne contre la pandémie du nouveau coronavirus, les médecins du secteur public ont dénoncé des restrictions de déplacements dont certains font face, surtout ceux dans les zones reculées. Ils appellent aussi à l’abolition d’un décret les obligeant «travailler jour et nuit», faute de remplaçants. Temps de lecture: 3'

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Le Syndicat indépendant des médecins du secteur public (SIMSP) a évoqué cette semaine des cas de médecins «souffrant en silence» à cause notamment de certaines restrictions qui leurs sont imposées.

Dans un communiqué le 25 mai, le syndicat a estimé que «des centaines de cadres médicaux, en particulier ceux avec des spécialités rares, comme la réanimation et certains types de chirurgies, et qui sont mobilisés depuis plus de trois mois dans les différentes régions, loin des zones de résidence de leurs parents, vivent dans des conditions particulières, parfois déplorables».

Et de dénoncer le fait qu’ils ne bénéficient pas du système de garde, faute de présence d’un certain nombre de cadre. «Ils travaillent ainsi jour et nuit, en l'absence d'alternative pour bénéficier du repos biologique nécessaire», écrit le SIMPS. Le communiqué dénonce également des mesures prises dans le cadre de l’urgence sanitaire qui entravent la liberté de circulation de ces médecins.

La pénurie de médecins dans les zones reculées

Le syndicat dit aussi suivre de près des tentatives de suicide dans les rangs de médecins, actuellement sous suivi médical. «Cela pousse à se mobiliser pour prévenir avant qu’il ne soit trop tard, en accélérant la cadence de la réforme du secteur public dans son ensemble», précise-t-on.

Contacté par Yabiladi, le docteur Al Mountadar El Alaoui, le président du SIMPS explique davantage les conditions de travail devenues intenables. «A titre d’exemple, il existe 300 médecins affectés à la réanimation dans le secteur public, et environ 350 médecins dans le secteur privé. Dans certaines villes, il y a donc un seul médecin de réanimation, ce qui augmente le stress psychologique sur cette catégorie», explique-t-il C’est dans ces cas de figure où des praticiens se retrouvent «obligés de travailler jour et nuit de manière obligatoire, sachant qu’il n'y a personne d'autres pour mener des gardes».

«L’Etat a déterré un vieux décret sur le gardiennage déplacé pour rendre ce travail obligatoire sans compensation», dénonce-t-il, rappelant qu’en cas d'erreur médicale, «un médecin se retrouve devant les tribunaux».

«Cette situation, qui prévalait bien avant la pandémie de coronavirus, s’est accentuée avec la crise sanitaire. Aujourd’hui, les médecins sont soumis à une pression psychologique de l'administration, au point que nous avons enregistrés des cas de suicide.» Al Mountadar El Alaoui

L’abolition du système de gardiennage et de service obligatoire

Le praticien évoque «cinq tentatives de suicide, ayant causé à ces médecins et à leur entourage professionnel des séquelles psychologiques» ainsi que le suicide d’un médecin. Il dénonce aussi des «restrictions de voyage, alors que les commerçants peuvent circuler librement». «Rien qu'aujourd'hui, dans la province de Fès Boulemane, un gynécologue a souffert d'un burn out, car cela fait plus de trois mois qu'il travaille, sans repos. Il vient d'être hospitalisé», déplore-t-il. 

«Suite à la pandémie du coronavirus, nous avons fait preuve de responsabilité et de patriotisme, en gelant les démissions qui ont atteint 1 301 signataires», rappelle Al Mountadar El Alaoui pour qui les médecins du secteur public sont «satisfaits de la reconnaissance par les citoyens des services fournis par le secteur médical public actuellement». «Il y a une reconnaissance des Marocains, une sorte de confiance nous revient mais nous attendons la reconnaissance du gouvernement et qu’il réponde à nos revendications afin que nous puissions travailler confortablement», ajoute le syndicaliste.

Ainsi, il suggère de mettre en place des incitations aux médecins du secteur public, car le secteur «loin d'être attrayant est devenu même répulsif». «Nous voulons que le nombre de médecins soit suffisant, notamment dans les zones reculées, la mise à disposition de matériel médical adéquat ainsi que l’annulation du décret de gardiennage qui est inhumain», conclut-il.