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Cent ans de Dunlop à Montluçon : la nuit où les Anglais ont rasé leur usine

Dans la nuit du 15 au 16 septembre 1943, les Alliés ont fait pleuvoir une nuée de bombes sur l’usine Dunlop de Montluçon. Une cinquantaine d’habitants sont morts.

Objectif Dunlop est le livre référence sur le bombardement de l’usine de Montluçon en 1943. Publié en 1993, on ne le trouve plus que chez les bouquinistes, ce qui lui donne parfois l’avantage d’avoir été annoté.

Sur un exemplaire dégoté à Montluçon, on trouve ce témoignage, écrit au stylo-plume par un inconnu dont on sait simplement qu’il habitait le centre-ville de Montuçon pendant la guerre :

Cette nuit-là, j’ai été réveillé par ma femme. Je lui ai demandé de me laisser dormir, que tout ce bruit n’était qu’un orage. Devant son insistance, j’ai ouvert les volets. Surprise?! Vers le nord, il faisait aussi clair que le jour. Habillés à la hâte, nous sommes partis nous mettre à l’abri sous la colline supportant le vieux château
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Une cinquantaine de personnes tuées

Le soir du 15 septembre 1943, à partir de 23?h?30, les Alliés ont mené pour la première fois un bombardement aérien dans la zone sud de la France. Leur cible : l’usine Dunlop de Montluçon. En trente-cinq minutes, les bombes de plus de trois cents avions ont détruit la quasi-totalité des bâtiments du site, ont tué une cinquantaine de personnes dans la région de Montluçon, ont blessé plus de cent cinquante autres et ont fait quelque trois mille sinistrés.

Une usine dont profitait l'Allemagne nazie

Pourquoi les Britanniques ont-ils ciblé une usine de pneumatiques, qui plus est de marque anglaise?? En 1943, ses quatre mille ouvriers produisaient en une journée sept à huit cents pneus poids lourds, trois à quatre mille pneus tourisme et motos, et cent pneus avions. Des productions qui profitaient à l’Allemagne nazie.

Les experts britanniques avaient établi que l’arrêt de l’activité de l’usine Dunlop de Montluçon entraînerait une baisse de 14 % de la production totale de pneus automobiles de l’Axe, ainsi qu’une diminution conséquente des pneus d’avions, souligne Claude Grimaud dans son livre, pour lequel il a compulsé des documents classés à une époque top secret.

Qui sont les victimes du bombardement

Cent cinquante ouvriers de l’équipe de nuit travaillaient au sein de l’usine quand le déluge de feu s’est abattu. Seulement six ont trouvé la mort. Un miracle quand on sait que cent trente-trois cratères ont été répertoriés sur le site.

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La campagne environnante a été criblée de plus de cinq cents autres cratères, alors que consigne avait été donnée d’épargner la population. La moitié se sont concentrés sur le village de Tizon, à Saint-Victor.

La raison est à trouver dans une erreur de guidage : pour larguer leur cargaison, les bombardiers étaient aidés par d’autres patrouilles qui envoyaient des marqueurs de couleur qui tombaient en cascade sur la cible. Mais non seulement des marqueurs ont été lâchés par erreur sur le village de Tizon, mais une fumée noire s’est très vite élevée au-dessus de l’usine Dunlop, cachant les différents repères. Au lendemain de l’attaque, ce petit village était lunaire.

Des bombes explosives sont également tombées sur la ville de Montluçon même, rue Paul-Constans, au lycée (aujourd’hui collège Jules-Ferry), sur la Sagem, et toute la partie nord de la cité Dunlop était en feu.

« Les Allemands ne s’attendaient pas à un tel raid sur la ville »

Pour les Britanniques, cette expédition s’est révélée un succès. L’usine était un amas de ruines et de ferrailles et seuls quatre avions ne sont pas revenus à la base. Il faut dire que l’opération n’était pas risquée. Les Allemands ne disposaient que de quatre ou cinq unités de batteries antiaériennes à Montluçon, pas de quoi inquiéter. « Il était incontestable que les Allemands ne s’attendaient pas à un tel raid sur la ville », note Claude Grimaud.

Une propagande à pied d'oeuvre après les bombes

Dans les jours suivants, l’État français a fait tourner à plein régime la propagande : « Les journaux publieront obligatoirement sur une colonne au minimum, la dépêche “L’attaque aérienne du 15 septembre. Comment les hameaux de la région de Montluçon furent systématiquement bombardés par les aviateurs anglais” », peut-on lire dans une des pépites que contient le livre de Claude Grimaud.

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Dès le lendemain de l’attaque, le Maréchal Pétain s’est rendu à Montluçon pour rencontrer les blessés et visiter la chambre de commerce et d’industrie, où une chapelle ardente avait été dressée, et a fait un don de 100.000 francs aux sinistrés. Avec l’arrêt de la production, huit cents femmes ont été mises au chômage et la moitié des hommes ont été employés à la reconstruction.

« Ces trente-cinq minutes sont avec le massacre de la carrière des Grises un des événements les plus importants de la période de l’occupation aux yeux des Montluçonnais », commente Claude Grimaud.

Guillaume Bellavoine
(avec collections de photos de Thomas Molinatti)