Afghanistan : un cessez-le-feu en échange de libérations de prisonniers
Décrétée par les talibans, la trêve tenait toujours mercredi. Le gouvernement a relâché 900 détenus insurgés.
by Luc MathieuPour la deuxième fois en dix-neuf ans de guerre, un cessez-le-feu a été instauré en Afghanistan. Annoncé par les talibans, et accepté par Kaboul, il devait durer trois jours pour les fêtes de l’Aïd, jusqu’à mardi soir. Il se poursuivait mercredi après-midi. «Nous espérons que les talibans prolongeront le cessez-le-feu pour que nous puissions démarrer le processus de paix», a déclaré le porte-parole du Conseil national de sécurité, Javid Faisal. Le futur dépend de la prochaine décision des talibans.»
Les insurgés n’ont pas répondu officiellement. Mais ils n’ont pas commis d’attaque majeure contre les forces de sécurité afghanes mercredi, alors qu’elles étaient quotidiennes ces dernières semaines. Un revirement qui tient à une concession majeure du gouvernement central. Sur la seule journée de mardi, environ 900 prisonniers talibans ont été libérés des prisons de Bagram, où sont déployés des soldats américains, et de Pul-i-Charki. Transportés en bus jusqu’à Kaboul, ils ont reçu l’équivalent de 60 euros pour rentrer chez eux en taxi. Au total, Kaboul s’est engagé à libérer 2 000 détenus insurgés.
Négociations inter-afghanes
«La libération de 900 prisonniers est un progrès. Si dieu le veut, l’émirat islamique [le nom officiel des talibans, ndlr] relâchera bientôt un nombre significatif de prisonniers», a réagi sur Twitter Suhail Shaheen, porte-parole du mouvement. Ces échanges font partie de l’accord signé fin février entre les talibans et les Etats-Unis. Celui-ci prévoyait la libération d’un maximum de 5 000 insurgés et de 1 000 soldats et policiers afghans avant le 10 mars. Ensuite, des négociations dites inter-afghanes, entre Kaboul et le mouvement insurgé, pouvaient débuter.
Mais le gouvernement central n’a pas été associé aux négociations. Il a été mis devant le fait accompli quelques jours avant leur clôture à Doha, au Qatar. Le président Ashraf Ghani a dans un premier temps refusé de procéder à des libérations, arguant que celles-ci devaient être discutées entre les deux parties. Les talibans ont décliné, estimant qu’elles étaient un préalable à l’ouverture des négociations avec le gouvernement. Ghani a peu à peu lâché. Environ 1 000 talibans ont été libérés avant le début du cessez-le-feu. Les dirigeants du mouvement continuent à réclamer l’élargissement de 5 000 détenus.
Retrait total
Ils ont en revanche obtenu ce qu’ils exigent depuis 2005 : le départ des forces américaines. Leur retrait s’est même accéléré par rapport au calendrier fixé à Doha. Seuls 8 600 soldats sont toujours présents en Afghanistan, un seuil qui aurait dû être atteint en juillet. Ils étaient environ 13 000 en début d’année. Mardi, le président américain, Donald Trump, s’est à nouveau dit en faveur d’un retrait total. «Nous sommes là-bas depuis dix-neuf ans, et oui, je pense que cela suffit. Nous pourrons toujours y retourner si nous le décidons.»