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Le consortium chargé du développement de l’application allemande de traçage, regroupant SAP et Deutsche Telekom, a accompli la moitié du travail.
© Sipa Press

Coronavirus: l’Allemagne à la traîne pour son application de traçage

Les défenseurs des libertés numériques réclament le vote d’une loi qui exclut toute contrainte et tout avantage associé à l’utilisation de l’application

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L’application de traçage des malades du Covid-19 est annoncée seulement pour la fin juin en Allemagne par le consortium regroupant SAP et Deutsche Telekom. L’opposition et des défenseurs des libertés numériques réclament un encadrement législatif, pour l’instant écarté par la grande coalition d’Angela Merkel.

En Allemagne, l’application de traçage des malades du Covid-19 sera disponible au plus tôt à la fin juin. Le consortium chargé de son développement, regroupant le groupe informatique SAP et Deutsche Telekom, estime avoir accompli la moitié du travail. Il vise une introduction avant les premiers départs en vacances scolaires d’été. Le temps pris pour sa conception, alors que 40 pays se sont déjà dotés d’une telle solution pour prévenir la diffusion de l’épidémie, exaspère le président du Bundestag Wolfgang Schäuble. « Nous aurions eu besoin d’une application de traçage du coronavirus, et naturellement le mieux aurait été une application européenne, dès le début de la pandémie », s’est-il ému dans le journal Welt am Sonntag le week-end dernier.

Le tempo doit beaucoup au revirement du gouvernement allemand pour le choix de la technologie de la fameuse application. Fin avril, Berlin a tourné le dos du jour au lendemain à l’initiative européenne PEPP-PT. L’opposition de Google et Apple à fournir une plateforme fonctionnant avec un stockage centralisé a pesé lourd dans la décision du gouvernement d’Angela Merkel. A la différence de la solution retenue en France, la technologie des géants américains facilite une interopérabilité avec d’autres applications de traçage à l’étranger. La chancelière chrétienne-démocrate devait aussi faire face à de vives critiques sur la centralisation des données. Pour des raisons historiques, le pays est très sensible sur toutes les questions touchant à la surveillance de la population par l’Etat.

Juge administratif et spécialiste des libertés numériques, Malte Engeler considère le choix d’un stockage décentralisé et anonymisé comme le « moindre mal » par rapport aux autres options sur la table. Néanmoins le juriste ne se satisfait pas d’un engagement à utiliser l’application sur la base du volontariat comme le promet le gouvernement de grande coalition.

« A la merci de l’Etat ». Avec d’autres défenseurs des libertés numériques, M. Engeler plaide pour le vote d’une loi encadrant l’utilisant de l’application. « Le règlement général sur la protection des données dit en substance que si l’Etat veut traiter des données, il ne peut le faire sur la base d’un consentement, car les citoyennes et citoyens se considèrent à la merci de l’Etat », invoque l’expert. Il préconise un texte qui exclut toute contrainte et tout avantage associé à l’utilisation de l’application. « Si on y lie des privilèges, comme retourner plus tôt à l’école, être prioritaire pour faire ses courses ou prendre l’avion, on ne parle plus de consentement volontaire. » L’application StopCovid en France intègre notamment ce garde-fou.

Un passage par le parlement devrait aux yeux de M. Engeler encadrer strictement l’utilisation des données à la lutte contre le coronavirus : « nous craignons que cette infrastructure, qui permet de tracer les contacts d’une personne, survive à la pandémie. »

Dans l’opposition, les écologistes réclament, avec une argumentation similaire, l’adoption d’une loi. Mais la majorité droite-gauche derrière Mme Merkel écarte cette éventualité pour le moment. Le SPD se dit prêt à discuter d’une loi si les données accumulées devaient être transmises aux autorités sanitaires.

L’utilité de l’application est par avance nuancée par différents responsables politiques. A droite comme à gauche, on considère plus important le respect des mesures de distanciation sociale ou le maintien de larges capacités de test.