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Un vol de Southwest Airlines à destination d'Orlando, en Floride, dimanche 24 mai.
© Sipa Press

Boeing et Airbus étudient comment le coronavirus se comporte pendant un voyage en avion

Le secteur aérien cherche à limiter les risques sanitaires qui ont cloué au sol l’essentiel de la flotte mondiale

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Boeing et Airbus étudient le comportement du coronavirus à l’intérieur des avions alors que le secteur aérien cherche à limiter les risques sanitaires qui ont cloué au sol l’essentiel de la flotte mondiale.

Les avionneurs vont réunir des universitaires, des ingénieurs et des experts médicaux qui plancheront sur les mesures prises pour empêcher la transmission du virus dans les appareils, ont indiqué les entreprises et des sources proches du dossier.

Destinés à mieux appréhender les risques liés au transport aérien pendant la pandémie, cette initiative intervient au moment où les compagnies aériennes tentent de rassurer des passagers inquiets et de les convaincre que les masques et la filtration de l’air dans les cabines les protègent efficacement d’une contamination en vol. Le trafic aérien mondial s’est effondré avec la fermeture des frontières et l’interdiction de voyager.

Boeing travaille sur des modèles informatiques qui simulent l’environnement d’une cabine et qui pourraient aider les compagnies aériennes à mieux prévenir la propagation du virus

Boeing a indiqué travailler sur des modèles informatiques qui simulent l’environnement d’une cabine et qui pourraient aider les compagnies aériennes, les autorités sanitaires et les régulateurs à mieux prévenir la propagation du virus. « Nous prenons des mesures pour mieux comprendre les risques », a déclaré un porte-parole.

De son côté, Airbus a précisé qu’il échangeait des informations avec des universités américaines et d’autres pays. Ses ingénieurs étudient également de nouvelles méthodes de réduction de la propagation du virus, notamment des matériaux autonettoyants, un désinfectant efficace pendant au moins cinq jours et des appareils sans contact dans les toilettes, a détaillé l’avionneur européen.

La FAA, l’autorité américaine de l’aviation civile, a contacté Boeing, Airbus et les experts des CDC, les centres américains pour le contrôle et la prévention des maladies, pour évaluer les risques encourus par les voyageurs et les moyens de les atténuer, ont rapporté des sources proches des discussions. Le régulateur soutient depuis des années les recherches sur l’évaluation et la réduction des vapeurs de kérosène et de pétrole dans les cabines, mais ces efforts n’ont pas formellement été étendus au comportement du coronavirus à l’intérieur des avions, a précisé l’une de ces personnes.

Les CDC ont indiqué que leurs experts avaient participé à une conférence téléphonique avec la FAA et Boeing consacrée aux recommandations en matière de COVID-19 et de voyage.

Si les systèmes de ventilation des avions et la manière dont certains agents pathogènes peuvent se diffuser en vol sont bien connus, les chercheurs expliquent qu’ils continuent d’en apprendre sur le comportement du coronavirus.

« Il y a beaucoup d’inconnues à l’heure actuelle », résume John Scott Meschke, microbiologiste et enseignant à la faculté de santé publique de l’université de Washington, qui planche sur des questions posées par Boeing au sujet de la propagation du virus.

Le régulateur américain soutient depuis des années les recherches sur les vapeurs de kérosène et de pétrole dans les cabines, mais ces efforts n’ont pas été étendus au coronavirus

Les voyageurs revenant progressivement à bord des avions, la question est de plus en plus pressante. Les compagnies aériennes ont déclaré que les réservations commençaient de repartir après des semaines de demande quasi nulle. Après avoir réduit leur offre de parfois 90 %, elles rouvrent peu à peu des vols. Vendredi dernier, avant le week-end de Memorial Day (le lundi 25 mai était férié aux Etats-Unis, NDLT), l’agence américaine de sécurité des transports a contrôlé quelque 349 000 personnes : 88 % de moins qu’il y a un an, mais un record depuis mars.

Parmi les efforts envisagés par Boeing figurent notamment des bourses pour des universitaires qui travaillent sur ces questions, ont indiqué des sources proches de l’avionneur américain. Boeing a déclaré qu’il travaillait sur de nouvelles technologies destinées à renforcer la sécurité, par exemple en utilisant des lampes à UV pour la désinfection ou des revêtements antimicrobiens sur les surfaces fréquemment touchées.

L’avionneur a fait part de son intérêt pour un projet de l’université du Colorado qui pourrait permettre de déterminer la dose d’UV nécessaire pour désinfecter les avions entre les vols, a déclaré Karl Linden, professeur en ingénierie environnementale en poste à Boulder. « Ils veulent aller très très vite », a-t-il précisé.

Lutter contre le coronavirus en vol est une gageure parce que transport aérien commercial et distanciation sociale sont incompatibles, estiment certains experts. Si les chercheurs sont globalement d’accord pour dire que l’air des cabines, fréquemment renouvelé, et les filtres robustes suppriment effectivement les agents pathogènes, ils ne sont d’aucune utilité pour un passager assis à côté d’un malade qui tousse.

« La distanciation sociale est impossible dans un avion », déplore Qingyan Chen, professeur en ingénierie à l’université Purdue qui a récemment abordé la question avec Boeing.

Les études réalisées sur les précédentes épidémies, notamment le SRAS et la grippe aviaire, suggèrent que les passagers assis à côté d’une personne malade sont ceux qui sont les plus à risque. Pour les experts, le fait que les compagnies aériennes demandent à leurs clients de porter des masques devrait considérablement réduire le risque qu’ils propagent le virus en toussant, en éternuant ou en parlant.

Depuis début mai, les compagnies américaines exigent des passagers qu’ils couvrent leur visage pendant le vol et à d’autres moments, notamment lors de l’enregistrement. Mais il n’existe aucune règle sectorielle et certaines compagnies estiment qu’elles ne peuvent pas faire grand-chose si les passagers refusent de garder leur masque.

« Si tout le monde porte un masque, presque rien ne circule dans l’air », explique Linsey Marr, professeure en ingénierie à Virginia Tech récemment contactée par Airbus pour des informations sur le sujet. Les vols les plus longs sont ceux où le risque d’exposition est le plus élevé, surtout si les passagers retirent leur masque.

Selon les CDC, le virus se propage principalement d’une personne à une autre par les gouttelettes expulsées par la toux, les éternuements ou la parole, dans un rayon d’environ deux mètres. Charles Haas, professeur en ingénierie environnementale à l’université Drexel, estime qu’il faut faire davantage de recherches pour savoir si les particules en suspension dans l’air d’un avion ou d’un autre espace fermé peuvent diffuser le virus au-delà de ces deux mètres.

Les compagnies aériennes ont renforcé leurs efforts de nettoyage, désinfectant toilettes, tablettes et sièges entre les vols. Certaines distribuent même des lingettes aux passagers. Les CDC ont indiqué que la transmission par contact avec une surface contaminée était possible, mais qu’il ne s’agissait pas du principal mode d’infection.

L’autorité canadienne de santé publique a étudié la santé du personnel navigant et de 25 passagers assis près d’un malade en janvier et n’a trouvé aucune preuve de transmission

L’Association internationale du transport aérien (IATA) a recueilli des témoignages de personnels navigants ayant contracté le coronavirus sur leur lieu de travail, mais a précisé que, sur les 18 grandes compagnies récemment interrogées, aucune n’avait recensé de soupçon de transmission entre passagers. L’enquête de l’IATA a révélé trois épisodes potentiels de contamination de membres du personnel par des passagers malades en vol entre janvier et mars, et quatre cas de transmission possible d’un pilote à un autre avant, pendant ou après le vol.

De son côté, l’autorité canadienne de santé publique a étudié l’état de santé du personnel navigant et de 25 passagers assis près d’un malade en janvier et dit n’avoir trouvé aucune preuve de transmission. En France, des chercheurs pensent qu’un malade aurait pu voyager depuis la République Centrafricaine en février. Une autre étude récente lie certains cas en Chine à une transmission pendant un vol.

Les dirigeants des compagnies aériennes affirment qu’ils mettent tout en œuvre pour réduire ce risque. Outre les masques, l’embarquement et le débarquement ont été réorganisés pour limiter au maximum les contacts. Southwest Airlines Co. ou Delta Air Lines Inc., par exemple, laissent des sièges vides et ne remplissent pas totalement leurs appareils. Gary Kelly, directeur général de Southwest, a précisé que des filtres et de nouvelles mesures de nettoyage avaient permis de renforcer la propreté et la sécurité des cabines.

« Quoi que l’on fasse, ce ne sera jamais parfait, a-t-il déclaré lors d’une interview. Mais je pense que, compte tenu des circonstances, nous faisons du très bon travail. »

—Andy Pasztor et Benjamin Katz ont contribué à cet article.

Traduit par Marion Issard.