Covid-19 : cours et examens à distance accentuent les inégalités entre étudiants
by Jean-François NouletDepuis mi-mars, les étudiants des hautes écoles et des universités de Belgique ont été obligés de déserter les bâtiments des établissements académiques. Plus d’accès aux salles de cours, plus d’accès aux bibliothèques, le confinement s’est imposé à tous, à la maison en famille ou en kot. Les cours à distance sont devenus la norme. Et à présent, ce sont les examens qui se profilent, à distance eux aussi. Des étudiants ont déjà témoigné de leurs difficultés à suivre les cours et étudier de chez eux. Des professeurs aussi s’interrogent. C’est le cas de Renaud Maes, professeur aux facultés Saint-Louis et à l’ULB. Il scrute les difficultés rencontrées par ses étudiants depuis le début du confinement.
Renaud Maes, sociologue et enseignant, s’intéresse au sujet depuis plusieurs années. Dans le cadre de sa thèse, il avait déjà comparé les conséquences de l’enseignement à distance sur les étudiants, en comparant la situation chez les étudiants issus de milieux favorisés et chez d’autres provenant de milieux précarisés.
Aujourd’hui, le confinement imposé et tous les changements qu’il a générés dans la vie des étudiants lui offrent l’occasion de prolonger son travail d’observation. Il effectue actuellement une étude longitudinale sur ses étudiants, du début du confinement aux examens de fin d’année.
Les examens à distance augmentent la difficulté pour les étudiants plus précarisés
Ces examens s’inscrivent dans la continuité de cours donnés en ligne. Selon Renaud Maes, toutes les études menées par ses collègues à l’ULB, Saint-Louis ou à l’UCL montrent qu’il y a un souci pour les étudiants issus de milieux moins favorisés. Le décrochage est important. C’est singulièrement vrai pour les étudiants qui n’ont pas d’espace d’étude spécifique car ils ont beaucoup de frères et sœurs et sont dans un logement relativement petit. " C’est une population d’étudiants qui est en décrochage depuis plusieurs semaines. On arrive aux examens avec des étudiants qui ne peuvent pas objectivement les réussir. On le sait. A partir du moment où on leur fait passer ces examens en ligne, on va entériner une discrimination de fait liée au mode même d’apprentissage ", explique Renaud Maes.
Parmi les élèves qui sont aussi en plus grande difficulté, on trouve les étudiants adultes qui ont repris des études. S’ils ont des enfants confinés avec eux, il leur est plus compliqué de se concentrer sur leurs études et de rester efficace à distance. Des difficultés aussi pour les étudiants qui travaillent en parallèle. Parfois, ce travail est devenu du télétravail, avec le risque qu’il déborde davantage sur la vie privée que le travail réalisé sur site.
On considère qu’environ un tiers des étudiants voient leurs difficultés augmenter lorsqu’il s’agit d’étudier à distance.
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Une deuxième difficulté pour ces élèves est liée aux méthodes et aux logiciels utilisés. " Les dispositifs technologiques utilisés ne sont pas forcément maîtrisés ni par les étudiants ni par les enseignants, sans qu’il y ait eu réellement de possibilité d’appropriation complète des outils ", explique Renaud Maes. Il évoque aussi la dépendance au matériel utilisé. Telle université a connu une panne de logiciel, d’autres ont rencontré des problèmes d’accès. " Tout cela génère un stress pour les étudiants et les enseignants qui est complètement négatif en termes de capacité de réussite et d’évaluation. Ce qu’on arrive à évaluer, c’est la capacité de résistance au stress de certains étudiants et la qualité du réseau dans certaines communes et plus du tout un travail sur le fond et la matière ", poursuit Renaud Maes.
Et le sociologue de s’interroger : était-il incontournable d’organiser des examens à distance vu ce contexte et considérant les difficultés rencontrées par toute une frange de la population estudiantine? Pour lui, ce n’aurait pas été forcément une nécessité.