Des fromages jetés hier ne le seraient plus aujourd'hui selon les nouvelles normes
Ces changements annoncés concernent les critères relatifs à la présence de listéria dans certains produits fabriqués à la ferme, en particulier les fromages frais à base de lait cru (exemple : la traditionnelle maquée).
Ces changements annoncés concernent les critères relatifs à la présence de listéria dans certains produits fabriqués à la ferme, en particulier les fromages frais à base de lait cru (exemple : la traditionnelle maquée).
La listéria est une bactérie qui peut se révéler mortelle pour l’homme et comme elle peut rapidement se développer dans les produits à base de lait cru, c’était la tolérance zéro qui était jusqu’ici exigée par l’Afsca sur les fromages fermiers.
Une exception était toutefois possible, mais, c’était au producteur de démontrer qu’une certaine limite (100 UFC/g (Unité Formant Colonie par gramme)) ne serait pas dépassée pendant la période où le fromage peut être consommé. Les petits producteurs cependant avaient rarement les ressources pour prouver que ce taux ne serait pas dépassé durant la date limite de consommation de leur fromage.
Lors de présence avérée de listéria, aussi minime soit-elle, dans des productions de fromages, des lots complets finissaient à la poubelle. Aujourd’hui, avec des critères plus souples, ils auraient pu être consommés.
La listéria qui donne la listériose
La listéria est à l’origine de la listériose, une infection souvent d’origine alimentaire, potentiellement grave voire mortelle chez certaines populations à risque, comme les femmes enceintes, les personnes âgées, les enfants ou encore les personnes immunodéprimées.
En Europe, la listériose, est l’une des maladies les plus mortelles liées à une intoxication alimentaire.
Nous précise Stéphanie Maquoi, porte-parole de l’Afsca (l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire).
" Parmi les produits à risque se trouvent notamment des produits crus tels que le lait cru, du fromage à base de lait cru, du poisson cru, des légumes crus et en général les denrées qui n’ont pas été assez chauffées. " détaille le communiqué du cabinet de Denis Ducarme, ministre en charge entre autres, de l’Agriculture.
Une étude, un avis scientifique, une circulaire
Une étude scientifique financée par l’Afsca démontre qu’au-dessous d’un certain plafond, la présence de la Listéria dans certains fromages fermiers ne présente pas de risque de se développer et de représenter un danger pour l’homme.
Suite à cette étude, le Comité scientifique indépendant institué auprès de l’Afsca a rendu un avis qui permet aujourd’hui d’assouplir les règles de contrôles chez les producteurs tout en continuant à garantir la santé du consommateur. " Si on sait que dans ces produits-là, la listeria, elle va se développer mais dans une limite acceptable pour la sécurité alimentaire, des consommateurs, c’est tout bénéfice pour le consommateur et pour le producteur." explique Stéphanie Maquoi.
Qu’est-ce qui va changer ?
Avant, un fromage fermier était considéré comme sûr lorsque le contrôle réalisé avant de quitter l’atelier de fabrication mettait en évidence une absence totale de bactérie dans un échantillon de 25 grammes. D’ici quelques jours, une tolérance sera cette fois admise.
Le Ministre Denis Ducarme adressera une circulaire aux producteurs agricoles pour les en informer. "Pour les fromages frais avec un pH inférieur à 5, la limite de 100 UFC/g (Unités Formant Colonies par gramme) sera désormais appliquée en lieu et place du critère " non détecté en 25 grammes " qui prévalait auparavant. Le producteur devra effectuer pour chaque lot de produit final une mesure de l’acidité (ndlr : pH) et l’enregistrer à des fins de contrôle.", reprend le communiqué du ministre Denis Ducarme.
Nous avons contacté plusieurs producteurs de fromages qui travaillent le lait cru. A l’annonce de ces changements, certains sont très dubitatifs, et préfèrent attendre de voir avant de se prononcer. D’autres s’expriment, sans hésiter, tant ces normes les ont déjà inquiétés. " Pour les fromages frais, c’est positif. " s’exprime Julien Artoisenet, producteur de fromage frais à base de lait cru de brebis, en région namuroise. Mais, il ajoute : " Oui, mais le coût de ces mesures d’acidité ?"
Si le producteur doit faire analyser le pH pour chaque lot produit, cela va se chiffrer en centaines d’euros à la fin de l’année !
" Par exemple, nous faisons deux fabrications de fromages frais par semaine, ça en fait une centaine par an et une analyse de pH coûte entre 5 et 10 euros. ", soit un surcoût estimé par cet éleveur de brebis, entre 500 et 1000 euros.
Autre "Oui, mais…"
Cet assouplissement ne s’applique pas à tous les produits fermiers à base de lait cru.
Il ne concerne pas les fromages à pâte molle, comme le très connu fromage de Herve à croûte lavée, ni les fromages à pâte mi-dure. Pour ces types de produits, c’est toujours la tolérance zéro sauf "si le producteur peut démontrer qu’aucune croissance supérieure à la limite de 100 UFC / g n’est possible pendant la durée de conservation." reprend le communiqué du ministre de l’Agriculture. Il n’y a donc pas d’assouplissement pour ces fromages (pâte molle, pâte demi-dure, pâte dure).
Un gaspillage lié à l’ancienne norme trop sévère
On m’aurait mis cette tolérance-là, quand j’ai eu la listéria et bien, je n’aurais rien jeté !
Témoigne une productrice de fromage qui veut rester anonyme.
Julien Artoisenet, un autre producteur de fromage frais à base de lait cru a vécu la même histoire. Nous avions relaté à l’époque sa mésaventure. " On a fait l’expérience l’année dernière. On a eu un contrôle de l’Afsca qui était positif. On était à moins de 10 unités (ndlr : UFC/g) et notre pH était à 4,7. On a fait deux fois des tests. On nous a demandés de tout jeté. On en a eu pour 6000 euros de frais. C’était un gros coup dur l’année dernière. "
Aujourd’hui, avec cet assouplissement de la norme, ce producteur ne devrait plus jeter sa production avec un taux si bas de listéria.
Un bon début
Julien Artoisenet se réjouit donc de cette avancée. " Nous, producteurs, on trouve ça bien, mais on trouve que ça ne devrait être qu’un début. Si, comme le dit le ministre Ducarme, l’Afsca n’est pas là que pour sanctionner mais aussi pour soutenir et accompagner les petits producteurs, alors qu’ils continuent, sur la même lancée, ce n’est pas avec une étude qu’ils vont résoudre tous les problèmes. "
Pour les fromagers qui travaillent avec le lait cru, comme Julien, il y aurait d’autres dossiers (comme la fièvre Q) qui mériteraient des mises à jour et de nouveaux avis scientifiques.
Il y aurait encore des aberrations à corriger. Du gaspillage de production, d’argent et d’énergie pourrait encore, selon certains producteurs, être évité à l’avenir.
Valéry Mahy