Conquête spatiale : 9 célèbres comptes à rebours au cinéma
by Philippe GuedjVIDÉOS. Alors qu'une mission historique décollera de Floride ce soir, retour sur les décollages de fusées parmi les plus vibrants du grand écran.
Ce soir, vers 22 h 30 heure française, le programme privé SpaceX d'Elon Musk et la Nasa vont nous faire rêver avec le décollage, depuis cap Canaveral en Floride, de la fusée Falcon 9, emportant la capsule Crew Dragon, vers la Station spatiale internationale (ISS). À bord : deux astronautes américains, et c'est une double première puisque la Nasa n'avait plus envoyé d'hommes dans l'espace depuis l'ultime vol d'une navette en 2011 – les équipages envoyés à bord de l'ISS partaient tous depuis Baïkonour en Russie, y compris notre Thomas Pesquet national. Et c'est aussi la première fois que SpaceX embarque des êtres vivants. Les enjeux technologiques, économiques, scientifiques et géostratégiques sont énormes et, en priant pour que la météo ne vienne pas gâcher la fête, c'est donc une soirée historique que tous les fascinés de conquête spatiale s'apprêtent à vivre. L'occasion, en guise d'apéritif, de nous remémorer quelques-uns des films les plus marquants inspirés par la bien réelle course aux étoiles… mais qui l'ont aussi, pour certains d'entre eux, précédée !
1) L'Étoffe des héros de Philip Kaufman (1983)
Le chef-d'œuvre absolu. Le frisson spatial à son zénith, une œuvre inégalée du genre, tenant miraculeusement la juste note entre la grande aventure et une ironie mordante. Adapté du best-seller de Tom Wolfe, L'Étoffe des héros couvre, de 1947 à 1963, les prémices de la conquête spatiale américaine, depuis le premier vol supersonique par le mythique pilote Chuck Yeager jusqu'à la fin du programme Mercury. Enivrant, émouvant, drôle, rythmé par les lancements successifs des fusées Mercury sur fond de compétition avec l'URSS, L'Étoffe des héros jouit d'un fabuleux casting (Sam Shepard, Dennis Quaid, Scott Glenn, un tout jeune Jeff Goldblum en second couteau…) tandis que les envolées lyriques de la BO de Bill Conti nous tirent des larmes. Un must.
2) Apollo 11 de Todd Douglas Miller (2019)
Sidérant documentaire à base d'images d'archives en partie inédites de la Nasa, revenant sur le vol le plus célèbre de la conquête spatiale – celui des astronautes Neil Armstrong, Buzz Aldrin et Michael Collins vers la Lune, en juillet 1969. Avec leurs images restaurées en 4K (voire 8K !), les premières secondes d'Apollo 11 laissent littéralement pantois. La foule massive se pressant sur les plages et autoroutes des environs de cap Canaveral peu avant le décollage de Saturn V. La gigantesque rampe de lancement montée sur des chenilles aux proportions dignes d'un film de James Cameron. Le ciel d'un bleu totalement cristallin. L'expression blanche et insaisissable de Neil Armstrong, la mine facétieuse de Buzz Aldrin, le regard vaguement inquiet de Michael Collins, tandis qu'une petite armée de techniciens vérifie leurs combinaisons d'astronaute avant leur embarquement. Ces images des coulisses du « jour J » pour Apollo 11 offrent une netteté et une clarté renversantes… Le reste du film est à l'avenant.
3) Apollo 13 de Ron Howard (1995)
Alors que la révolution des images de synthèse s'emparait tout juste de Hollywood, le réalisateur Ron Howard décidait de mettre à profit leur potentiel pour ce blockbuster spectaculaire et réaliste sur les coulisses d'un échec – et d'une tragédie évitée de justesse, grâce au sang-froid de ses astronautes. Troisième mission vers la Lune, lancée en 1970, Apollo 13 n'atteignit jamais sa destination à cause d'une explosion à bord contraignant l'équipage à rentrer en catastrophe sur Terre. Au-delà du suspense tout relatif (on sait que les trois antihéros, joués ici par Tom Hanks, Bill Paxton et Kevin Bacon, s'en sortirent sains et saufs), le film a la bonne idée d'aborder la fin des illusions en marche dans une Amérique post-Vietnam déjà indifférente à la conquête spatiale. Cela n'empêche pas nos cœurs de battre à tout rompre lors du compte à rebours du lancement, merveilleusement filmé et servi par des effets spéciaux encore plus réalistes que ceux de L'Étoffe des héros.
4) Ad astra de James Gray (2019)
Dans un futur proche, l'astronaute légendaire Roy McBride (Brad Pitt) est envoyé aux confins de notre système solaire pour comprendre l'origine exacte d'une surcharge d'énergie mettant la Terre en péril. Le coupable serait son propre père, le scientifique Clifford McBride, perdu depuis presque trente ans dans l'espace durant une mission de communication avec d'éventuelles intelligences extraterrestres. La source des perturbations électriques provient de sa station spatiale, en pleine dérive du côté de Neptune. Attention, dépression ! À des années-lumière de l'enthousiasme de L'Étoffe des héros, Ad stra propulse Brad Pitt dans l'espace en mode Xanax mâtiné de Prozac, pour un règlement de comptes freudien avec le père. Tout en revendiquant sa nostalgie des grandes heures de la conquête spatiale, le film démythifie complètement le décollage de fusées, désormais réduites à des vols commerciaux vers une Lune métamorphosée en gigantesque mall. Heureusement, la beauté visuelle du film et son atmosphère hypnotique, parfois proche du Solaris de Tarkovski, font passer la pilule.
5) Interstellar de Christopher Nolan (2014)
Alors que la Terre meurt à petit feu par épuisement de ses ressources, l'ex-astronaute devenu fermier Joe Cooper (Matthew McConaughey) repart dans les étoiles pour une mission de sauvetage du côté d'un immense trou noir. Le plus impressionnant et ambitieux de tous les Nolan transforme, lui aussi, le lancement d'un vaisseau spatial en gros coups de blues pour le spectateur, entre la musique pompière mais vibrante de Hans Zimmer et le visage confit de larmes de Matthew McConaughey.
6) First Man de Damien Chazelle (2018)
Vous reprendrez bien un coup de spleen ? Une odyssée un poil rasoir, davantage centrée sur la psyché d'un astronaute rongé par la dépression qu'une véritable redite de l'aventure Apollo 11. Neil Armstrong, le plus énigmatique et reclus des trois astronautes de la toute première mission humaine vers la Lune, est au cœur d'un récit encore plus radicalement éloigné du lyrisme solaire de L'Étoffe des héros que ne l'est Ad astra. Campé avec absence et distance savamment dosées par un Ryan Gosling à l'aise dans l'inexpressivité, Armstrong est ici un homme brisé à jamais par la mort précoce de sa fille, qui ne cessera de le hanter même dans les étoiles. On ne rêve pas vraiment dans First Man, mais le prodige Damien Chazelle réussit le tour de force de scènes spatiales étourdissantes de réalisme malgré son budget restreint. La séquence du décollage de Saturn V vous donne à elle seule l'impression d'être dans la capsule, aux côtés du trio kamikaze, dans ce frêle habitacle mitraillé par le vacarme de la propulsion et la violence du vide.
7) Capricorn One de Peter Hyams (1978)
Et si le premier voyage humain vers Mars n'était en fait qu'une immense supercherie organisée par un directeur fou de la Nasa avec la complicité de l'armée ? Et si les mêmes complotistes avaient reconstitué l'arrivée sur Mars en studio télé en prévoyant par la suite de se débarrasser des astronautes ? C'est le scénario fou de ce thriller qui ne nous emmène guère dans l'espace, donc, mais nous ménage tout de même une scène de compte à rebours assez stupéfiante, digne d'un coïtus interruptus, quand les membres de l'équipage sont brutalement sortis de leur fusée manu militari à quelques minutes du lancement. Le poids des ans n'a pas épargné la crédibilité du script, mais Capricorn One reste un bon divertissement, électrisé par une sublime partition signée Jerry Goldsmith.
8) Destination… Lune ! d'Irving Pichell (1950)
Dix-huit ans avant 2001, l'odyssée de l'espace (que nous n'avons pas retenu dans ce classement pour cause d'absence de séquence de décollage de fusée !), cette superproduction cosmique, produite par le spécialiste du genre George Pal, avait impressionné les spectateurs pour le réalisme de ses effets spéciaux et sa description des effets de l'apesanteur en vol. Les similitudes troublantes de certains plans du film avec des cases de l'album de Tintin On a marché sur la Lune (publié en 1954) ne sont pas fortuites : Destination… Lune ! a fait partie des influences d'Hergé pour la création de ses aventures suborbitales de Tintin. De même que le classique de Fritz Lang avec lequel nous concluons cette céleste sélection ci-dessous !
9) La Femme sur la Lune de Fritz Lang (1929)
Précurseur des précurseurs, Fritz Lang, pour son dernier film muet, a marqué d'une pierre (noire et) blanche l'histoire du film de conquête spatiale. La scène de décollage, visionnaire et poétique avec cet engin sortant d'un bassin aquatique avant d'être propulsé dans l'atmosphère, reste l'un des plus incroyables morceaux de SF de l'histoire du cinéma. Encore plus dingue, elle offre la toute première apparition à l'écran d'un compte à rebours, qui sera plus tard repris dans l'aéronautique pour les lancements de fusées !