Coronavirus au Congo: des enfants-soldats se reconvertissent dans la fabrication de masques
by Jean-François HerbecqKananga, dans le Kasai, au centre du Congo. Le centre "Mpokolo Wa Muoyo" ou "Source de vie" y accueille depuis l’an dernier un millier d’anciens enfants-soldats. Des jeunes garçons et filles enrôlés par une milice locale Kamwina Nsapu depuis 2016 dans un conflit meurtrier. Aujourd'hui, certains ont appris un métier, et fabriquent des masques pour lutter contre la pandémie de coronavirus.
Jusqu’à 60% des soldats de cette milice étaient mineurs. Mais il y a un an, ce mouvement a pris fin avec l’élection de Félix Tshisekedi. Tous les miliciens ont déposé les armes. Ces jeunes ont été accueillis à Mpokolo Wa Muoyo en vue de leur réinsertion dans leur famille. Avec l’aide de l’Unicef, ils reçoivent une formation professionnelle.
Reconversion face au coronavirus
Le père Ivo Vanvolsem a fait d’une pierre deux coups à Kananga. Face à la pandémie de coronavirus, le gouvernement de Kinshasa veut faire porter le masque par tous les Congolais. Le religieux belge a donc pris l’initiative de reconvertir ces ex-enfants-soldats en producteurs de masques en tissu.
Ces jeunes, comme Meshak, reçoivent des formations de quelques mois : "Ils nous ont donné des formations en mécanique et en menuiserie pour certains. Moi personnellement j’ai suivi coupe – couture. Et voilà, j’ai du travail"
Mais la région offre peu d’opportunités dans ces métiers. Et donc vu l’épidémie de Covid-19 déjà présente dans des villes comme Kinshasa ou Lumbumbashi, le père Ivo Vanvolsem a eu une idée : "On se prépare à l’arrivée du virus. Il faut porter le masque. Les autres mesures sont impossibles ici. Alors nous avons pensé à fabriquer des masques. Un défi pour ces jeunes qui avaient eu la formation de coupe-couture".
D’abord cinq filles, puis vingt jeunes, dont un garçon, qui produisent sur 4 machines à coudre… Mais très vite les stocks de coton de qualité s’avèrent insuffisants et il faut plus de machines.
Une campagne de dons en Belgique a permis d’envoyer 20 machines à coudre et mille mètres de coton à Kananga, ainsi que des épaulettes qui serviront de filtres. De quoi fabriquer 15.000 masques.
Il a fallu deux vols cargo pour envoyer le matériel d’Ostende à Kananga, trois semaines de trajet, de tracasseries administratives et de paperasses. Mais la semaine dernière la cargaison est bien arrivée et aujourd’hui la production tourne avec à terme, 50.000 masques moyennant un nouvel approvisionnement.
"Ces jeunes sont contents de lutter contre un autre ennemi que l’armée gouvernementale, ils luttent contre le coronavirus", conclut Ivo Vanvolsem.
Les jeunes de Mpokolo Wa Muoyo ne perçoivent aucun salaire, mais pourront repartir chez eux avec une machine à coudre pour en faire un jour leur gagne-pain.