L'alliance Renault-Nissan veut redevenir compétitive, pas de fusion en vue
par Gilles Guillaume et Naomi Tajitsu
PARIS/TOKYO (Reuters) - Renault, Nissan et Mitsubishi, ébranlés par trois années noires, ont présenté mercredi une nouvelle stratégie visant à développer et produire en commun la moitié de leurs véhicules afin de redresser la compétitivité de leur alliance, sans envisager toutefois une fusion.
Les trois constructeurs, secoués en 2018 par la disgrâce de leur ancien homme fort Carlos Ghosn, ont vu leurs ventes chuter en 2019 à cause d'une dégradation de leurs principaux marchés, puis leurs difficultés s'accroître cette année avec la crise sanitaire liée au coronavirus.
Pour redresser leur situation financière, outre les plans d'économies que chaque groupe doit annoncer prochainement, les partenaires comptent utiliser à plein le potentiel économique de leur alliance forgée en 1999 par Renault et Nissan.
"Le nouveau modèle de l'alliance se concentre sur l'efficacité et la compétitivité, plutôt que sur les volumes", a déclaré Jean-Dominique Senard, président de Renault et du conseil opérationnel de l'alliance, au cours d'une téléconférence. "D'ici quelques années (...), cette alliance va être la combinaison d'entreprises la plus puissante du monde."
Cette nouvelle stratégie semble enthousiasmer les investisseurs. A 11h47, le titre Renault flambait en effet de 15,90% à 22,2 euros à la Bourse de Paris, signant ainsi de très loin la plus forte hausse de l'indice CAC 40, qui ne gagne que 1,72%.
L'alliance tourne désormais le dos à la stratégie de Carlos Ghosn qui reposait sur les volumes et qui avait fait de Renault-Nissan-Mitsubishi le leader mondial du secteur en 2017 et 2018. Une performance réalisée toutefois, selon ses détracteurs, au détriment de la rentabilité, notamment de celle de Nissan en Amérique du Nord.
Le groupe japonais annoncera jeudi un plan d'économies drastiques suivi vendredi par Renault.
Jean-Dominique Senard a toutefois exclu mercredi une fusion entre les partenaires, un projet réclamé par les marchés financiers au nom de la simplification du groupe mais politiquement ultrasensible à Paris comme à Tokyo.
"Il n'y a pas de projet de fusion de nos entreprises", a martelé le président de Renault. "Notre modèle aujourd'hui est un modèle très distinctif (...) nous n'avons pas besoin d'une fusion pour être efficient."
L'industrie automobile est engagée dans une course à la taille pour réaliser des économies d'échelle et faire face aux lourds investissements liés à l'électrification des modèles et au développement des voitures autonomes. PSA et FCA comptent ainsi allier leurs forces d'ici début 2021.
STANDARDISER POUR ÉCONOMISER
Pour l'heure, la recherche d'efficacité s'appuiera sur un partage accru des programmes de véhicules, une standardisation renforcée et une réduction de la gamme de l'alliance afin de générer de nouvelles économies.
Le trio compte ainsi appliquer un système dit de "leader-follower", où l'un des partenaires pilote un programme et les autres le suivent, sur 50% des véhicules d'ici à 2025.
Cette stratégie, déjà à l'oeuvre mais pas de manière systématique, devrait permettre de réduire de 40% les dépenses d'investissements et d'économiser deux milliards d'euros par exemple sur le développement des futurs SUV compacts de l'alliance.
Dans ce cadre, Nissan pilotera les SUV compacts, Renault les petits SUV type Captur et Nissan Juke et Mitsubishi la technologie hybride rechargeable des véhicules compacts et de grande taille.
Ce partage des rôles se retrouvera aussi à l'échelle géographique, Renault devenant ainsi leader de l'alliance en Amérique latine, où le nombre de variantes sur les petits véhicules passera au passage de quatre à une seule.
L'alliance compte également reprendre le leadership dans les voitures électriques, où elle fut pionnière au début de la décennie précédente. La situation s'est ensuite détériorée en raison de divergences entre les partenaires et de doublons dans les programmes de Renault et de Nissan.
(Avec Myriam Rivet, Gwénaëlle Barzic, Sarah White à Paris, édité par Jean-Michel Bélot)