Des chercheurs s'inquiètent de « l'expansion mondiale » du surdiagnostic du cancer de la thyroïde

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En oncologie, un surdiagnostic correspond à la détection de lésions cancéreuses mais qui n'auraient pas évolué vers un cancer infiltrant du vivant de la personne. Une récente étude dévoilée par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC/IARC), une agence de l’Organisation mondiale de la santé met en garde contre une « expansion rapide » de l'épidémie desurdiagnostics du cancer de la thyroïde dans un large éventail de pays à travers le monde. Publiée dans The Lancet Diabetes & Endocrinology, celle-ci prend en compte la population de 26 pays sur quatre continents et se base sur les chiffres recensés par la base de données du CIRC sur l'incidence de ce cancer.

Les résultats ont montré que l'incidence du cancer de la thyroïde n'a cessé d'augmenter entre 1998 et 2002 et entre 2008 et 2012 dans tous les pays analysés, y compris plusieurs pays à revenu intermédiaire et que cette hausse concernait notamment les femmes d'âge moyen. « Les résultats notre étude impliquent fortement que la grande majorité des diagnostics de cancer de la thyroïde dans le monde est due à un surdiagnostic », explique dans un communiqué son premier auteur, le Dr Salvatore Vaccarella du CIRC. Les auteurs ont notamment pu estimer la proportion de cas de cancer de la thyroïde attribuable à un surdiagnostic entre 2008 et 2012 chez cette population précise.

Les pratiques de diagnostic de ce cancer ont beaucoup évolué

Il s'avère que la proportion estimée de cas de cancer de la thyroïde chez celle-ci pendant cette période allait d'environ 40% en Thaïlande à plus de 90% en République de Corée. Chez les hommes, les schémas étaient similaires mais moins prononcés. Au total, plus d'un million de personnes (830 000 femmes et 220 000 hommes) pourraient avoir été surdiagnostiqués avec un cancer de la thyroïde en 2008-2012 dans les 26 pays analysés. « L'amplitude du phénomène est déjà importante et augmente rapidement avec le temps. Ces chiffres sont susceptibles d'être plus élevés pour les périodes postérieures à celle évaluée dans l'étude », ajoute le Dr MengMeng Li, du CIRC.

Comment l'expliquer ? Le CIRC souligne qu'un surdiagnostic du cancer de la thyroïde est la conséquence directe d'une surveillance accrue de la glande thyroïde et de l'introduction de nouvelles techniques de diagnostic, telles que l'échographie du cou, la tomodensitométrie et l'imagerie par résonance magnétique (IRM). Ces dernières peuvent en effet conduire à la détection d'un grand nombre de tumeurs bénignes dans cette glande chez des individus par ailleurs en bonne santé de tout âge. Or, un surdiagnostic expose le patient à des préjudices inutiles : ablation complète de la thyroïde, recevoir des traitements qui n’auraient pas été nécessaires et en subir les effets secondaires...

Des coûts financiers inutiles

Ainsi, « la plupart des personnes diagnostiquées avec cancer de la thyroïde subissent une totale thyroïdectomie et d'autres un traitement à vie, quand bien même il n'y ait aucune preuve que ces interventions soient bénéfiques en termes de réduction de la mortalité », précise l'étude. Outre le fait que certains patients éprouvent des complications après la chirurgie, il y a aussi l'aspect psychologique lié à l'idée de devoir vivre avec un tel diagnostic. Enfin, l'Agence estime que le surdiagnostic entraîne des coûts financiers pour les systèmes de santé, détournant des ressources qui pourraient être utilisées autrement pour des services médicaux plus efficaces et équitables pour les citoyens.

« La grande partie de l'augmentation du surdiagnostic du cancer de la thyroïde dans le monde, y compris dans les pays à revenu intermédiaire à élevé, indique qu'il est urgent de suivre de près son évolution dans le monde et l’impact des récentes directives, qui recommandent désormais explicitement de ne pas dépister le cancer de la thyroïde chez les individus sans symptômes », conclut le Dr Salvatore Vaccarella. A noter que dans une précédente étude publiée en 2016 ce même chercheur estimait déjà que plus de 470 000 femmes et 90 000 hommes ont peut-être été victimes d'un surdiagnostic de ce cancer entre 1988 et 2007 dans douze pays étudiés, notamment la France.