National 1
EXCLU / Bourg Péronnas - Karim Mokeddem : "J’essaye de ne pas me fixer de limites"
Entretien exclusif avec Karim Mokeddem. Son arrivée à Bourg Péronnas, une dernière saison prometteuse en National 1 et ses ambitions personnelles, l’entraîneur a répondu à toutes nos questions.
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Comment allez-vous et comment avez-vous vécu ces longues semaines sans football ?
Je vais bien. Et surtout mes proches et mes amis vont bien, on a été épargnés par le virus. Le confinement, je l’ai bien vécu car on est un peu privilégiés là où j’habite, il y a beaucoup de verdure. Et on a pu se retrouver en famille, ce qui est rare dans notre métier. Concernant l’arrêt du football, ça démange. La relation avec les joueurs, même si on a essayé de maintenir un contact régulier toutes les semaines, l’adrénaline des matchs, se retrouver à l’entraînement, la conception des séances, tout ça, ça manque. Maintenant, on a complètement basculé sur la saison prochaine et sur le recrutement.
Revenons un peu sur cette dernière saison. Vous étiez 5e du championnat, à seulement 5 points de Dunkerque (2e) et 6 de Pau (1er). Comment avez-vous vécu en interne l’annonce de l’arrêt des championnats alors que vous pouviez encore prétendre à la montée et même au titre ?
Bien évidemment, il y a de la frustration qui s’est installée petit à petit quand on a compris qu’on ne reprendrait pas le championnat. On partait de loin, on n’avait pas fait un bon début de championnat, on avait du retard et puis on a réussi à le faire fondre. Légitimement, on pouvait ambitionner une promotion en Ligue 2. Il restait 27 points à distribuer. Et tant que l’arrêt des championnats n’avait pas été prononcé, il y avait un sentiment d'inachevé. Ensuite, j’ai fait la bascule quand ils l’ont officialisé, parce qu’il y a des choses bien plus graves et importantes. Et j’ai eu la chance de discuter avec Christophe Pélissier, l’entraîneur de Lorient, qui était un peu dans la même situation concernant la validation de la montée ou non. Et il m’a dit : « Tu sais Karim, vu ce qu’il m’est arrivé avec Luzenac, aujourd’hui, plus rien ne peut me toucher. Et puis vu la situation actuelle... Si ça ne doit pas nous arriver, ça ne vous arrivera pas ». Quand j’ai entendu cette phrase pleine d’humilité d’un homme qui a de l’expérience, ça m’a permis de relativiser. Et sur le long terme, il faut tirer le chapeau à Dunkerque et à Pau, ils ont souvent été dans le trio de tête depuis le début de l’année et finalement, ils ne volent pas leur accession même si on ne sait pas ce qu’il en serait advenu avec les neuf journées restantes.
« On s’attend à une année compliquée »
Vous parliez de ce début de saison compliqué. 13 joueurs sont arrivés et 9 sont partis à l'intersaison, comment vous expliquez cette alchimie si rapide au sein de l’équipe qui vous a permis de remonter la pente après deux saisons assez délicates ?
Déjà, quand je suis arrivé au sein de cette institution, j’ai senti que l’ambiance était saine et c’est une chose importante. Le président, il gère son club comme un véritable père de famille. Après, il faut savoir qu’on n’avait pas gagné un seul match de préparation tout au long du mois d’août. Dans 80% des clubs, l’entraîneur aurait déjà commencé à être bousculé et là, ça n’a pas du tout été le cas. C’est pour ça que je tiens à remercier mes dirigeants à ce sujet, car ils ont été importants dans la réussite et ce n’est pas le cas dans tous les clubs. D’un autre côté, vu qu’on est tous dans le même centre d’entraînement, ils voyaient bien toute l’énergie que l’on mettait à l’entraînement pour essayer d’y arriver et ils avaient aussi conscience qu’il fallait que la mayonnaise prenne au sein de l’effectif. Quand vous descendez de Ligue 2 et que vous passez une saison très compliquée sportivement, il faut une inertie. C’est comme le gouvernail d’un bateau, quand on le tourne, l’effet n’est pas immédiat.
Et malgré ce début de saison poussif, vous ne vous êtes jamais senti en danger ?
Jamais. J’ai surtout senti des dirigeants gênés que l’on n’y arrive pas et qui apportaient un soutien total au staff et aux joueurs pour ne pas que le doute commence à les envahir. On a eu la chance de trouver, à un moment donné, la bonne carburation pour faire la bascule. En 2020, on était invaincus en championnat. Et c’est en grande partie dû au travail des joueurs et des dirigeants du club.
On peut donc estimer que cette fin de saison est prometteuse pour le club. Est-ce que vous avez déjà eu l’occasion de discuter et de vous projeter avec vos dirigeants sur la saison prochaine ?
On est obligés de se projeter parce que la saison prochaine arrive à grand pas. Après, la réalité économique a pris le pas sur tout. On devait conserver un certain nombre de nos joueurs parce qu’on était satisfaits. Mais aujourd’hui, la réalité économique liée au coronavirus change les choses. Déjà, il y a la troisième année consécutive du club en National 1 et puis surtout l’aspect économique. Comme tout le monde, les entreprises disent qu’il leur faudra entre 18 et 24 mois pour redresser la barre. On s’attend à une année compliquée et on a conscience qu’on ne sera pas dans la continuité parce que l’on va devoir se séparer de garçons, mais ce ne sera pas pour des choix sportifs.
« Normalement, 4 jeunes de l’équipe réserve vont intégrer le groupe principal »
Et concernant les départs, il y a déjà celui d’Achille Anani qui a été confirmé, en direction de Grenoble. C’était tout de même le meilleur buteur du club et du championnat. Que pensez-vous de ce départ vers la Ligue 2 ?
Achille, c’est un garçon qui le mérite, c’est un travailleur hors pair qui est toujours à l’écoute et qui accepte la critique et de se faire bouger par son entraîneur. Il est toujours au service de l’équipe donc c’est un garçon qui méritait vraiment d’aller en Ligue 2.
Craignez-vous une importante vague de départs cet été ?
On a conscience que la conjoncture économique touche tout le monde, beaucoup de clubs de Ligue 2 vont se tourner vers le National pour avoir des joueurs à moindre prix. Nous concernant, on va essayer de conserver une ossature forte mais on va perdre des garçons, peut-être pour des équipes du niveau au-dessus, je leur souhaite, mais tous ces joueurs qu’on va perdre pour des raisons financières, je leur souhaite surtout de retrouver un projet.
Face à cette possible vague de départs, la solution pourrait-elle être le centre de formation sachant que les dirigeants montrent une réelle volonté de le développer depuis 2018 ?
Il y a un garçon qui s’appelle Romain Lattron, qui s’occupe de la structuration technique du pôle jeune, il fait un travail remarquable dans le recrutement et surtout la formation des jeunes. Il a su positionner, avec les éducateurs du club, les équipes de jeunes au plus haut niveau. On essaye de regarder ensemble pour permettre aux jeunes d’avoir une ouverture plus importante sur l’équipe première. L’effet immédiat, c’est qu’il y a normalement 4 jeunes de l’équipe réserve qui vont intégrer le groupe principal. Et c’est vrai qu’au niveau financier, beaucoup de clubs vont devoir se tourner vers leurs centres de formation et sortir quelques joueurs. Je parle de centre, mais c’est un grand mot, il devait y avoir ouverture du centre lors de la descente, donc on a un fonctionnement de centre de formation sans en avoir le titre. Tout est prêt pour l’ouverture, il faut monter maintenant.
En effet, pour le légitimer il faut monter en Ligue 2. C’est le principal objectif du club la saison prochaine ? Est-ce que vous avez déjà des informations quant à la reprise de la compétition à l’heure actuelle ?
On a rencontré l’intégralité de nos joueurs, c’est la première des choses. Après, en National, on n’a pas de date officielle de reprise. On peut imaginer, vu le discours du président Le Graët, que le football amateur reprendra en septembre. Quoiqu’il en soit, on reprendra le chemin des terrains début juillet.
« Ça ne me fait pas peur d’aller où que ce soit »
Et par rapport à la saison prochaine, avez-vous été approché par d’autres clubs, après une saison durant laquelle votre travail a souvent été mis en avant ?
Le travail, c’est aussi celui du staff, l’entraîneur n’est pas seul à oeuvrer aux bons résultats. Après, comme je le dis souvent en rigolant, généralement, les clubs ont mon numéro de téléphone, tout en sachant que je suis installé à Bourg. Après comme tout joueur et comme tout entraîneur, on a envie d’atteindre l’élite et un championnat professionnel.
En mars 2019, vous aviez déclaré que vous aviez besoin d’un nouveau challenge. L’avez-vous trouvé en rejoignant Bourg-Péronnas ?
Oui. Ça faisait 6 ans que je travaillais à Lyon La Duchère, avec le même président, donc il était important pour moi de changer d’équipe et voir comment j’aillais pouvoir m’intégrer dans un nouveau club, avec une nouvelle façon de travailler. Et je pense que ça a été réussi car on a vraiment un bon fonctionnement à Bourg, c’est agréable. Même sportivement, c’était important pour moi d’évoluer car on avait des conditions d’entraînement compliquées à La Duchère. Avant, j’allais à l’entraînement, maintenant, je vais au centre d’entraînement comme j’aime le dire. Mais toutes mes années à La Duchère ça m’a forgé. Ça ne me fait pas peur d’aller où que ce soit car j’ai connu les deux versets. Par rapport à la conquête de la Ligue 2, l’année dernière, on finit 5e avec La Duchère, cette année, j’ai atteint la même place donc je n’ai pas baissé. J’y vois beaucoup de positif au final. Et comme je l’ai expliqué, le challenge c’était avant tout de m’adapter dans un nouveau club qui sortait de deux saisons compliquées.
Après ce nouveau challenge qui s’est donc avéré concluant, quels sont vos prochains objectifs personnels dans le futur ?
Aujourd’hui, je suis dans un club professionnel mais j’ai envie d’entraîner dans un championnat professionnel et j’espère bien y arriver avec Bourg. La projection dans le football, c’est compliqué car on vit dans un milieu précaire avec des contrats qui durent en moyenne deux ans, et on sait que la durée de vie d’un entraîneur, c’est 18 mois. Donc parler de long terme, c’est compliqué. À court terme, j’ai envie d’accéder à la Ligue 2 avec Bourg. Et dans quelques années, j’aimerais bien être installé en Ligue 2, voire plus si affinités. S’il y a une équipe de Ligue 1 qui est intéressée, je ne refuserai pas. J’essaye de ne pas me fixer de limites. J’ai un parcours assez atypique car je viens du fin fond du football amateur. J’ai entraîné en deuxième division de district puis en district, en National 3, en National 2 et maintenant en National 1. J’ai franchi les échelons un à un. Je ne vois pas mon parcours comme une faiblesse mais plus comme une force car, comme je n’ai pas cette étiquette d’ancien joueur professionnel, je pense avoir développé d’autres qualités et compétences. Je travaille peut-être beaucoup et ça m’aide à atteindre mes objectifs.