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Difficile d’imaginer instaurer des distances dans des lieux qui sont, précisément, faits pour tout le contraire. © Francis CAMPAGNONI

Les discothèques de Clermont-Ferrand inquiètes pour leurs jours et les nuits à venir

Leurs nuits étaient souvent plus exaltantes que nos jours, mais ça c’était avant. Avant qu’un insidieux virus vienne s’inviter dans l’aire et sur les platines des discothèques, les plongeant dans le silence et les ennuis d’une nuit désolée qu’elles voudraient bien voir finir.

Si les restaurateurs et patrons de bar entrevoient la fin d’une bien longue période de disette et commencent à se frotter les mains, leurs verres et leurs assiettes,   dans l’espoir d’une réouverture promise pour les tout premiers jours de juin ; il n’en va pas de même pour les propriétaires ou gérants de discothèques.
Eux n’ont pas fini de connaître encore bien des nuits blanches avec la perspective d’un retour à la vie noctambule remis à des calendes grecques. 

L’incontournable promiscuité

Difficile, en effet, d’imaginer des dance floors cloisonnés ou des longueurs de bars interdisant toute promiscuité. Eux qui, précisément, sont faits pour tomber les barrières de la timidité, faire se briser la glace autour d’un cocktail partagé, inciter aux rencontres entre corps exaltés par l’ivresse des corps et du son dans la moiteur d’une nuit syncopée.

« Il faudrait que soit décrété
un déconfinement total. »Christophe Vonwill (Gérant du 101)

« Notre métier est précisément à l’opposé de toute notion de déconfinement », admet, très réaliste, Christophe Vonwill, gérant du 101 à Clermont-Ferrand.
« Tout au contraire, il repose sur la convivialité rapprochée et les échanges entre personnes. »
« Même avec la meilleure volonté du monde, je vois mal comment nous pourrions rouvrir dans les circonstances actuelles. Pour ce faire, il faudrait que soit décrété un déconfinement total. Nous sommes donc entièrement tributaires de l’évolution de la crise sanitaire autant que des décisions politiques qui en résulteront. »

Une situation qui, bien sûr, n’arrange pas ses affaires. « Voilà trois mois que je suis en cessation de paiement. Certes, les aides du gouvernement, les 1.500 € mensuels versés jusque-là et la possibilité d’avoir recours au chômage partiel pour les personnels, nous ont permis de parer à l’urgence mais demeurent les charges fixes : loyer, droits de Sacem calculés sur l’année précédente... Autant dire une situation extrêmement compliquée dont on n’ose même plus présager de la date de fin. »

« Nous avons été les premiers à fermer, nous serons sûrement les derniers à rouvrir »David Teixeira (Cogérant du Middle)

Même son amer sur la piste désertée du Middle, rue Ramon à Clermont-Ferrand, devenue morne plaine.
« Bien sûr, nous avons envisagé de multiples solutions mais, pour l’heure, aucune n’est apparue viable », confesse David Teixeira, cogérant de l’établissement, qui se veut fataliste. « Nous avons été les premiers à fermer, nous serons sûrement les derniers à rouvrir, au vu de la situation. Je ne vois pas comment il pourrait en être autrement. »
Alors, à défaut de compter les clients et les distances qu’il faudrait mettre entre eux, «  contingence impossible », il évalue les pertes : « C’est au minimum 10.000 € par soirée », estime-il à la louche.
Un bouillon qui vient fragiliser une profession déjà mise à mal par l’évolution des tendances et des us et coutumes des clients. « Nous n’avions déjà qu’une marge de manœuvre extrêmement réduite, avec le développement des terrasses et les fermetures tardives des bars où les gens aiment à musarder. Autant dire un créneau de 2 heures à 4 heures du matin pour assurer un chiffre. Des nuits souvent très longues à force d’être courtes. »

Une reprise mais pour quand ?

Est-ce là un tournant et la fin d’une époque où les « boîtes de nuit » ont connu un âge d’or ?
Les deux gérants veulent demeurer optimistes : « Il y aura une reprise, car les gens auront besoin de se défouler au sortir de cette crise, de se retrouver et de danser. Reste à savoir quand elle interviendra et à quelles conditions ».

Tous y survivront-ils ? Personne n’ose vraiment se prononcer, dans l’inquiétude d’un manque que rien ne fera (re)gagner et de la méfiance d’une part de clientèle, peut-être peu disposée à s’agréger de sitôt, en vase clos, démasquée, de crainte qu’un virus, volage et retors, ne se soit attardé à danser sur les « floors ».

Patrick Ehme