Michel Sarran (Top Chef) attaque Axa en justice
Le célèbre chef cuisinier a décidé de poursuivre l'assureur en lien avec la perte d'exploitation de son restaurant étoilé à Toulouse. Une perte générée par la crise actuelle.
Les restaurateurs se rebellent ! Étranglés, asphyxiés par une situation de crise dont ils ne savent pas exactement quand ils pourront sortir, certains ont décidé de passer la vitesse supérieure pour tenter de ne pas complètement sombrer. Ainsi, le chef Michel Sarran attaque son assureur en justice. Il avait décidé de contacter l'entreprise Axa dans le but de demander la prise en charge par l'assureur de la perte d'exploitation enregistrée par son restaurant deux étoiles situé à Toulouse, alors que la crise sanitaire s'est transformée en crise économique depuis déjà plus de deux mois. Mais il n'a pas été très bien reçu.
Auprès du site L'Hôtellerie Restauration, le célèbre chef cuisinier de Top Chef ne cache pas sa déception et sa colère : "Jusque-là, les assurances n’ont pas joué le jeu. Elles nous ont fermé la porte. Elles ont fermé la porte au gouvernement qui a tenté de négocier. Je regrette que le gouvernement n’ait pas réussi à leur mettre davantage la pression comme en Bavière qui a fait fléchir Allianz. Il n’a rien obtenu. Comment peut-on accepter ça ?"
Michel Sarran regrette que les assureurs puissent n'en faire qu'à leur tête alors que lui et les autres restaurateurs sont coincés. "Quand on voit que Axa a augmenté ses bénéfices de 80% en 2019, et qu’ils jouent les pauvres qui ne peuvent pas prendre en charge les pertes d’exploitation…", se désole le chef. Après le refus opposé par l'assureur, le restaurateur a donc décidé de porter l'affaire devant le tribunal de commerce. D'autant qu'il n'est pas le seul professionnel du milieu à avoir tenté le coup. Récemment le restaurateur Stéphane Manigold, président du groupe Eclore, a poursuivi en juste AXA et a obtenu gain de cause.
L'affaire qui plombe déjà Axa
"J'espère qu'on obtiendra les mêmes résultats", confie Michel Sarran auprès de L'Hôtellerie Restauration. "Pleins de restaurateurs vont se retourner contre leur assurance pour exiger une partie ou la totalité de la perte d’exploitation. Les assureurs qui font la sourde oreille, ce n’est pas acceptable quand nous, pour la plupart, on a un genou à terre (...) Face au manque de solidarité et la mauvaise volonté du secteur des assurances, je ne peux qu’encourager mes collègues à faire de même", avance le chef toulousain. Et il faut dire que l'affaire Manigold a donné un regain d'espoir à certains. Axa a été condamné le 22 mai à indemniser le restaurateur à hauteur de 50.000 euros. Le tribunal ayant estimé que son assurance avait l'obligation de le couvrir contre la fermeture de ses restaurants, fermeture imposée par le confinement. Mais nombreux sont les professionnels du secteur qui estiment que la compagnie n'est pas à la hauteur de la crise.
Devant la polémique, Axa a d'ailleurs tenté d'apaiser les tensions. Mardi, Thomas Buberl, directeur général de la compagnie d'assurance, a expliqué que "moins de 10 %" des contrats souscrits par quelque 20.000 restaurateurs auprès de son entreprise présentaient une ambiguïté, rapportent Les Echos. Il a également annoncé que 500 millions d'euros seront alloués pour venir renforcer les fonds des entreprises françaises. Au total, Axa affirme avoir mis en place plusieurs mesures pour faire face à la crise et consacré plus de trois milliards d'euros à la résolution de celle-ci.
Contacté par Capital, l'assureur, affirme par la voix de son directeur de la communication, Eric Lemaire, avoir accordé 400 millions d'euros de mesures extra-contractuelles et d’engagements solidaires : "Nous avons notamment décidé d'annuler deux mois de cotisations multirisques professionnelles pour nos assurés qui ont vu une fermeture de leur activité. Pour les entreprises en difficulté, nous continuons d'assurer le risque de sinistralité sans encaisser les primes. Au total, ces mesures touchent près de 350.000 entreprises et professionnels clients."
L'assureur prêt à mettre la main à la poche
Interrogé spécifiquement sur le cas des 20.000 restaurateurs assurés chez Axa, Eric Lemaire maintient que la plupart de ces professionnels, environ 18.000, ont souscrit un contrat "classique", pour lequel un événement généralisé tel que la pandémie n'entraîne pas de couverture de la perte d'exploitation. Pour les 2.000 autres contrats, "200 environ ont été rédigés avec des garanties imprécises ", détaille le dirigeant. "Pour ces contrats sur lesquels le doute est réel, nous procédons actuellement à une indemnisation sur la base des pertes."
Si l'assureur a fait appel de la décision de justice dans l'affaire Stéphane Manigold, il indique toutefois souhaiter un débat de fond sur la question de l'ambiguïté de certains contrats et se montre disposé à trouver des accords financiers avec les restaurateurs mécontents. Sur les 20.000 restaurateurs assurés par Axa, 1.800 contrats couvrent la perte d'exploitation "pour des problèmes d'hygiène ou de sécurité, comme dans le cas d’un établissement où il y a des rixes fréquentes ou pour un empoisonnement alimentaire et qui est fermé administrativement", donne en exemple Eric Lemaire. Ce dernier affirme qu'Axa est prêt à discuter avec ces restaurateurs et leur proposer “une enveloppe calculée sur plusieurs mois”. Thomas Buberl souhaite également "indemniser une partie substantielle de ces contrats", et ce, "rapidement". D'autant que du côté de certains restaurateurs, comme Michel Sarran, la réouverture ce n'est pas pour tout de suite. Les derniers bruits de couloir laissent entendre que seuls les restaurants des zones vertes pourraient accueillir de nouveau une clientèle dès le 2 juin, à condition que soit mis en place un protocole sanitaire spécifique.
Mais Michel Sarran n'est pas persuadé que cela soit judicieux au vu de la situation, d'autant que les établissements ne pourraient fonctionner qu'à 50 % de leur capacité. "L'abandon des quatre mètres carrés c'est une très bonne nouvelle mais limiter à 50% cela va être plus difficile car on ne sait pas quel va être le comportement de nos clients", expliquait lundi le chef sur les ondes de RTL. S'il dit son envie de rouvrir son restaurant, il ne veut toutefois pas le faire "dans n'importe quelles conditions". "Il nous faut de la sécurité économique et sanitaire", expliquait-il. Le chef affirmait donc qu'il ne comptait pas rouvrir son établissement dès le 2 juin.